Depuis une semaine se déroule le Winter Press Tour de la Television Critics Association, qui voit se réunir journalistes, producteurs et acteurs pour discuter des différentes actualités sérielles. La date de reprise de Community, le retour de Kyle McLachlan dans la saison 3 de Twin Peaks et la commande d’un projet de Woody Allen par Amazon ont ainsi été annoncées ces derniers jours. Par ailleurs, les chaînes consacrent des conférences à l’analyse de thématiques et tendances plus générales comme la gestion des séries de super-héros au sein de franchises ou encore la représentation de la sexualité du point de vue féminin à la télévision, ou Sexuality and Television: A Female Perspective.
Alors qu’une certaine scène crue du premier épisode de la saison 4 de Girls fait parler d’elle aux Etats-Unis, cette table ronde organisée par Showtime, la chaîne du câble justement connue pour son caractère dévergondé, est particulièrement d’actualité. Les créations du câble se multiplient et adoptent un ton de plus en plus sexué, ce qui leur permet d’aborder des sujets nouveaux qui n’ont jusqu’ici jamais pu être explorés avec liberté et modernité. Mais au même moment, une partie des spectateurs dénoncent ce qui peut être perçu comme de l’obscénité ou de basses manœuvres commerciales. La question de la place du sexe à l’écran, déjà mentionnée ici, se double d’un autre de nos sujets de prédilection : la représentation de personnages féminins dans les séries.
Pour aborder le sujet, la chaîne a eu la bonne idée de réunir les principales concernées : les productrices et actrices de Masters of Sex, Shameless et The Affair, c’est-à-dire Michelle Ashford et Caitlin Fitzgerald, Nancy Pimental, Emmy Rossum et Shanola Hampton, ainsi que Sarah Treem et Maura Tierney. Les trois séries ont en effet pour points communs d’adopter à parts égales les points de vue de personnages féminins et masculins et de montrer assez souvent des actes sexuels de natures diverses, qui sont plus ou moins au cœur de la narration. La sexualité est le sujet d’étude des docteurs Masters et Johnson, une dimension prépondérante de la vie des différents membres de la famille Gallagher, et l’enjeu de la relation extra-conjugale entre Noah Solloway et Alison Lockhart ; si l’on ajoute à ça la liberté de représentation qui règne à Showtime, on obtient un certain nombre de scènes filmées avec plus ou moins de fard et de pudeur, soit plus ou moins de réalisme et de nudité.
Toutes les participantes affirment que l’importance accordée au sexe dans les productions Showtime n’a rien d’anodin, ni de purement racoleur. Selon Sarah Treem, qui a co-écrit The Affair, le sexe est un moyen de communication dans la série : « Nous espérons que nos scènes d’amour font avancer l’histoire ». Pour Emmy Rossum, ces séquences servent à montrer que « la sexualité peut faire partie de l’art, que c’est un aspect de la vie comme tous les autres ». De plus,
C’est intéressant de voir que les femmes qui écrivent ces séries décident d’explorer plusieurs facettes du sexe : parfois, en tant qu’êtres humains, on a des relations sexuelles pour des raisons qui n’ont rien à voir. C’est un enjeu de pouvoir ou le fruit d’insécurités, ou peut-être un moyen d’aller mieux. Ces femmes ne le montrent pas de manière injustifiée. […] On essaie juste de trouver la vérité dans l’action d’un personnage à un moment donné. Cette vérité peut impliquer de la sexualité, de l’intimité, de la violence ou n’importe quoi d’autre entre deux personnages, du moment que ça fait vrai. »
Les scènes d’amour peuvent donc poser la question d’une éthique de la narration : les scénaristes expliquent qu’elles s’interrogent toujours sur la pertinence de la représentation d’un acte sexuel, quitte à y renoncer ou à la réécrire si elle leur semble superflue. Cet aspect théorique se double d’une dimension pratique indissociable : le problème du tournage. Ainsi, pour Maura Tierney, « il faut être dans la séquence pour savoir si elle est gratuite. C’est à l’acteur de décider ». Ce sont les scènes qui demandent le plus de discussions préalables, même si c’est seulement pour apprendre à détacher un serre-taille 50’s dans le cas de Caitlin Fitzgerald ; il s’agit après tout pour les acteurs et actrices de se dénuder, de se montrer sous un jour délicat, pas forcément flatteur et toujours en partie tabou aujourd’hui. Mais, pour Emmy Rossum, cela permet de développer et approfondir les différents protagonistes : « Nous ne nous limitons pas à montrer la dimension la plus politiquement correcte du personnage. Nous montrons tout de lui ». Le sexe, l’un des domaines où dire seulement ne suffit pas ?
Pour en savoir plus :
Deadline
Entertainment Weekly
The Hollywood Reporter
Jezebel