Nous avions abordé la question de l’image des femmes dans les séries, ce mois-ci notre table ronde se penche sur la question de la masculinité. Pour y répondre, notre ami blogueur Yann se joint à deux membres de notre équipe (Sophie et Maguelonne), et nous le remercions pour sa participation. N’hésitez pas à visiter son blog dès que possible !
Bon, primo, on va essayer de définir le sujet. C’est quoi, selon vous, la masculinité ? Quels sont les archétypes classiques de personnages masculins dans les séries ? Comment ont-ils évolué avec le temps ?
Sophie : La réponse à cette question n’est pas évidente, car j’ai l’impression qu’on a toujours offert aux hommes des rôles très diversifiés, en tout cas plus diversifiés qu’aux femmes. Je suis tout à fait d’accord avec la définition du Larousse qui qualifie la masculinité comme étant “les caractéristiques propres à l’homme ou jugées telles”. Dans un deuxième temps, j’ai tendance à penser que depuis toujours, masculinité et virilité ont été très associées dans les fictions. Surtout dans la mouvance des films d’action des années 80. Concernant les séries, j’ai assez peu de recul sur la question, qui mériterait des recherches approfondies, mais j’ai la sensation qu’elles ont été moins touchées par l’extrême virilisation qu’on a pu constater au cinéma. Peut-être parce qu’il y a aussi beaucoup moins de séries que de films d’action ?
Néanmoins, je dirais que les séries policières sont peut-être les plus touchées par les stéréotypes sur la masculinité. L’homme d’action, le sauveur de ces dames… Magnum par exemple en est vraiment l’incarnation. Un genre de James Bond comique, avec une chemise hawaïenne ouverte sur un torse velu, qui drague tout ce qui bouge dans sa voiture décapotable.
Il y a un autre genre auquel on pense peut-être moins, mais qui selon moi, a forgé l’idée du mâle dominant : les soaps*. Je pense par exemple à Victor dans Les Feux de l’Amour ou à Jr de Dallas. Ce sont des personnages qui ont un pouvoir total sur tous les autres, surtout sur les femmes, et qui les plient à leur volonté. Victor a au demeurant une capacité de reproduction surhumaine, puisqu’il fait des enfants à tour de bras malgré de multiple vasectomies, comme l’avait relevé un merveilleux article de Slate.
Yann : La masculinité est un concept que j’arrive difficilement à appréhender et ce d’autant plus que les hommes prennent toute la place dans les séries. Dans un débat précédent ici-même sur l’image de la femme dans les séries, Ladyteruki soulignait à juste titre la forte présence masculine à l’écran (seulement 38% de femmes).
Les vecteurs présupposés de l’identité masculine (la virilité, le pouvoir, la domination, la force, voire le courage…) ont sans doute gouverné le parcours des personnages de séries à l’instar de tout le champ culturel mais, comme Sophie, je n’ai pas vraiment le recul pour en juger. Au cinéma, on cite souvent le grand classique du cowboy viril pour évoquer le mâle alpha. J’ai l’impression que les personnages de séries ont des contours plus flous de manière générale (mais peut être suis-je aveuglé par ma perception masculine).
Par contre, il est certain que leur image s’est transformée. A l’échelle de l’oeuvre en question, c’est déjà le grand intérêt du format sériel que de pouvoir s’emparer d’un homme (ou d’une femme d’ailleurs) et de le faire évoluer. Les frontières entre les caractères féminins et masculins ont explosé avec la constante évolution des mentalités. Les conceptions sur le genre (Simone de Beauvoir disait : “on ne naît pas femme, on le devient” et la formule est souvent employée pour l’homme également) ne sont plus l’apanage des seuls sociologues.
Je voudrais toutefois relativiser sur la notion d’évolution. Au milieu des années 90, le personnage de Rickie dans My So-Called Life (Angela 15 ans) amenait une réflexion sur la féminité chez l’adolescent que je n’ai jamais revu depuis (même dans Glee…). A l’inverse, j’aime également beaucoup Banshee qui compte pourtant un héros tendance macho au comportement brutal et binaire.
Maguelonne : Je trouve aussi que virilité et masculinité sont indissociables dans la mesure où toutes deux sont normatives, englobent l’ensemble des attributs que l’on considère propres à tout homme.
Les séries des années 80-90, dans le sillage des films de la même époque, ne sont pas étrangères à l’établissement d’un “modèle” du genre masculin ; effectivement, les acteurs avaient droit à des rôles plus diversifiés que les actrices, mais ils restaient toujours musclés et souvent moustachus. La tradition des hommes “couteaux suisses”, exacerbée dans les séries d’aventures kitschs (L’Agence tous risques & co), remonte pour moi aux origines des séries. Déjà dans Des agents très spéciaux ou Amicalement vôtre, les personnages masculins savaient tout faire, mais n’existaient du coup que dans l’action. Leur sensibilité s’exprimait uniquement dans l’amitié virile qu’ils portaient à leur coéquipier.
Les cop shows, n’en parlons pas. La tendance à doter les personnages de flics d’un traumatisme caché ou d’une morale ambivalente est plutôt récente ; pendant longtemps, les inspecteurs ont été infaillibles, inflexibles, intransigeants. Columbo plaisantait et évoquait sa femme à l’occasion, mais ce qui comptait, c’était de rétablir l’ordre et la justice.
Pour les soaps, je ne sais pas… Il me semble que le public visé est plutôt féminin. Même si des hommes les regardent aussi (n’est-ce pas Arthur ?), les personnages masculins sont peut-être davantage construits par rapport à un supposé “regard féminin” : le mari, le gendre idéal… (Les vilains sadiques et manipulateurs seraient alors des personnages écrits pour les spectatrices qui ont des daddy issues ?) En somme, toujours des clichés et des stéréotypes, mais qui servent cette fois à construire des attentes plutôt qu’un modèle.
Sophie : Je serai presque d’accord avec toi Maguelonne sur l’histoire des daddy issues, sauf que j’ai l’impression qu’il y a moins de personnages masculins sournois dans les soaps (ils sont méchants, mais en face, virilement, avec leur pouvoir d’homme) alors que les femmes sont des garces qui agissent en secret. En même temps il est vrai que de fait, on aime les détester !
Le constat est-il le même partout ? Est-ce différent selon les pays, selon les genres, ou bien la figure de l’homme a-t-elle été radicalement transformée, dans les drames comme dans les sitcoms ? L’homme est-il devenu une femme comme les autres ?
Maguelonne : On voit une évolution des stéréotypes principalement dans les séries qui fournissent de toutes les manières un effort d’écriture, quel que soit le genre ou le pays d’origine. De manière générale, les sitcoms partaient de moins loin : pour faire rire, tous les moyens sont bons, et les personnages masculins eux aussi pouvaient être ridiculisés, faire preuve d’autodérision et jouer avec les clichés. La figure de l’homme s’est peut-être plus tardivement diversifiée dans les drames, et cela dépend forcément de la qualité de la série. En fait, c’est avec l’apparition des séries les plus illustres (je pense aux Soprano, à The Wire, à Six Feet Under, à Mad Men…) que l’on a vu se multiplier des personnages masculins plus complexes : le succès critique de ces séries a sûrement encouragé la mutation de la masculinité à la télévision. Les différences entre hommes et femmes restent très visibles dans la plupart des shows, mais certains progrès sont indéniables, et ont permis à des personnages comme Jason dans True Blood d’exister. Même si l’identité de True Blood repose surtout dans le surnaturel et l’outrance, l’écriture et l’interprétation de l’un de ses personnages masculins principaux sont vraiment surprenantes. Jason est à la fois un élément comique parce qu’un peu crétin, un homme-objet qui attise la convoitise de la plupart des créatures vivant aux alentours de Bon Temps (hommes, femmes, vampires…), le frère aimant et sensible de l’héroïne, et un action-man doué au combat. Il est caractérisé par des clichés qui font de lui “une femme comme les autres” (constamment dénudé et vulnérable) et un homme comme les autres (avec des muscles et un coeur gros comme ça), bref, un personnage multi-dimensionnel… et ça fonctionne.
Yann : Je pense que oui, cette évolution est assez globale. En même temps, j’ai une connaissance sérielle très occidentale. J’ai le sentiment que les comportements masculins contemporains sont les mêmes des deux côtés de l’atlantique. Dans Borgen par exemple, le couple de Birgitte se trouve inversé au début de la série, son mari apparaissant dans un rôle d’homme au foyer. C’est une situation qu’on retrouve aussi avec The Good Wife pour faire un parallèle.
Par contre l’approche n’est pas la même entre drames et sitcoms. Les comédies s’emparent depuis longtemps du thème de la féminité de l’homme. Récemment, Guys with kids s’intéressait à la vie de trois papas en première ligne dans l’éducation de leurs enfants. Le registre dramatique est moins sujet à remettre en question les attributs de l’homme. Cela m’amène justement à détourner la question en affirmant que la femme tente de devenir un homme comme les autres. Dans Mad Men, Peggy bataille pour se construire un parcours professionnel réservé aux hommes. Dans Masters of Sex, Virginia tente elle aussi de se construire une carrière malgré les embûches. A contrario le penchant féminin des personnages masculins est souvent moqué (sitcoms) et ne constitue pas une aspiration profonde.
Sophie : Effectivement, j’ai l’impression qu’aujourd’hui les séries ont évolué avec leur temps et qu’elles ont conscience qu’il faut parler de personnage humains et non pas de bad guy en armure. Je pense principalement à Breaking Bad ou aux Sopranos, où le statuts de mafieux ne signifie plus virilité absolue. Je pense encore à Mad Men où le personnage de Don Draper est “un homme, un vrai”. Conscient de sa séduction, de son pouvoir, il utilise les femmes pour son bon plaisir. Il boit, conduit, et ne fera jamais aucune tâche ménagère. Dire bonne nuit à ses enfants est sa conception de l’éducation et de la famille. Néanmoins la série développe beaucoup cette dualité entre l’image sociale de Don Draper, un homme un vrai, et ses secrets personnels qui contredisent cette idée. Il y a aussi dans Mad Men l’idée que l’échec dans la vie sentimentale de la majorité des personnages est dû à une grande distance entre les hommes et les femmes créée par une société sclérosée.
Concernant les séries comiques, il me semble que le ton a toujours été plus libre et a beaucoup joué sur le brouillage des codes sociaux. Beaucoup d’entre elles jouaient sur les clichés du mâle défini comme extra viril mais qui ne serait en fait qu’un gros beauf (je pense à Mariés deux enfants, ou aux Simpsons encore aujourd’hui). Un autre exemple, Madame est servie, où l’humour venait de l’inversement du statut social de Tony Danza qui avait un job de nanny / homme à tout faire (rôle plus souvent dévolu aux femmes) face à une employeuse dominante et pleine de poigne.
On parle souvent d’un “déclin” de la masculinité. Aurait-il un impact sur la complexité des personnages d’hommes et la subtilité des séries ? Deviennent-ils plus ambigus ? Le traitement psychologique s’est-il enrichi ?
Sophie : J’ai l’impression que c’est plutôt l’inverse : lorsqu’une série est ambiguë, sérieuse et bien écrite, les clichés sur la masculinité n’ont plus lieu d’être.
Maguelonne : C’est une vision monolithique de la masculinité qui décline, pas la masculinité en elle-même. Les personnages masculins restent majoritaires en terme de représentation et de temps de parole, comme on peut le voir ici.
En fait, parler d’un déclin de la masculinité ferait le jeu des “masculinistes” acharnés, qui affirment que les hommes d’aujourd’hui sont dominés et humiliés, entre autres dans certaines oeuvres culturelles. Et ça serait plutôt vexant de dire “moins de masculinité = plus de complexité”. Au contraire, la masculinité est représentée de manière d’autant plus complexe et subtile dans les séries contemporaines qu’elle n’a pas à se cantonner à des rôles et des modèles préétablis – c’est une histoire de liberté, pour les scénaristes comme pour les personnages. Le déclin de la masculinité toute en muscles et en confiance inébranlable a permis l’émergence de nombreux personnages intéressants, et même sûrement plus intéressants et plus attachants que s’ils avaient été infaillibles. Je ne vois pas l’ambiguïté comme une régression de la masculinité, seulement comme une nouvelle modalité de son expression, qui n’était pas forcément apprécié ni tolérée auparavant.
D’ailleurs, le succès n’aurait sûrement pas été au rendez-vous si Magnum s’était mis à douter et à remettre en question son mode de vie licencieux. Ou si MacGyver avait décidé de vendre les plans d’une bombe faite en trombones à un État du Moyen-Orient de l’URSS pour payer les frais d’opération de son ami Peter, blessé aux yeux par une de ses inventions. Ou si Starsky et Hutch s’étaient aperçu d’une étrange attirance mutuelle. Les spectateurs de séries ont évolué avec leur époque, comme les séries elles-mêmes.
En bref, la pluralité des modèles masculins que l’on peut trouver dans les séries n’est pas toujours synonyme de subtilité, mais c’est certain qu’avec la multiplication des propositions d’aujourd’hui, on est plus susceptibles de trouver des personnages complexes.
Yann : Je n’aime pas le terme de déclin. Dans ma nature très optimiste, je préférerais parler d’un équilibrage entre masculin et féminin. L’impact sur la richesse des personnages est alors évident. Les hommes deviennent alors plus imprévisibles. A ce titre, j’aime beaucoup Mike Ross dans Suits. Voilà un personnage qui tente d’exister dans le monde hostile d’une firme d’avocats. Il est constamment pris entre son supérieur, Harvey (le mâle alpha par excellence) et la sensibilité des nombreuses femmes qui l’entourent. Cet ambivalence constitue l’un des points forts de la série.
En ce qui concerne le traitement psychologique, je crois effectivement qu’il est plus conséquent aujourd’hui mais je ne suis pas tout à fait sur que ce soit lié à la masculinité. Je pense qu’il s’agit d’une tendance de fond plus générale.
Les hommes d’aujourd’hui sont-ils nécessairement des anti-héros ?
Yann : Je ne crois pas. Je suis plutôt réfractaire à la thèse de l’anti-héros, je dois l’avouer. Cela sous-entend que l’on réduit le héros à un personnage forcément bon. L’intérêt de Walter White est justement d’être toujours dans l’ambiguïté : ni héros, ni anti-héros.
Il est certain que les personnages principaux sans reproches tendent à disparaître. True Detective, le petit bijou qu’HBO nous propose actuellement s’intéresse à deux flics criblés de défauts et c’est justement cela qui les rend beaux et intéressants.
Sophie : Sans aller jusqu’à dire que les hommes d’aujourd’hui sont nécessairement des anti-héros, c’est néanmoins une tendance qui se dessine. Enormément de personnages masculins, brillants et sûrs d’eux, cachent des blessures secrètes et des failles. Dr House a peut-être institutionnalisé cette tendance, même si on l’observe aussi dans quasi toutes les nouvelles séries policières. Fini le règne de Jack Bauer. On célèbre plutôt les Don Draper, Bill Masters ou Tony Soprano. Au-delà d’être des anti-héros, je pense que les personnages masculins d’aujourd’hui sont surtout tous très malheureux et émotifs !
Maguelonne : Sophie parle d’institutionnalisation, et je trouve ça très vrai ! L’anti-héros est en passe de devenir un stéréotype, dans la mesure où cette figure est devenue à la mode et a été réutilisée dans un grand nombre de séries et de films, sans que cela soit toujours réussi. En effet, les véritables anti-héros, ceux dont on ne sait jamais si on les apprécie ni si on peut leur faire confiance (Don Draper, Frank Gallagher dans Shameless…) côtoient des personnages pensés comme des anti-héros, mais qui sont simplement des hommes avec des défauts à qui il arrive d’être désagréables (Sherlock, Dr House, les innombrables policiers extrêmement doués qui ont une fêlure secrète). Pour éviter que l’anti-héros devienne un cliché, je pense qu’il faut en avoir une définition plus précise : un héros vraiment détestable, auquel on s’attache malgré nous au fil des épisodes, mais qu’on aimerait parfois voir échouer et peut-être même mourir. Frank Gallagher est un alcoolique impénitent, dont les rares moments de lucidité et d’humanité sont toujours suivis de rechutes et d’actes impardonnables… Alors qu’on sait bien que Dr House, entre deux mordantes et cyniques répliques, fera tout ce qui est en son pouvoir pour soigner ses patients. Je pense aussi que c’est un concept qui ne pouvait émerger que lorsque les séries étaient bien implantées dans les pratiques culturelles…
Et les personnages féminins, se sont-ils masculinisés ?
Yann : Je l’évoquais un peu plus haut mais ce n’est pas systématique. Elles ont surtout élargi leur champ d’action. La série féministe de l’année 2013 est à mes yeux Orange is the New Black. On y voit une héroïne dans une situation carcérale que l’on n’avait connue que pour les hommes jusqu’ici (ah et puis non, il y avait aussi la canadienne Unité 9…). Il me semble que l’on assiste à un diversification du rôle des femmes plus qu’à une masculinisation.
Sophie : Je ne pense pas que les personnages féminins se soient masculinisés. Je dirais qu’on arrive à un traitement plus paritaire des personnages. On favorise l’intime et les sentiments personnels que ce soit pour les femmes ou pour les hommes. Ceci dit, je trouve que, sur la question de la féminité et de la masculinité, Masters of Sex fait une expérience très intéressante. Elle traite le personnage de Virginia Masters comme un personnage masculin, avec des valeurs qu’on a eu tendance à attribuer aux personnages d’homme dans la fiction comme le détachement, le volontarisme, l’ambition, le courage, l’esprit d’entreprise, tandis que le personnage de Bill Masters, à l’inverse, est traité comme on se figure un personnage féminin : importance donnée aux conventions, grande émotivité, angoisse, peur de ne pas être à la hauteur… Ce n’est bien évidemment pas aussi tranché, parce que la série est bien écrite et plus subtile, mais dans certains épisodes, j’avais l’impression que la scénariste s’était amusée à inverser les personnages.
Maguelonne : J’espère surtout que les scénaristes de séries entreprendront (continueront ?) d’effacer les frontières entre les différentes normes et perspectives des deux genres. Dans ce sens, oui, de plus en plus de personnages féminins ont des caractéristiques vues comme masculines, justement parce que ce sont en réalité des qualités et défauts qu’un être humain peut avoir indifféremment de son sexe biologique. Buffy soigne son apparence, cherche à être heureuse en amour et pourrait mettre un raclée à Chuck Norris : non, ce n’est pas incompatible. Alicia Florrick comme Peggy Olson (The Good Wife et Mad Men) sont des femmes indépendantes, ambitieuses et relativement sans pitié qui privilégient leur vie professionnelle aux dépends de leur vie affective. Les exemples sont innombrables, et la situation illustrée par Sophie se retrouve dans Castle, où Richard Castle est immature, émotif, bon cuisinier et papa gâteau pendant que Kate Beckett est une détective plutôt stricte et très rationnelle, qui n’envisage pas forcément d’avoir des enfants. Cette inversion initiée dans X-files est devenue une tradition, ce qui est pour moi un élément très positif.
Que dire des personnages homosexuels ? Est-ce que les clichés se sont déconstruits ?
Yann : Là, nous somme pleinement dans l’actualité puisque Looking vient de débuter sur HBO. Le trio principal est bon mais il faudra voir dans quelle mesure la série parvient à sortir du seul environnement gay. Elle fait toutefois l’effet d’un vent nouveau tant des séries comme Queer as Folk ou The L Word sont désormais loin derrière nous.
Ailleurs, je crois que le personnage homosexuel est encore trop souvent un archétype. On le retrouve généralement en personnage secondaire dont la seule vocation est d’amener une dose d’excentricité et/ou d’humour. Hormis des exceptions comme Hit & Miss, le personnage principal LGBT n’existe pas.
Maguelonne : Avant tout, un véritable effort a été fait du point de vue “quantitatif” depuis une quinzaine d’années. Les séries proposent de plus en plus de personnages homosexuels, et ce qui était exceptionnel (les premiers baisers gays sur les écrans américains ont fait scandale) est devenu tout à fait anodin. Les clichés n’ont toujours pas disparu, et les séries semblent osciller entre deux extrêmes dans ce domaine : quelques séries ont l’homosexualité pour unique sujet principal, presque comme argument marketing, tandis que la majorité des séries mainstream font intervenir une paire de personnages homosexuels, très souvent excentriques et stéréotypés. Glee, avec tout son zèle, a le mérite de faire passer des messages forts et louables. Heureusement, de plus en plus de séries abordent ce sujet de manière plus nuancée, pour réussir peut-être à le rendre “indifférent”. Dans The Good Wife, Kalinda et Owen (le frère d’Alicia) sont gays sans que cela porte à conséquence (c’est-à-dire qu’Owen connaît des déceptions amoureuses, et Kalinda est l’objet de nombreux désirs, interrogations ou jalousies, mais sans que cela soit directement lié à leur sexualité). La série montre que c’est une possibilité narrative comme une autre. Je pourrais aussi évoquer Willow, dans Buffy… En fait, c’est un sujet pour une nouvelle table ronde !
Sophie : Je suis d’accord avec Maguelonne, sur l’idée que l’évolution est d’abord sur la multiplication de personnages homosexuels. Dans Modern Family ou The New Normal, par exemple, les personnages sont des clichés ambulants, même si on note la volonté de parler de certains thèmes peut-être plus tabous à une certaine époque. Aujourd’hui, on peut y faire allusion sans que ça ne soit un problème. Sherlock fait de l’homosexualité le centre de la relation entre le détective et Watson et nous offre même un baiser gay dans la saison 3. Par contre, The L word, Queer as Folk ou encore Looking qui vient de démarrer, portent un regard moderne, réaliste et intelligent sur ces questions. Je pense que ces séries ont ou auront beaucoup d’impact sur la vision de l’homosexualité et les clichés encore trop souvent véhiculés. Et bien évidemment, moi aussi je lance des fleurs à The Good Wife.
Lectures complémentaires :
Difficult Men: Behind the Scenes of a Creative Revolution: From The Sopranos and The Wire to Mad Men and Breaking Bad
Masculinity and Popular Television
How to Make a Critically Acclaimed TV Show About Masculinity
Rescuing Men: The New Television Masculinity
J’aime bien la référence au Jason de True Blood par Maguelonne. Je suis presque jaloux de ne pas y avoir pensé ;o)
Bill et Eric font de l’ombre au pauvre Jason, alors qu’ils ne sont pas forcément plus intéressants ^^ merci !
Un article sur la masculinité dans les séries, je n’ai vu Ron Swanson nulle part. C’est normal ?
Enfin, Ron Swanson n’est pas un homme, c’est un Dieu ! :) Disons que la masculinité dans Parks and Rec ne nous a pas inspirés, mais la série a droit à un article en février
Très bon article ! Des points de vus intéressants !
C’est vrai que Tony Soprano est l’exemple même du paradoxe.. d’un homme qui apparaît comme un simple être humain, faible alors qu’il est à la tête d’une mafia !
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