Aujourd’hui je vous propose une battle 100% judiciaire où les femmes ont le rôle titre. Je dépoussière Ally McBeal, un de mes premiers amours de sériephile et pionnière du genre, et lui oppose Drop Dead Diva, considérée comme une de ses descendantes. Ally McBeal (Calista Flockhart) versus Jane Bingum (Brooke Elliott), place à un combat en tailleur et talons hauts.
Ally McBeal met en scène une avocate trentenaire maigrichonne qui fait des situations cocasses et maladresses en tous genres sa spécialité. Elle intègre le cabinet Cage & Fish et se retrouve à bosser aux côtés de son amour de jeunesse Billy (Gil Bellows). Dans Drop Dead Diva, on côtoie Deb (Brooke D’Orsay), ancien mannequin ressuscité dans le corps de Jane Bingum, une avocate bien en chair et collègue de Grayson (Jackson Hurst), le petit ami de Deb. Sur le papier, les storylines peuvent paraître similaires. Toutefois, ces deux séries diffèrent énormément dans leur style.
Round 1 : Team Cage & Fish vs Team Parker & Parker
Des toilettes mixtes, des « soutiens-visage », des grenouilles, de la cornemuse et j’en passe : chez Cage & Fish, on n’a pas le temps de s’ennuyer tant l’équipe est délurée. Chaque personnage secondaire apporte sa mine d’or à l’histoire. Et c’est là tout l’intérêt d’Ally McBeal : ses rôles secondaires.
On adore Richard (Greg Germann), le patron si peu autoritaire, et ses fishismes, maximes de son invention très souvent tournées sur les femmes et l’argent. On rit devant les pitreries de John Cage (Peter McNicol), le cofondateur du cabinet qui a le nez qui siffle et qui bégaie quand il est gêné. Il nous impressionne avec ses plaidoiries de dingue, surtout quand il réussit à faire participer le jury. On sourit devant son âme d’enfant, sa manière de danser sur du Barry White pour se donner du courage et sa thérapie du sourire.
Il y a aussi Elaine (Jane Krakowski), la secrétaire pipelette, allumeuse, friande de potins et danseuse hors pair. Ling (Lucy Liu), bitch de service, aux rares moments de lâcher prise. Et puis la crème de la crème de la crème, un nouvel individu fait son apparition en saison 4 : Larry Paul, nouveau love interest d’ Ally interprété par Monsieur Robert Downey Junior himself.
Dans Drop Dead Diva, l’équipe est loin d’être aussi charismatique, elle est très stéréotypée et les personnages moins hauts en couleur. Néanmoins, il faut lui reconnaître que son héroïne est beaucoup plus attachante qu’Ally. Cette dernière, quelque peu égocentrique, finit par agacer à la longue. Jane, elle, est un savant mélange entre une avocate au QI supérieur à la moyenne et un mannequin superficiel. Cela donne un résultat explosif. C’est aussi la plus grosse incohérence de cette série, mais on en n’a cure. La secrétaire de Jane, Terri (Margaret Cho), relève le niveau et amène un peu de soleil dans ce cabinet bien trop conventionnel.
Vainqueur : Pour son panel de personnages excentriques, aux personnalités diverses et variées mais toutes aussi appréciables, Ally McBeal remporte ce tour.
Ally McBeal 1 – Drop Dead Diva 0
Round 2 : Le propos
Dans Ally McBeal, le sujet central, comme l’indique le titre éponyme de la série, c’est Ally. Ally, la grande romantique et sa quête du grand amour. Par ailleurs, les affaires que doivent traiter nos avocats reflètent ce qui cloche dans notre société. Ils traitent majoritairement des cas de divorce conflictuel, de prostitution, de harcèlement sexuel, de licenciement abusif. Ces affaires font souvent écho à ce qui se passe dans la vie de nos héros, et ne sont qu’un prétexte pour faire avancer les intrigues des personnages et pour les faire évoluer.
Dans Drop Dead Diva, il y a un fil directeur tout du long. Deb, désormais réincarnée dans un corps qui n’est pas le sien et avec lequel elle va devoir réapprendre à vivre, travaille aux côtés de son petit ami qui la croit morte et porte son deuil. La grande question est donc la suivante : celui-ci retombera t-il amoureux de Deb, dont l’âme se trouve dans un corps qui ne correspond pas aux canons de la beauté actuelle ? D’ailleurs c’est assez rare pour être souligné : les actrices rondes dans des premiers rôles à Hollywood ça ne court pas les rues, notamment dans des rôles coquets. Ici, Jane assume ses kilos – qu’elle porte merveilleusement bien, défile comme un top model (et pour cause), ne lésine pas sur le fard à paupières ni le fer à lisser. Alors oui, ce scénario a déjà été vu au cinéma, et alors ? Il est plus que jamais d’actualité. Diffusée sur Lifetime, le ton de la série est bien entendu très girly, mais elle a le mérite de proposer quelque chose d’un peu différent et de rejeter les foutu diktats de la beauté. Concernant les affaires prises en charge par le cabinet, elles ont un peu plus d’ampleur et il y est souvent question d’injustice à réparer, Jane étant devenue avocate pour défendre la veuve et l’orphelin.
Vainqueur : Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas la teneur des procès qui passionne le téléspectateur mais la vie personnelle des personnages. Mon côté girl power l’emporte aujourd’hui.
Ally McBeal 1 – Drop Dead Diva 1
Round 3 : Le style
Ally a une imagination débordante qui l’aide à fuir la réalité. On la voit nager au milieu de son bureau ou se rapetisser dans son fauteuil quand elle aimerait pouvoir se sortir d’une situation embarrassante. John Cage, lui, entend Barry White dans sa tête quand il drague. La série utilise de nombreux effets spéciaux dignes de cartoons, ce qui apporte une énorme valeur ajoutée au ton généralement comique de la série – qui a toutefois su nous arracher quelques larmes, lors de rares mais grands moments dramatiques télévisuels.
Ally McBeal est une série pétillante et sa bande-originale, très présente, n’y est pas étrangère. L’équipe a pour habitude de se retrouver au piano bar de l’immeuble où ils travaillent pour décompresser, ce qui donne l’occasion à nos avocats de pousser la chansonnette à tour de rôle. On ne compte d’ailleurs plus les nombreuses guest-stars venues jouer des cordes vocales pour notre plus grand plaisir : Barry White, Sting (et son mémorable duo avec Robert – oui parce qu’en plus il sait chanter), Tina Turner, Elton John ou encore Gloria Gaynor.
Drop Dead Diva a un scénario plus tiré par les cheveux à la base, mais reste assez traditionnelle dans son traitement et n’exploite pas son brin de folie. On aura toutefois le droit de temps à autre à des rêves éveillés délirants de la part de Jane, comme cette scène où elle aussi s’adonne à la chanson. Une de mes préférées d’ailleurs.
Vainqueur : Pour sa fraîcheur et son originalité, la série de David E. Kelley remporte ce round final.
Ally McBeal 2 – Drop Dead Diva 1.
Vainqueur final : Ici l’élève ne dépasse pas le maître. Treize ans plus tard, Ally McBeal a un peu vieilli mais reste toujours aussi délirante, fraîche et agréable à regarder. Le gros point noir cependant reste sa cinquième et dernière saison qui n’aurait jamais dû voir le jour. Le départ de Robert a chamboulé l’équipe qui en a perdu son talent. On les comprend. Drop Dead Diva manque d’un petit grain de folie, même si son discours est une bouffée d’air frais.
Petite danse de la victoire pour la team Cage & Fish. Vous pourriez bien avoir envie de vous trémousser aussi.