Aujourd’hui, parce qu’il est bien trop commun de parler plage, mojitos et bikinis, l’équipe de Séries Chéries a choisi de répondre à Ariane, une lectrice fondue du Grand Nord :
Peut-on parler aujourd’hui d’une émergence du Québec dans les pays producteurs / créateurs de séries, d’une (re)naissance des séries québécoises sur la scène internationale ?
Une question bien sérieuse qui a stimulé ma lointaine curiosité pour les séries québécoises je l’avoue. Dans le milieu sériephile, on entend régulièrement parler de quelques séries d’une grande qualité mais, force est de constater que le passage à l’international s’avère un peu rude. Il existe bien une tendance : un grand nombre de séries du Québec est l’objet de remakes de la part des anglophones dans une logique d’adaptation culturelle et linguistique dans tout le pays. Parfois, ce sont les Américains qui s’y collent, mais la qualité est rarement au rendez-vous, le succès aussi (lien cause/effet fulgurant). Qu’est-ce qui permet l’exportation d’une série avec succès quand le pays d’origine lui-même est divisé culturellement ? Car Québec does not equal Canada (ben oui, t’aimes le Québec, tu parles franglais, cousine).
La nuance est grande car la barrière de la langue conditionne en partie des références culturelles très différentes selon que l’on se place dans le Canada anglophone ou francophone. Bref, nos cousins de Montréal ne regardent pas la même chose que leurs voisins de Toronto en termes de productions originales. Mais, et la France dans tout ça ? Pourquoi nous autres François qui partageons la même langue, n’admettons pas la présence des séries québécoises sur nos écrans ?
Mépris culturel ou frilosité des diffuseurs qui ont déjà prouvé qu’ils prenaient leurs spectateurs pour des cons, nous n’avons eu dans l’histoire de la télé que bien peu accès aux séries québécoises. Ici, vous pensez bien, c’est la barrière de l’accent qui constitue un frein majeur. Et c’est dommage, car malgré toutes ces difficultés qu’elles ont à sortir de leur territoire, elles sont bien là les séries québécoises : originales, audacieuses, et elles ont aussi su parfaitement intégrer l’identité plurielle québécoise et canadienne dans leur style.
Ma théorie à moi qui explique l’échec des séries québécoises chez les anglosaxons et chez les Français, c’est qu’elles sont tout simplement trop folles pour nous (théorie élaborée scientifiquement, après une semaine en quarantaine de visionnage strict de séries québécoises, trop une ouf la fille). L’esprit québécois est bien trop audacieux et libéré des normes dont nous souffrons nous autres garants des bonnes manières à la française. Petit tour d’horizon de pourquoi les séries du Québec, c’est la folie.
Parce que pendant longtemps, la seule série québécoise, que je connaissais, c’était Le cœur a ses raisons, une parodie de soap opera complètement délirante qui a sublimé l’art du scénario aux retournements rocambolesques avec des gens comme ça :
Et ces gens que tu vois faire les foufous déguisés, ils ont un nom, Marc Labrèche et Anne Dorval, et ils ont récidivé plus récemment en se payant la tête des Bobos, cette classe sociale dont les concernés nient l’existence même, mais que le reste du monde a appris à tolérer tant bien que mal (car ils sont partout, les mécréants). Scoop : même Xavier Dolan a joué le jeu, et c’est très drôle.
Mais attention, le Québécois ne rigole pas toujours, et sait faire de très bons drames. Ce serait tellement facile de les faire comme les autres : dramatisation à l’américaine, mise en scène classique et théâtrale, acteurs imberbes et bodybuildés… Le Québec est capable de proposer à la place Minuit, le soir, une série qui raconte le quotidien pas vraiment glamour de trois videurs de boîte de nuit confrontés à un changement de propriétaire désireux de moderniser l’établissement. Foncez, c’est brillant d’originalité !
Dans la série des drames qui sont trop audacieux pour être appréciés des Français (mettons-nous dans la tête de nos chers diffuseurs), Unité 9, une sorte d’Orange is the New Black, sauce québécoise. En tout cas, c’est sincère, et c’est crédible comme tout (on ne peut pas toujours dire la même chose de l’américaine).
Mais quand le drame devient trop triste, que la comédie simple, c’est trop facile, l’idée de génie est de mélanger les deux tout en parlant de la création des séries-mêmes. Ambitieux les Québécois avec Série Noire !
Les Québécois savent aussi rendre une barque et la pêche à la mouche passionnantes, chose qu’on n’avait pas vue depuis les Monty Python (paraît qu’ils ont fait un live sympa récemment les vieux). Merci, Les pêcheurs !
Enfin, je ne peux pas vous laisser sans vous montrer que le Québécois, en plus de maîtriser des domaines privilégiés (l’humour de toute évidence et les plaisirs terrestres), eh bien le Québécois est un touche-à-tout ! Il nous fait même de la science-fiction avec Dans une galaxie près de chez vous :
Sur ces belles paroles et ces images encore plus belles qui ne reflètent qu’un centième de la folie québécoise en séries, je dois vous laisser et soigner un accent québécois naissant. C’est du plus mauvais effet autour de la machine à café.
J’aime pas du tout dans une galaxie près de chez vous. Par contre dans le type « série fofolle » je recommande les rescapés, voyage dans le temps et coupe de cheveux années 60 !
Quel bel article! Alors qu’.on débat toujours à Radio-Canada s’il y aura une deuxième saison ou non de « Série Noire » (qui rassemble un public masculin et jeune= trop peu pour les cotes d’écoute de plus en plus impératives pour la société d’État qui se fait couper les vivres par le gouvernement con-servateur), c’est toujours cette question d’accent qui semble rebuter les français. Mais c’est en en diffusant plusieurs qu’on se fait l’oreille, comme les Anglais et les Américains. Je traite un peu de la question dans mon article sur une autre série « folle », mais française: http://evaluateurenseriestv.com/2014/05/25/france-kbek-2014-une-alliance-impossible/
Merci ! En tout cas on est quelques uns en France à attendre impatiemment la suite de Série Noire ;) Pour ce qui est de l’accent, je suis complètement d’accord, même travail qu’au cinéma, l’habitude des Français pour le doublage systématique nuit à la curiosité et à la découverte de séries. Passé un bref temps d’adaptation, certains accents sont tout à fait compréhensibles même sans sous-titres. Merci pour le lien !
« Les Invincibles » Québecois !
Ouaip, une qu’on a copié en remake d’ailleurs, comme quoi ça fait longtemps qu’on sait qu’il y a du potentiel au Québec :)
ton article me fait penser à la série 19-2, drame policier qui viens tout juste d’être repris pas les américains sous le même titre (aucune originalité les gars!). Une série, l’originale, bien sûr, que je conseille fortement aux français!
C’est exactement la série à laquelle je pensais en écrivant ces lignes (avec les Hauts et les Bas de Sophie Paquin) ! J’irai voir la version US pour comparer ;)
À moins que je ne me trompe, les versions anglophones de 19-2 et Les hauts et les bas sont canadiennes et non américaines. (c’est « Sophie » le titre en anglais et diffusé sur CBC pour une saison). 19-2 prend même place à Montréal. Avec la langue commune, c’est facile de d’y tromper.
Très juste ! Un bug de la matrice en allant trop vite :)
ah oui en effet! autant pour moi aussi ;)