Suite aux polémiques liées à la fin de cette sitcom* legendary qui a presque détrôné Friends, et dans laquelle nous avons suivi pendant neuf ans les pérégrinations sentimentales de cinq New Yorkais attachants, l’équipe de Séries Chéries a décidé de peser le pour et le contre. Car, non, tout n’est pas à jeter dans le final de How I Met Your Mother. François, Maguelonne et Marine, fans depuis la première heure, vous font part de leurs échanges. Attention, spoilers !
Le choix de concentrer l’intégralité de la saison 9 sur trois jours était-il une bonne idée ? Le problème vient-il de cet usage de la temporalité, du thème du mariage qui n’aurait pas le même impact sur un public américain et français, ou sur l’improbabilité de la relation entre Robin (Cobie Smulders) et Barney (Neil Patrick Harris) ?
François : Consacrer l’intégralité de la saison 9 sur 3 jours est une bonne et une mauvaise idée. Bonne, car nous avons des épisodes qui se suivent beaucoup plus (par rapport aux 8 saisons précédentes). Mauvaise, car on nous parle du mariage durant 23 épisodes et de la séparation en 3 minutes. Pour ma part, je pensais que le couple Robin/Barney allait fonctionner.
Maguelonne : Dès que la construction de la saison 9 a été annoncée, je me suis méfiée. Trois saisons pour un mariage, c’est beaucoup trop… Surtout quand, au final, l’épisode où l’on voit enfin Barney et Robin se dire « oui » est le plus raté de toute la série (j’ai eu l’impression qu’il avait été filmé et monté par un enfant de quatre ans aveugle et manchot). La cérémonie est sans intérêt et on ne voit presque rien de la fête qui suit. On attendait cette union depuis la saison 7, avant tout parce que la mère était censée s’y trouver, et elle a été sans cesse repoussée par des micro-événements dont on aurait pu se passer. 72 heures en 22 épisodes, ça aurait pu être un défi scénaristique audacieux, et en un sens ça l’a été, mais dans ce contexte ça a surtout semblé être du remplissage.
Marine : Je rejoins Maguelonne et François sur le fait que concentrer l’intégralité de la saison 9 sur le mariage de Barney et Robin était une mauvaise idée. La restriction temporelle s’est révélée être un projet trop ambitieux et on n’attendait qu’une chose : en finir avec ce mariage. J’aurais préféré qu’ils développent la rencontre avec « the mother » ou qu’ils lui offrent une place plus centrale. Par ailleurs, on se rend compte dans l’épisode final que cette saison n’a aucun impact sur le futur de nos héros, et renforce l’idée que celle-ci était un fiasco. Les mixes temporels qui faisaient le charme de la série n’auront pas été d’un grand secours. C’était pourtant prévisible, HIMYM avait perdu de sa superbe depuis quelques saisons déjà, et même les « legendary » et « wait for it » de Barney ne faisaient plus que très légèrement sourire.

A la fin, ils divorcent.
Maguelonne : Pour ma part, plusieurs épisodes m’ont fait rire, et j’ai apprécié le système de flashbacks et de flashforwards, mais l’après-mariage méritait bien une saison, ou du moins une dizaine d’épisodes, alors que le weekend de mariage dans un hôtel du New Jersey… pas du tout. Effectivement, c’est déjà un concept bizarre pour nous autres Européens de voir tous les invités regroupés pendant trois jours dans un même lieu. Tous les enjeux dramatiques liés au mariage ne m’intéressent jamais beaucoup : qui sera le témoin de machin, les doutes de la veille, les beaux-parents… J’ai préféré suivre le dilemme de Marshall (Jason Segel) et Lily (Alyson Hannigan), ou encore le découragement de Ted (Josh Radnor). Ici, la focalisation sur le mariage à l’américaine était d’autant plus agaçante qu’elle venait confirmer un défaut majeur de HIMYM, à savoir le couple Robin/Barney. Ensemble, ceux-ci sont vingt fois plus ennuyeux que séparés… mais c’était peut-être fait exprès et significatif, finalement ?
De quoi pâtit l’épisode final ? En quoi est-il une réussite ? Que penser du sort réservé à la mère ?
François : L’épisode final bâcle 17 ans de leur vie en 60 minutes, c’est ici la plus grosse déception. Cela méritait un autre traitement : consacrer la moitié de la saison au mariage, et la suite à la relation entre Ted et « the mother », voir pourquoi le mariage de Robin et Barney ne fonctionne pas…. Toutefois, l’épisode est une réussite en cela que nous avons des réponses pour chaque personnage. Concernant le personnage de Barney, la fin est émouvante et très touchante et nous montre une nouvelle facette de sa personnalité. J’ai adoré. Concernant la mère, on se doutait depuis un petit moment que la mère allait mourir donc je ne suis pas très surpris.
Marine : Cet épisode ne fait que corroborer le fait que la saison 9 était un ratage complet. Pourquoi décider de concentrer l’entière saison sur ce mariage pour les faire divorcer au bout de 3 ans d’union sans que personne n’y porte un réel intérêt ? Et pourquoi nous faire poireauter 9 saisons avant l’arrivée de « the mother » si c’était pour la faire mourir en deux deux ? Gros foutage de gueule, excusez l’expression. Par ailleurs, on nous raconte 17 ans de leur vie en 40 minutes pour se rendre compte que, finalement, rien n’a vraiment changé. Comme le souligne si bien cet article de l’Express culture, au début de la série, Marshall et Lily formaient un couple stable et soudé, Ted tombait amoureux de Robin, Barney couchait à droite à gauche et Robin était seule avec ses chiens. Cap sur la fin de la série : Marshall et Lily sont toujours le couple stable et soudé, 3 marmots au compteur, Barney couche toujours à droite à gauche, à l’exception près qu’il a mis une de ses conquêtes enceinte et est maintenant un heureux papa célibataire, Ted retombe amoureux de Robin et celle-ci, toujours célibataire, a retrouvé ses chiens. La boucle est bouclée et rien n’a vraiment changé. Par ailleurs, la série a été construite autour de son dénouement. Ted raconte à ses enfants comment il a rencontré leur mère, l’amour de sa vie. Or, lors de cet épisode final on nous apprend que les 9 saisons se soldent par la mort de la mère ! Scandale. Alors, on s’en doutait peut-être comme le dit François, mais la trahison n’en est pas moins grande.
Arthur : Contrairement à Marine, je me demande si ce n’est pas là justement que réside le sel de ce dénouement : nous faire prendre du recul, de façon abrupte, et nous montrer que malgré toutes les craintes des personnages de ne pas réussir leur vie à temps, ils avaient finalement tout le temps devant eux pour construire une famille, faire carrière, et, bien sûr, trouver l’amour. Cette fin, pour moi, c’est un pied de nez à la peur de la vieillesse, et à l’incapacité de s’abstraire du présent. Que d’angoisses, alors qu’il nous reste tant d’années pour vivre, pour être heureux ! Je trouve cet épisode, même s’il est larmoyant, étonnamment optimiste.

A la fin, ils se disent au revoir toutes les deux minutes.
Maguelonne : Comme François et beaucoup de gens, j’ai envisagé la mort de la mère il y a plusieurs saisons. Au début, comme je pensais qu’on apprendrait à la connaître et qu’on verrait sa relation avec Ted pendant au moins une saison, je m’étais dit que ce dernier racontait leur rencontre avant d’annoncer sa mort aux deux enfants. Ç’aurait été beau, ç’aurait été triste… Mais Cristin “the mother” Milioti, la fourbe, a démonté cette théorie en interview l’année dernière. La fin de l’épisode 19, « Vesuvius », apporte un nouveau revirement aussi cruel qu’attendu, puisqu’un flashback allusif et larmoyant laisse entendre que la mère allait bel et bien mourir bientôt. Je pense que la haine déchaînée par ce choix scénaristique, l’un des plus décriés par les spectateurs fidèles, dépend uniquement du talent de l’actrice. Bien qu’on ne l’ait pas beaucoup vue, et même si son personnage n’a manifestement pas été beaucoup creusé (double de Ted + ukulélé + mignonnerie), son charisme et son alchimie avec les autres acteurs font que moi aussi, j’aurais voulu la voir beaucoup plus. Ironiquement, je pense qu’avec une actrice nulle moins immédiatement adorable, les gens auraient été beaucoup plus satisfaits de la fin, et beaucoup moins attristés par sa mort…
D’autant que, par ailleurs, l’évolution des autres personnages et la conclusion ne m’ont pas forcément déplu : la série se termine sur une note aigre-douce, et troque alors une part de sa fantaisie pour un peu de sincérité, si ce n’est de réalisme. La bande du MacLaren’s n’est pas inséparable, et l’émouvante fuite en avant sur plusieurs décennies du dernier épisode laisse deviner combien leur amitié est un temps diluée dans la poursuite de leurs vies. Loin des passions et des crises mises en exergue dans de nombreuses autres séries, j’ai toujours apprécié la représentation de Marshall et Lily, pour qui une vie stable et un amour solide sont synonymes de joie et non d’ennui : ils sont comblés et vieillissent ensemble sereinement. Le fait que le couple Robin/Barney ne fonctionne pas vraiment à l’écran est mis en abîme dans le récit, où leur mariage échoue – ce qui renforce malheureusement l’impression de gâchis de la dernière saison. L’arc narratif de Robin me semble tout à fait logique : grâce aux huit saisons précédentes, on sait que son travail est très important pour elle, qu’elle a accepté de ne pas avoir d’enfant, et qu’elle est plus indépendante que les autres. Pour Barney, c’est une autre histoire. Même si on pouvait deviner que la paternité allait le bouleverser (après tout, il a plus de mommy et daddy issues que tous les autres réunis…), je n’ai pas du tout apprécié que celle-ci lui tombe dessus de cette manière. Lui faire avoir un bébé avec un coup d’un soir qu’on ne voit jamais, sérieusement ? Même si Barney n’est pas fait pour le couple, il aurait au moins pu se lier d’amitié avec cette femme, qui n’avait pas à être seulement une énième conquête plus irresponsable que les autres. Au contraire, il en parle de façon méprisante, et elle est absente quand il rencontre son enfant, alors que c’est très peu de temps après l’accouchement. Ah et forcément, Barney a toujours traité les femmes comme des objets sexuels, mais sa fille est un petit trésor précieux, pur et innocent… C’est aussi frustrant que misogyne.
La dernière scène, surprise ou déception ? Foutage de gueule comme dit Marine, ou fin logique permettant de donner du sens à la série dans son ensemble ?
François : Ni surprise, ni déception. C’est une fin logique qui donne du sens à toute la série : Ted parle de Robin tout le long pour leur montrer qu’elle est géniale et ainsi obtenir l’autorisation de se remettre avec elle suite au décès de « the mother ».
Marine : La dernière scène bien que cohérente est beaucoup trop cliché. Effectivement, Ted a eu la vie qu’il rêvait auprès de Tracy, une vie que Robin ne pouvait pas lui offrir. Oui tout est question de timing dans une relation, et des années plus tard ces deux là sont peut-être enfin en mesure d’être heureux ensemble. Mais quand même. Cela nous donne l’impression que la mère était une épreuve de plus à surmonter pour que Ted et Robin finissent enfin leurs jours ensemble. Pas très sympa pour Tracy.

A la fin, Ted est toujours aussi RELOU avec son cor bleu et Robin lui dit « ok tu peux monter » mais au fond elle se demande où elle va accrocher cet objet trop moche dans son appartement.
Maguelonne : Encore une fois, je me doutais que ça allait se finir ainsi (ça existe, les sites de paris sur les séries ?). En voyant que, même dans la saison 9, la mère n’apparaissait jamais, ça me semblait être la seule voie possible et, finalement, le seul moyen d’expliquer – sans compenser – cette absence. Évidemment, beaucoup se sont sentis trahis par cette fin, comme Marine, puisque c’est une subversion totale du pacte narratif et du titre, qui était programmatique ; mais par ailleurs, elle est cohérente avec les personnages. La dernière scène semble cliché, puisque Ted finit par retrouver celle qu’il avait choisie dès le premier épisode, mais elle ne l’est peut-être pas tant que ça : elle témoigne d’une vision de l’amour beaucoup plus mûre que le romantisme effréné du Ted des débuts. Celui-ci a eu la vie conjugale et domestique dont il rêvait, qu’il enviait à Marshall et Lily, et que Robin n’aurait jamais pu lui offrir. Cette sorte de nouveau départ qu’est une relation amoureuse sur le tard est un sujet plus rarement évoqué, et jamais au travers de personnages dont on a connu la fougue et la jeunesse. Ted était pressé de trouver LA bonne, l’unique, la femme de sa vie. Il multipliait les relations et les rencontres dans l’espoir d’avoir un coup de foudre, le plus vite possible, et quelques années d’attente et d’échecs l’ont complètement découragé : en début de saison 9, il est prêt à abandonner sa quête, comme s’il était trop tard.
Il n’y a pas qu’une seule âme sœur, une seule élue sans laquelle rien n’a de sens, une seule occasion d’être heureux ; chaque chose en son temps, et les vaches seront bien gardées : comme le dit Arthur, le message est paradoxalement encore plus optimiste que si Ted avait seulement trouvé l’amour. Au passage, la série a le mérite de faire deviner, dans le récit alambiqué de Ted, la culpabilité et les scrupules qui accompagnent la mort d’un conjoint, pour mieux les évacuer et légitimer une nouvelle relation. Toutefois, l’écrasante différence de temps à l’écran entre la mère et Robin dessert ce propos. Quelques scènes semblent expressément destinées à nous faire comprendre que l’histoire d’amour de Ted et Tracy est idyllique, mais on ne les voit pas durablement, et donc on n’y croit pas totalement. Surtout que pendant les trois quarts de la saison 9, Ted rumine encore son amour déçu pour Robin ; l’épisode 17, « Sunrise », est censé montrer qu’il accepte enfin qu’elle lui échappe… Mais combien de fois est-ce arrivé au cours de la série, et pourquoi ce lâcher de ballons ridicule serait-il différent des autres occasions où il a renoncé à Robin avant de revenir à la charge ? En fait, on ne peut s’empêcher de penser que, peut-être, il n’a jamais cessé d’être amoureux d’elle, mais comme elle était mariée, il s’est résigné à avoir des enfants avec la mère, qui ne serait donc rien d’autre qu’un second choix, un amour par dépit, enfin, un bouche-trou. Et même si ce n’est pas ce qu’ont voulu raconter les showrunners Carter Bays et Craig Thomas, c’est ce qu’ils nous ont montré bien malgré eux.
Bonsoir.
Article très intéressant sur ce final qui a engendré de multiples réactions. Je me retrouve dans vos différents arguments. En lui-même, le series finale est bien : on voit ce qui arrive aux différents protagonistes, même si tout n’est pas rose, et finalement, il y a quand même une vision positive et réaliste des choses (pouvoir aimer à nouveau après la perte d’un être cher, le divorce).
Après, ce qui m’a dérangée, c’est le décalage entre le titre de la série et le fait qu’on ne voit pas tellement la vie de Ted avec la mère, ou tout du moins le début de sa relation avec elle (pour montrer en quoi ils étaient faits pour être ensemble, quand bien même on a eu auparavant des éléments prouvant leur lien). La mère finit par être effacée par Robin et à cause de ce décalage, j’ai eu la sensation que la mère était un peu un subsitut, une solution de secours. Ceci est absurde (pourquoi fonder 1 famille avec une personne alors qu’au fond de soi, on aime quelqu’un d’autre ?), mais la façon dont on a traité les choses font que j’ai eu ce sentiment.
Et comme le dit Maguelonne, le changement de Barney face à sa fille est too good to be true, au vu de son passé avec la gent féminine (attitude que j’ai toujours détestée pendant la série, d’ailleurs, il n’y a pas beaucoup de femmes dans cette série qui soient montrées sous un jour favorable, intellectuellement parlant).