Etude de pilote : Orange Is the New Black

Piper Chapman, une fille bien sous tous rapports, est sur le point de se marier quand elle est rattrapée par son passé. Obligée de purger une peine d’an de prison, elle tente de se faire aux règles de la prison et de cohabiter avec les autres détenues qui sont très différentes d’elle…

Première remarque pour la postérité musicale : un pilote qui entame son intro avec I’ll Take You There des Staple Singers peut décemment vous faire penser que vous aller passer un très bon moment dans les prochaines 50 minutes. La scène d’ouverture constitue une immersion brutale dans un monde beaucoup moins glamour qu’un clip des Staple Singers, celui des douches carcérales et bien souvent des violences qui les accompagnent. Alors, tout comme Piper Chapman, ça vous dit de partager une douche avec 250 co-détenues ?

Entre humour de classes et milieu carcéral

Les comédies mettent du temps à trouver leur humour. Autant dire que les pilotes hilarants ne courent pas les rues. Orange Is the New Black, adoubée par la présence de Jason Biggs (American Pie), a su installer d’emblée une dynamique efficace et son propre humour tout en dépassant le format sitcom de 22’ pour rejoindre celui de la dramédie.

Derniers instants d’une vie rangée pour Piper Chapman

Mais Orange Is the New Black sonne également juste dans le drame transposé à l’écran. Grâce au point de vue de Piper, extérieur au monde de la prison, on partage avec elle préjugés sur ses employés et sur ses détenues. Le choc initial sera brutal. Justes aussi, les détails du quotidien, parfaitement résumés dans la scène d’amour du couple Piper/Larry où l’on passe d’un romantisme ardent au comique et au ridicule de Larry, puis aux larmes de Piper. L’émotion transparaît là où il n’y a pas le filtre d’une excessif de la dramatisation et où on laisse à voir le potentiel des personnages.

Orange Is the New Black offre ainsi un bon équilibrage entre une comédie où les situations de promiscuité entre femmes de milieux et d’origines différentes occasionnent des incompréhensions, mais aussi des moments de frictions qui peuvent rapidement virer au drame lorsque la série choisit de prendre de l’ampleur et de s’intéresser tour à tour aux différentes histoires des camarades de détention de Chapman.

Piper Chapman, la fin d’une vie idéalisée et le retour violent de la réalité

J’ai beaucoup apprécié l’alternance entre trois temps narratifs non linéaires, très bien gérée au niveau de l’écriture : on nous donne ainsi à voir le présent de détenue de Piper, son passé proche vécu à la lumière de ses derniers instants avec son fiancé et son passé de mule vécu sous les ordres de son ancienne amante. Un passé qui nous apparaît d’ailleurs presque aussi improbable qu’à sa famille. Cet épisode distille ainsi intelligemment certains détails de la vie de Piper et nous laisse juste assez envie de découvrir la suite.

L’originalité du traitement réside aussi dans le fait que l’on suit précisément l’entrée en prison de Piper. Ces scènes et les décors tranchent avec les habituelles fictions de prison dans lesquelles les détenus semblent toujours évoluer en zone de haute sécurité, seuls dans leur cellule. Ici, on a presque l’impression que Piper part pour une promenade de santé. On sait pourtant qu’elle va en prison mais jamais on ne le réalise complètement jusqu’à ce qu’elle affronte la réalité de la cohabitation carcérale. Le déni n’est plus possible.

Je la sens plus trop cette colo’

Il y a également trois niveaux de narration dans cette série : l’histoire de Piper qui au final n’est qu’un prétexte, celles de chacune des détenues, et l’histoire d’une micro-société comme système autarcique qui englobe tous ses membres. Si on peut regretter que les détenues ne bénéficient pas toutes du même traitement dans les épisodes suivants, on nous propose tout de même un joli portrait de famille.

Des portraits de femmes en combinaison orange

Au niveau des actrices, on est plutôt bien servis en effet : la prestation de Taylor Schilling (Piper) n’est pas des moindres. Affublée d’une filmographie quasi inexistante (Mercy Hospital, Argo), elle part avec le handicap d’un physique de blonde middle class plutôt banal quoique très jolie. Pourtant elle s’impose réellement et on s’attache vite à son personnage. Les autres actrices sont également parfaites et les gardiens de prison hilarants. J’avoue avoir un petit faible pour le comique de Mendez “Pornstache” (qui bénéficie d’un surnom en or).

Pour comprendre où nous mène Jenji Kohan, il suffit d’analyser le générique simple mais très évocateur : l’accent n’est  pas mis sur une femme mais sur toutes. D’aspect austère au début, âpre, violent ou peu attirant, les femmes y sont mises en lumière par petites touches mais l’on perçoit vite l’humanité et l’histoire touchante qui se dégage de chacune d’elles dont le destin est lié par cette combinaison orange de détenue. La musique de Regina Spektor sert par ailleurs très bien l’aller-retour entre comédie et moments de drame purs. Orange Is the New Black est une série de femmes sur les femmes, mais les hommes censés les encadrer ne sont pas pour autant oubliés avec des moments particulièrement peu gratifiants…

« C’est pas sorcier » avec Pornstache et Bennett consacré au branchement d’une webcam à un ordinateur

Bilan :

Un pilote enthousiasmant d’où il se dégage une vraie créativité ce qui pour moi est un très bon point. L’histoire est bien amenée grâce à un scénario qui joue avec fluidité sur plusieurs temporalités. OITNB opère une véritable démystification de l’univers carcéral féminin qui tranche avec les autres séries de prison. C’est une bouffée d’air frais de 45 minutes, touchante avec une galerie de personnages assez vaste pour ne pas ennuyer. Certes, le trait est parfois forcé pour provoquer le spectateur voire pour attirer les foules, curieuses à la mention répétée du mot “lesbienne”. Netflix souhaite peut-être s’assurer qu’elle n’a pas perdu les spectateurs d’HBO, mais l’effet n’en est que plus hilarant, à l’instar de l’obsession de Healy, l’agent correctionnel de Piper, pour les relations homosexuelles.

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