Semaine d’un sériephile (32) : spéciale séries australiennes

Vous ne pensez tout de même pas que ces quelques jours de beau temps vont durer ? Et que ferez-vous quand la pluie repointera le bout de son nez et que les mojitos en terrasse vous seront interdits ? (vous travaillerez me dit-on). Moi j’ai une solution : regarder des séries australiennes. Ma première est lumineuse et fait la part belle aux surfeurs. Ma seconde nous transporte sans concessions dans une Australie multiethnique. Ma troisième, sobrement, s’interroge sur le sort des aborigènes dans un quartier pauvre de Sydney. Ce sont respectivement Puberty Blues, East West 101 et Redfern Now. Préparez vos ceintures, nous embarquons pour l’Australie !

Puberty Blues, saison 2

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Souvenez-vous, Puberty Blues avait déjà fait parler d’elle au festival Séries Mania 2013, et j’avais évoqué la première saison de cette adaptation du best-seller de Gabrielle Carey et Kathy Lette sur Séries Chéries. La saison 2, entamée il y a quelques semaines s’achève mercredi, mettant un terme à cette magnifique et triste chronique de la jeunesse australienne.

La saison 1 nous faisait découvrir le quotidien de deux adolescentes à la fois naïves et désenchantées, Debbie et Sue, dans un monde largement machiste et puritain ébranlé par la révolution sexuelle. Dans cette saison 2, les deux gamines sont devenues de vraies jeunes femmes et s’affirment violemment auprès de leurs pairs, de leurs parents et de l’autorité que représente le système éducatif. On les savait inséparables, c’est l’heure de la première fracture entre elles, alors que Debbie est envoyée en école privée et que Sue continue sur le chemin de l’indépendance et de la découverte sexuelle. Ce voyage sur le chemin de la maturité, elles l’affrontent pourtant avec courage quitte à laisser les parents ou les petits copains sur le bas côté. Car oui, ce que l’on retiendra, c’est que la vie n’est pas facile pour ces filles jugées au moindre écart, et leur rébellion prend une place de poids face à l’inertie de leurs partenaires masculins.

Au final, ce deuxième volet est un véritable bijou. A la fois fidèle à la saison 1 et plus abouti au niveau des problématiques abordées et du développement des personnages. Très engagée sur le terrain de la sexualité et de l’égalité hommes femmes, Puberty Blues ne verse pas dans l’idéalisme. Au contraire. Les réalités sont dures, et on n’a pas envie d’être à la place de ces ados, ni de leurs parents : grossesses adolescentes, infidélité, violence conjugale, mal-être profond, personne n’est épargné.

Pourtant, même au cœur de ces drames, on touche toujours à la beauté. Certains instants sont immortalisés, comme suspendus dans le temps et magnifiés par le thème musical parfait de la série. Puberty Blues est souvent mélancolique, elle explore le spleen d’individus, qui de l’adolescence à l’âge adulte se sentent emprisonnés dans l’enfer d’une vie qu’ils laissent défiler sans choisir, mais qui parfois se rebellent, se démènent pour changer quelque chose, avec plus ou moins de succès. C’est parfois implacable, mais l’évolution est réelle et l’optimisme n’est jamais loin. Personne n’a dit que la vie était une partie de plaisir, mais on ressort grandi de chaque expérience.

Puberty Blues, saisons 1 (2012) et 2 (2014) sur Network Ten.

East West 101, saison 1

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East West 101, c’est l’histoire de Zane Malik, un flic de Sydney, d’origine irakienne, pris entre la loyauté envers sa communauté et son job de flic. Musulman croyant et père de famille accompli, on apprend rapidement qu’un drame vécu dans son enfance l’a marqué à vie et l’a en partie poussé à devenir flic : ado, alors qu’il surveillait le comptoir de l’épicerie paternelle, deux braqueurs armés tentent de prendre la caisse. Le jeune Zane, refusant d’obtempérer, voit les braqueurs paniquer et tirer sur son père qui arrivait par l’arrière. Ce dernier survit, mais perd la raison.

La saison 1 se construit sur l’opposition entre Zane Malik et Ray Crowley, son supérieur direct, anglo-australien et raciste. Symbolisant une culture dominante en passe de ne devenir qu’une culture parmi d’autres dans ce Sydney multiethnique, Ray est l’archétype du personnage refusant l’évolution : bloqué sur le décès de son fils, il blâme ceux qui se trouvent à sa portée, ici les Arabes au travers de Malik. L’opposition croissante des deux personnages symbolise les frictions inévitables de ces villes-monde, refuges d’immigrés des quatre coins du globe. Chaque épisode s’attache à résoudre un crime, explorant les dynamiques qui animent une communauté en particulier : les insulaires du Pacifique, les arabo-musulmans, la vaste communauté asiatique, les Serbes et les Bosniaques… On comprend rapidement que les conflits qui animent ces communautés au sein de leur pays d’origine ne se sont pas effacés dans cet asile du bout du monde et perdurent en périphérie de la culture anglo-australienne.

Ces six épisodes constituent une belle entrée dans la communauté musulmane de Sydney, même si je m’interroge au final sur la dichotomie entre être arabe/musulman et être flic. Souligner tout du long cet antagonisme n’est-il pas une manière de verser dans l’exact contraire de ce que veut proposer East West 101 ? La démarche est toutefois admirable et en partie réussie car elle nous plonge dans le quotidien banal d’une famille musulmane pratiquante. Et, surprise, ils ne sont pas terroristes, ils mangent, ils boivent, se disputent et font l’amour comme le reste du monde.

Passé l’émerveillement du premier épisode qui séduit autant les sens que l’intellect, on se lasse assez vite de la figure de tough guy torturé et silencieux de Zane Malik. East West 101 n’est pas toujours fine niveau psychologie, ce qui rend le scénario souvent prévisible et l’antagonisme entre Crowley et Malik est à ce titre un peu lourd car trop symbolique. On finit tout simplement par ne plus y croire.

Cela dit, il y a un positionnement intéressant dans cette dualité omniprésente d’East West 101. Et la question du regard y est très importante. Regard du spectateur sur la famille et la communauté de Zane Malik, regard de la caméra et des créateurs de la série sur le degré de normalité qu’ils transfèrent aux Malik au sein de la société australienne, regard des collègues de Malik sur sa religion et enfin regard de Malik lui-même sur sa famille, qui vit autour d’un drame, et sur son travail, source de conflit interne. Le tout est emporté par une bande-son énergique aux accents de musique arabe et par d’excellents acteurs.

East West 101, série terminée, saisons 1 (2007), 2 (2009), 3 (2011) sur SBS network.

Redfern Now, saison 1

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Un dernier mot rapide sur Redfern Now, que je viens d’entamer. Cette série en deux saisons de 6 épisodes explore les histoires familiales de la communauté aborigène du quartier populaire de Redfern, au cœur de Sydney, victime d’émeutes en 2004. Si East West 101 manque souvent de finesse et de sobriété, c’est tout le contraire pour Redfern Now. Les deux saisons construites comme des anthologies sont variées et fraîches pour un œil européen, peu familiarisé aux rapports complexes entre aborigènes et Etat australien.

Le portrait choral et l’anthologie sont utilisés à bon escient pour faire la description de la communauté aborigène d’Australie. Cela permet, à mon avis, d’éviter l’écueil d’une trop grande dramatisation de ces histoires “sociales” et ce réalisme sobre est d’autant plus touchant qu’il ne verse pas dans l’émotion facile. Les histoires personnelles décrites sont pourtant souvent compliquées : une mère de famille obligée d’interner sa sœur et de s’occuper de ses deux enfants à l’abandon, une grand-mère renversée par de jeunes délinquants… Redfern Now conserve au gré des épisodes un côté universellement humain et délaisse la politique. Ses histoires sont belles, ses personnages attachants mais on termine quand même chaque épisode en restant sur sa faim. Il faut en effet tout boucler en un épisode… L’ensemble reste formellement très bien maîtrisé, à l’image de son générique que je ne me lasse pas de voir et d’écouter :

Redfern Now, saisons 1 (2012) et 2 (2013) sur ABC1.

Bilan

En définitive, du soleil et de beaux acteurs certes, mais ces trois séries partagent un véritable souci de questionnement sur des problématiques sociales toujours d’actualité, qui ont construit et participent à l’évolution de la société australienne : malaise de la jeunesse, intégration dans une société arc-en-ciel, reconnaissance des aborigènes… La télévision australienne embrasse de front les conflits qui traversent ce pays-continent, et ne fait pas l’aveugle sur la diversité qui parcourt sa société. A quand un regard juste, sincère et complet des séries françaises sur les Français dans toute leur diversité ?

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