Historique de la chaîne
Deuxième chaîne à péage la plus importante des Etats-Unis, HBO est aussi la plus ancienne des chaînes câblées et trouve ses origines dans l’invention même du procédé. C’est un certain Charles Dolan qui a l’idée en 1965 d’enterrer les câbles de télévision à New York pour y garantir un signal parfois malaisé. Son entreprise est en partie acquise par Time Life, une branche de l’important groupe de médias Time Inc. (cf. le magazine du même nom) très enthousiasmée par la nouvelle ambition de Dolan en 1971 : créer une chaîne diffusée spécialement sur ce réseau. D’abord baptisé The Green Channel, le projet est provisoirement – mais fort judicieusement – renommé Home Box Office, et pour cause de manque d’inspiration cet intitulé restera. Le 8 novembre 1972, HBO apparaît sur les écrans américains avec un film de Paul Newman, Le clan des irréductibles, suivi d’un match de hockey. Mais trop peu de gens – répartis entre la Pennsylvanie et New York – sont abonnés au Sterling Manhattan Cable de Charles Dolan : en 1973, progressivement, ce dernier est évincé et son entreprise rachetée par Time Life. Avec la diffusion par satellite, le nombre d’adhérents explose et passe de 8000 à 100 000 en deux ans.
Dans l’objectif de tenir tête à sa rivale Showtime créée en 1976, c’est le moment de l’expansion. La chaîne a conquis les cinquante Etats américains en 1980, gagne progressivement du temps de diffusion jusqu’à émettre 24h/24 en 1981, se met à la production en 1983 et se décline en bouquet avec la création de Cinemax en 1980 ou encore une version hispanophone en 1989. HBO fait parler d’elle : pour éviter d’être censurée sur certains réseaux câblés, elle est la première à crypter ses programmes – au grand dam de ceux qui la captaient sans être abonnés. Un certain Captain Midnight pirate ainsi son signal pour envoyer un message de protestation en 1986. Cette relative baisse de popularité est amplement compensée en 1988 par une grève des scénaristes qui fait passer la chaîne câblée pour une oasis salutaire dans le désert des networks privés de leurs nouveautés.
En 1990, Warner et Time Inc. fusionnent ; depuis, HBO est allée de succès en succès. Ses déclinaisons se sont multipliées entre les sept chaînes de son bouquet principal, les huit de sa jumelle Cinemax, un service de vidéo à la demande, un de streaming ou encore sa progéniture Comedy Central. Elle crée souvent l’événement et occupe l’espace médiatique avec ses campagnes marketing inventives et ses projets alléchants. Si ses audiences effectives ne battent pas tous les records, ses séries n’en sont pas moins extrêmement populaires et l’objet d’attentions et discussions internationales ; Game of Thrones remporte depuis trois ans le prix de la série la plus téléchargée (illégalement) au monde. Implantée dans 151 pays, HBO compte plus de cent millions d’abonnés et proposera bientôt un abonnement exclusivement numérique – à la demande même de ses fans.
Ligne éditoriale
Pour faire écho à son mode de diffusion, HBO aspire depuis ses débuts à être différente. Il n’y a qu’à voir ses slogans, depuis « Different and First » dans les 70’s jusqu’à « It’s Original » aujourd’hui, en passant par « The Great Entertainment Alternative » ou « Something Special’s On ». Et par différente, bien sûr, il faut entendre meilleure et supérieure : après tout, « There’s No Place Like HBO », qui nous fait passer « The Best Time on TV », ou « Simply the Best » (sur un air de Tina Turner). Sans oublier le slogan le plus connu, qui a aussi été le plus durable (de 1996 à 2009) : « It’s Not TV, It’s HBO ». La promo est pompeuse et la chaîne semble avoir pris la grosse tête, mais c’est en partie justifié.
A ses débuts, la programmation d’HBO est avant tout consacrée au cinéma, mais aussi aux documentaires, à la musique et à la boxe. La chaîne aspire à la renommée, diffuse des concerts exclusifs avec des stars de la chanson (The Who hier, Beyoncé aujourd’hui). Dès ses premières productions elle tâche d’embaucher de grands noms : Robert Duvall dans son premier téléfilm, Elizabeth Taylor ensuite, James Stewart, Kirk et Michael Douglas, Bette Davis… Pour le développement des premières séries, c’est la solution de facilité qui est choisie : des programmes pour enfants, oui, mais avec la participation de Monsieur Muppets – Jim Henson – pour Fraggle Rock et The StoryTeller.
Une première évolution s’opère au cours des années 1980 : The Hitchhiker, The Ray Bradbury Theater et Tales from the Crypt sont trois séries qui s’appuient elles aussi sur la présence de guest-stars prestigieuses mais appartiennent aux genres spécifiques de l’horreur et de la science-fiction. Ces programmes marquent les premiers pas timides de la chaîne dans la voie de la fiction sérielle pour adulte ; dans la lignée de The Twilight Zone, il s’agit d’anthologies adaptées de nouvelles, et les épisodes sont liés entre eux par un fil plus ou moins ténu (un personnage, un présentateur, le genre du récit). La première véritable série pour adultes HBO est une sitcom. Il s’agit de Dream On, en 1990, par ceux qui devaient créer Friends quatre ans plus tard, suivie d’autres sitcoms (The Larry Sanders Show, Arliss et The High Life).
Le véritable tournant, tant pour la chaîne que pour la télévision américaine, survient en 1997 avec le début d’Oz. Ce drame carcéral, réaliste et violent, a donné l’impulsion qui a présidé à l’élaboration des plus gros succès HBO, dirige encore les choix de production du câble et influence manifestement une part non négligeable des dramas du 21è siècle. La chaîne, enfin, profite pleinement de la liberté et de l’indépendance que lui donne son mode de fonctionnement. Jusque là, le nombre de programmes rated R était limité, et leur diffusion était cantonnée aux horaires nocturnes. Le domaine par lequel HBO a commencé à se débaucher est – étonnamment – le documentaire (Real Sex en 1992), avant de s’essayer à l’humour égrillard dans Hardcore TV et Taxicab Confessions, deux tentatives de courte durée qui ont connu un succès mitigé et sont aujourd’hui introuvables. Mais Oz, c’est le choc : des sujets tabous, du sexe, de la violence, presque de l’horreur… mais dans un registre sérieux, réaliste, émotionnel et non plus seulement sensationnel. La prise de risques paye, HBO marque les esprits, impressionne les critiques et intrigue les spectateurs. La chaîne, arrivée à maturité en même temps que son public, décide de récidiver et délaisse les programmes pour enfants qui échouent sur sa branche familiale.
Dans des registres très différents, elle applique la même recette. Les spectateurs sont prêts, et même impatients de suivre des récits ambitieux et sombres, très feuilletonesques, différents de la production des networks. Les programmes ne sont pas tous publics mais cela ne freine pas les abonnements, bien au contraire. Sex and the City, plus légère et apparente anomalie au milieu des univers violents et masculins de The Wire ou Les Soprano, ne déroge toutefois pas à la règle en évoquant la sexualité de manière nouvelle et plus crue que ses consœurs. Le mot d’ordre est d’offrir une alternative à la représentation traditionnelle (pas de rires enregistrés pour les sitcoms, de la nudité pour le sexe, du sang pour la violence) mais aussi à la narration. Pour ce faire, HBO a comme toujours fait appel à des pontes, ici les talentueux créateurs et scénaristes qui sont aujourd’hui des piliers du petit écran : David Simon, Alan Ball, Aaron Sorkin, aujourd’hui Lena Dunham ou les frères Duplass…
A mesure qu’elle a acquis succès et prestige, la chaîne a par ailleurs amorcé la tendance qu’ont désormais cinéma et télévision à aller de pair. D’une part, les productions HBO ont une esthétique plus travaillée que le commun des séries télévisées ; d’autre part, de fructueux partenariats se nouent avec Steven Soderbergh pour des téléfilms et The Knick sur Cinemax, Martin Scorsese pour Boardwalk Empire et un nouveau projet à venir, Damon Lindelof pour The Leftovers, Steve McQueen et J.J. Abrams prochainement… Avec True Detective, c’est des acteurs et une photographie de premier ordre qui dépassent les standards habituels de la télévision. Le cinéma indépendant américain a par ailleurs inspiré a la chaîne certaines de ses plus récentes productions.
Aujourd’hui, les exigences et les expérimentations passées de HBO sont devenues la norme du câble et ont aussi influencé les broadcast networks. Nul doute que Showtime, AMC, FX mais aussi Netflix et Amazon lui doivent beaucoup. Pour continuer de surprendre et de susciter l’intérêt, elle a semblé un temps pencher vers toujours plus de violence et de sexe, ce qui se manifeste notamment dans True Blood et Game of Thrones et devrait encore apparaître dans Westworld (diffusée cette année), au risque de perdre en subtilité ce qu’elle gagne en divertissement. Ces plongées dans des univers fantastiques sont elles-mêmes devenues une tendance adoptée par toutes les chaînes : c’est peut-être pour rester à contre-courant qu’HBO semble se concentrer désormais sur des dramédies intimistes et des projets plus réalistes et à valeur sociale ou politique, dans la lignée de The Wire, comme les très attendues The Brink ou Show Me a Hero.
Séries cultes
Années 1990 :
Dream On – Oz – Sex and the City – The Sopranos
Années 2000 :
Big Love – Bored to Death – Carnivàle – Curb Your Enthusiasm – Deadwood – Eastbound & Down – Entourage – Flight of the Conchords – Hung – In Treatment – Lucky Louie – The No. 1 Ladies’ Detective Agency – Rome – Six Feet Under – True Blood – The Wire
Années 2010 :
Boardwalk Empire – Doll & Em – Enlightened – Game of Thrones – Girls – Hello Ladies – How to Make It in America – The Leftovers – Looking – The Newsroom – Silicon Valley – Togetherness – Treme – True Detective – Veep
Sources et lectures recommandées
Un exemple de campagne marketing événement : le projet Voyeur, lauréat d’un prix à Cannes en 2008
HBO : l’arme anti-Netflix de la SVOD française, ZDNet
HBO’s Web-Only Service Projected To Be A Huge Hit, Forbes
How Much Gold Is Game of Thrones Worth? : How does HBO make money on expensive shows only 3 million people watch, Slate
HBO: television will never be the same again, The Telegraph
C’est vrai que c’est quand même la seule chaîne qui produise des trucs potables aujourd’hui #teamsnob.
#teammépris
cool les focus dur les chaines américaines et je voulais savoir si tu peux en faire un sur starz la grande chaine snobé par les emmy :) merci d’avance
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