Aujourd’hui, si vous le voulez bien, je vous emmène sur une terre sauvage et inexplorée, à la rencontre d’un peuple étrange et sympathique : le Québec. Oui, il y a toute l’assemblée des futurs/exs/actuels expatriés qui ne jurent que par ce nouvel eldorado. Mais vous qui restez à Paris avec votre écran, je vous offre le moyen d’en connaître plus que tout le monde, l’opportunité de briller à votre prochaine soirée djeuns, en clamant sur la place publique « Ah ouais, le Québec ça me connait. D’ailleurs tu devrais regarder Série Noire, c’est ce qu’ils ont fait de mieux à la télé ». A ce moment de la conversation, si on vous demande d’expliciter votre propos et de mettre des arguments sous vos superlatifs, voici ce que vous devez répondre.
D’abord le pitch est original
Avant toute chose, l’histoire « méta » est emballante. Nous suivons les aventures de Denis et Patrick, un couple d’amis et de scénaristes, qui ont écrit la première saison d’une série télévisée policière : « La loi de la justice ». C’est un échec critique total, tout le monde déteste et leur entourage aussi. Abattus, ils décident de revenir à leur vie. Mais c’est sans compter sur leur productrice, qui, aux vues des bonnes audiences de la saison 1, leur commande une saison 2. C’est le début de l’aventure pour Denis et Patrick qui vont tenter une « expérience de scénarisation sans précédent » consistant à vivre les événements avant de les écrire pour leur donner de la vraisemblance. Denis et Patrick sont joués par Vincent-Guillaume Otis et François Létourneau, qui est lui-même co-créateur de la série (il est également à l’origine de la version québécoise des Invincibles). Vous avez là un bel exemple de mise en abîme réussie.
La série hilarante
Et c’est déjà pas mal pour une série comique. Les scénaristes ont réussi à déployer une palette d’humour très large. On y trouve du comique de situation, avec des personnages qui ne peuvent s’empêcher de se créer et s’attirer des ennuis pour le plus grand plaisir du spectateur. D’ailleurs, ces situations, d’abord finalement assez crédibles et réalistes, dérapent au fur et à mesure que l’intrigue avance, nous mettant au cœur de quiproquos complètement loufoques et déjantés avec une grande inventivité. La réussite réside avant tout dans ce crescendo maîtrisé. De plus, Denis et Patrick ne se départissent jamais de leur sérieux, prennent des décisions toujours raisonnables, nous livrant des répliques cinglantes et bienvenues. Ce décalage entre le loufoque des situations et le rationalisme poussif de nos héros est hilarant à chaque instant. Ajoutez à cela une satire du monde de la télévision, des acteurs et des séries, qui s’incarne dans l’épique scène d’ouverture où l’on voit un extrait de la fausse série La loi de la justice, sommet de parodie, et vous aurez un cocktail gagnant.
Et puis en plus, ça dit des choses intelligentes
Derrière tout ça, se cache une véritable réflexion sur la place de la fiction dans la vie de chacun. Difficile d’en dire plus ici sans risquer de vous dévoiler l’intrigue, mais sachez que la série explore avec maturité les relations entre les gens : l’usure d’un couple, l’amitié comme refuge à ses responsabilités, la dure vie de parent et d’adulte. La série évoque aussi la difficulté de la création ainsi que le désir fort de reconnaissance pour son travail. Les créateurs de la série semble également croire au pouvoir sans limite de la fiction sur la vie. Elle est tour à tour un moyen de s’accomplir et de se dépasser, une échappatoire dans un quotidien chargé de problèmes, un moyen de fédérer les gens en créant un lien fort et un but commun. Série Noire, loin d’être seulement une très bonne série comique, est avant tout une belle déclaration d’amour aux séries télés et au pouvoir de l’imaginaire.
En résumé, courez vers ce bijou québécois ne serait-ce que pour ses acteurs tous plus talentueux les uns que les autres (saurez-vous retrouver l’actrice qui joue aussi chez Xavier Dolan ?) Et puis s’il est vrai que l’accent, pas toujours évident à comprendre, participe à certains fous rires, Série Noire est aussi la preuve que les autres pays francophones ont pas mal à apprendre à la fiction française.
Oui pas mal du tout cette découverte #InsideSériesMania, et j’ai même réussi à suivre sans sous-titres ;)
Bilingue québécois !