J’attendais beaucoup de Togetherness. Parce que j’aime les frères Duplass et que j’étais en manque de sitcom intello d’HBO. Dans le pilote, on suit la vie quotidienne d’un couple de jeunes parents, qui doivent faire face aux difficultés de la vie ensemble et à une baisse de libido. Autour d’eux, la sœur et le meilleur ami, losers à leur manière : seuls, sans buts, sans carrières, sans argent, ni appart. Ensemble ils vont vivre sous le même toit et s’entraider.
Le pilote est prometteur. Il est parfaitement bien écrit et allie à merveille humour et émotion. Surtout, il parvient à distiller un fort sentiment de nostalgie, enrobé dans une grande douceur. Il montre que le temps a passé doucement sur les petits riens du quotidien, amenant avec lui son lot d’amertume, sans drame ni tragédie. Les personnages sont portés par des acteurs déjà tous attachants au bout de la petite demi-heure que dure l’épisode. Il n’y a qu’à voir la détresse dans les yeux de Mark Duplass lorsque celui-ci demande à sa femme pour quelle raison elle n’a plus envie de faire l’amour avec lui, pour être envahi d’un torrent de tendresse et de compassion. La manière dont la question du sexe est abordée est aussi très adulte. On n’en parle pas en faisant des blagues grossières et graveleuses, mais comme un sujet sérieux qui peut lui aussi devenir douloureux. Tout ça est donc très bien. Un peu plat, certes, mais subtil.

Des gens qui font un pique-nique dans l’herbe dans Looking.
Oui mais voilà, j’ai regardé Togetherness après avoir écrit mon article précédent sur Féminin/Féminin, après le premier épisode de la saison 4 de Girls, après Transparent. Et puis on m’a dit que Togetherness ressemblait à Married, que j’ai aussi regardé dans la foulée. Togetherness est donc venue s’ajouter à la longue liste de productions artistiques audiovisuelles américaines dites « indépendantes ». Et qu’on ne se méprenne pas, il n’est pas ici question de s’insurger, ou de dire du mal des contenus en question. Je les ai tous aimés. Voir adorés. Ils ont leurs particularités, ils sont subtils, drôles et émouvants. En un mot, leurs créateurs sont talentueux.
Alors quel est le problème ? C’est que tous ces programmes se ressemblent énormément. Même manière de parler des petits riens du quotidien qui peuvent influer sur la vie intérieure, même esthétique naturaliste (mais pas trop non plus), mêmes acteurs qu’on retrouve un peu partout, même mélange d’humour et d’émotion, personnages issus des mêmes catégories sociales, même envie de parler frontalement de sexe, même ambition de présenter des personnages décalés par rapport à ce que l’on attend d’eux. Il se trouve donc que les meilleures productions aujourd’hui ont une unité formelle et thématique.
Et là j’ai envie de m’alarmer un peu. Comment des showrunners* aussi talentueux et créatifs peuvent-ils produire sur plusieurs chaînes des programmes si ressemblants ? N’est-ce pas une grande tristesse que les séries les plus attendues, les plus surprenantes, proposent en fait le même univers ? La preuve, en cette rentrée de janvier HBO propose trois programmes : deux reprises et une nouveauté, c’est-à-dire Girls, Looking et Togetherness, diffusées à la suite. On pourrait croire que c’est la même série sur trois villes et trois groupes de personnes différentes. Alors je pose la question, où est l’originalité aujourd’hui ? Finalement, des séries comme Galavant prennent plus de risques que n’importe laquelle des trois citées plus haut. A quand une série sur des bonnes sœurs motardes dans un township du Cap ? Ou une série sur la vie d’éleveurs d’abeilles en prise avec la mafia et le gouvernement ? Parce que la qualité et la profondeur oui, mais on veut aussi du neuf et du fun.