Sa bio
David Simon est un des scénaristes les plus respectés aux États-Unis. On lui doit quelques monuments au panthéon des séries dont la plus connue est The Wire, que tout sériephile mentionne les yeux rêveurs. Né en 1960 à Washington, fils de journaliste, il poursuit lui-même des études en journalisme. Seulement, ce n’est pas vraiment la rubrique chiens et chats écrasés qui intéresse David Simon : de 1982 à 1995, il côtoiera de près la police afin de suivre affaires criminelles et faits divers pour le Baltimore Sun. Cette expérience et son habitude de l’immersion dans les lieux de ses reportages constitueront la matière première de son oeuvre d’auteur, notamment lorsqu’il écrit son premier roman, Homicide : a Year on the Killing Streets en 1991. L’ouvrage, directement inspiré d’une année passée à suivre le quotidien de 19 policiers au sein de la police de Baltimore, est adapté par NBC sous la forme d’une série policière : Homicide : Life on the Street. C’est un véritable succès pour cette série qui se démarque des autres cop shows* par son réalisme.
Après cette réussite et l’écriture d’un autre livre, The Corner : A Year in the Life of an Inner-City Neighborhood, David Simon décide de se consacrer à la télévision en abandonnant son poste de journaliste. Il signe ainsi l’adaptation de The Corner en une mini-série de 6 épisodes pour HBO. Puis en 2001, c’est la consécration avec The Wire. Nombre de personnages sont déjà présents dans son premier livre mais la série dépasse, en ambition, tout ce qu’a pu faire Simon précédemment. C’est la reconnaissance internationale avec la mention de qualité HBO de surcroît. Pour l’anecdote, la chaîne câblée n’aurait pas été très enthousiaste devant l’éventualité de programmer une série policière, genre considéré comme formaté et réservé aux grands networks, mais HBO céda finalement face aux arguments de Simon. Il écrit et produit par la suite Generation Kill, mini-série choc sur l’invasion américaine en Irak puis Treme, la grande saga musicale de la Nouvelle Orléans post-Katrina. Deux séries à voir absolument, d’autant plus qu’HBO diffusera en décembre, les 5 ultimes épisodes de la saison 4 de Treme, conclusion d’une brillante série.
Son style
On ne rentre pas innocemment dans l’univers de David Simon : drogue, criminalité, quartiers pauvres, discrimination raciale, impuissance ou ignorance des pouvoirs publics et des institutions… L’auteur d’Homicide s’est forgé une véritable mythologie au fil des livres et des séries. En effet, on trouve déjà dans The Corner tous les éléments qui seront mis en place dans The Wire et Treme. Simon s’entoure aussi régulièrement des mêmes acolytes, David Mills, journaliste et scénariste connu sur les bancs de la fac, avec qui il crée Homicide, puis collabore sur The Corner, The Wire et Treme. Il travaille également avec Ed Burns, auteur, producteur et scénariste mais surtout ancien flic (The Wire, Generation Kill). Non content de nous offrir le cadre devenu familier de Baltimore, David Simon s’entoure aussi de ses acteurs fétiches : Clarke Peters, Khandi Alexander, Wendell Pierce, Melissa Leo…
D’aucuns diront que son univers est un tantinet dépressif, je préfère souligner l’humanité des personnages qu’il décrit avec une grande chaleur malgré la tournure tragique de ses histoires. Il suffit de voir le réalisme de ses dialogues, qu’il “vole” souvent à des anecdotes vécues, pour s’en convaincre. Cette proximité avec ses personnages transparaît avec émotion à l’écran car Simon est convaincu de l’utilité de montrer au monde la réalité de ceux dont on entend jamais les voix. Son style journalistique lui permet à la fois d’éviter de sombrer dans le cynisme absolu ou dans un registre larmoyant. On atteint même des sommets d’analyse sociologique et politique dans The Wire et Treme. Cependant, réduire Simon à un style serait trompeur. Ses personnages, le rythme de ses dialogues, ses récits, tout est emprunt d’une poésie liée de manière indissociable au lieu qui hante toute la production de David Simon, la rue. Quand les médias nous font contempler la violence du monde chaque jour de manière plus distante et banalisée, David Simon s’emploie à retrouver le souffle vital qui anime les quartiers dont on parle comme d’un corps malade.
Souvent âpres, les séries de David Simon pourront en laisser quelques uns sur le carreau : narration lente, caméra documentaire et individualités perdues dans des histoires chorales aux accents des grands romans sociaux du XIXe siècle. Quand on devient adepte de Simon, il faut se préparer à donner de son temps, de la sueur et des larmes. Mais la récompense est grande avec cet auteur qui a su adroitement mêler réalisme et fiction pour décrire avec justesse l’Amérique contemporaine.
Ses séries
Homicide : Life on the Street – The Corner – The Wire – Generation Kill – Treme
Ses futurs projets
David Simon est actuellement en collaboration avec Tom Fontana (Oz). Les deux compères travaillent en effet sur Manhunt, une mini-série historique qui retracera les douze jours qui ont suivi l’assassinat de Lincoln.
Une citation pour la fin
The trick to making a story matter is that every now and then, somebody you care about has to go. If it’s somebody that you don’t care about, then it doesn’t really have – the stakes aren’t there. But if you do that every now and then, then the story matters to people. And there are actual stakes involved, emotional stakes.
Sources et lectures complémentaires
David Simon, Homicide : a Year on the Killing Streets
David Simon, The Corner: A Year in the Life of an Inner-City Neighborhood
Site personnel : http://davidsimon.com/
“Treme, au rythme de La Nouvelle-Orléans”, Ariane Hudelet, Le Monde Hors-Série d’avril-juin 2013
Interview de David Simon pour l’émission “Saison 1 Episode 1” du Mouv’
Certains écrivent pour ne rien dire. David Simon écrit pour tout dire. Avec humilité et un désir immense de questionner le monde. Un travail total et magistral.
C’est beau ^^ C’est parfaitement dit et je me rends compte que sans le faire exprès j’ai fait de Simon un sage poète de la rue (mes origines racailles me trahissent) https://www.youtube.com/watch?v=Tcesds2DKMs
Hum. Pause hip hop terminée.
Quand il s’agit du travail de David Simon, je deviens lyriiiiique! I must be a fan ; )
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