Jour 8
Maguelonne a assisté à la projection de The Principal
20h45 : Celui qui joue le personnage principal (uhuh), Alex Dimitriades, vient nous présenter la mini-série en avant-première – elle ne sera diffusée qu’en septembre en Australie sur la chaîne publique SBS. Une grande partie de la salle le connaît de Hartley, cœurs à vif dans laquelle il interprétait Nick Poulos, mais ce n’est pas mon cas. Suis-je la seule, par contre, à lui trouver un certain air de ressemblance avec Ryan Reynolds ?
22h20 : Deux épisodes plus tard, soit la moitié de la série, la salle est convaincue. The Principal s’attache à dépeindre le quotidien d’un lycée à problèmes de Sydney, Boxdale Boys High, au moment de l’arrivée de Matt Bashir, proviseur idéaliste qui y a effectué sa scolarité. La découverte d’un cadavre dans les locaux de l’établissement vient briser le réel progrès qu’avaient suscité ses mesures intelligentes et son investissement personnel. Dans le rôle de l’inspecteur qui vient empiéter sur les plates-bandes de l’équipe pédagogique et de la gardienne de l’ordre rattachée au lycée, on a la bonne surprise de retrouver Aden Young, le héros de Rectify. La série dénonce avec efficacité les faillites du système (éducatif en particulier) dans un quartier multiethnique où tensions et délinquance règnent, mais son propos laisse étonnamment – et agréablement – de la place à l’optimisme en faisant porter au personnage principal un message d’espoir et la conviction que le multiculturalisme n’est pas voué à l’échec. Si on passe outre les filtres jaunâtres et poussiéreux, son seul défaut est celui des séries à thèse : un peu trop démonstrative, les protagonistes semblent avant tout être les arguments et exemples, thèses et antithèses d’une dissertation, aussi dynamique et prenante soit-elle. Heureusement, la fin du deuxième épisode laisse deviner davantage d’épaisseur au héros, qui n’est pas seulement l’incarnation charmante et affable d’une utopie.
22h45 : Alex Dimitriades, tout aussi sympathique que son personnage, garde le sourire même face à une question embarrassante sur sa sexualité (sérieusement, monsieur du public ? Sérieusement ?). Il nous apprend que le lycée de la série est un vrai lycée encore en activité, qui n’a d’ailleurs pas fermé ses portes pendant le tournage, et dont le proviseur a été une source d’inspiration pour l’acteur. De même, les jeunes sont des comédiens amateurs recrutés sur place. Ce n’est donc pas un hasard si The Principal semble hériter de la même tradition que The Wire. Alex Dimitriades était aussi ravi de pouvoir croiser son ancien collègue Salvatore Coco le temps de quelques scènes. La conclusion : ça va être long d’attendre septembre pour espérer voir la suite !
Jour 9
Serge a vu Occupied
15h30 : Il est temps de découvrir en avant-première mondiale la fiction politique d’anticipation Occupied. On nous le rappelle dès la présentation, c’est un gros événement et c’est aussi l’occasion de souligner que Séries Mania est l’un des seuls festivals du genre au monde. Bref, petit moment d’auto promo qui ne fait pas de mal et nous voici partis pour un marathon des quatre premiers épisodes de cette fort prometteuse fiction politique.
15h40 : Maguelonne et Sophie arrivent en retard et doivent passer en courant derrière les intervenants. Par le plus pur des hasards, Maguelonne s’assied à côté d’Hippolyte Girardot. L’homme a un mini-rôle dans la série et est venu voir ce que ça donnait – un acteur de goût. Sophie, moins chanceuse, s’installe entre les deux personnes les plus réactives à leurs émotions de la salle. Et pour réagir, elles réagissent beaucoup : elles reniflent, toussent, soupirent, se caressent les cheveux et les bras (non, pas entre elles)…
17h00 : Petite pause après deux épisodes d’Occupied pour une rencontre avec son showrunner-réalisateur, Erik Skjoldbjaerg. Avant la rencontre petit point sur ce qu’on vient de voir. Le premier mot qui me vient c’est avant tout intensité. On sent dans ces deux premiers épisodes la menace de la guerre comme un danger invisible qui va crescendo à mesure que les provocations russes se font plus concrètes. Subtile manière de présenter un ennemi sans visage qui fait peser sa force par une violence psychologique plutôt que par les armes. Réaliste et plutôt fin. Et la rencontre dans tout ça ? Erik Skjoldbjaerg n’aura eu de cesse de le répéter, le vrai thème de cette série c’est la résistance, thématique issue de l’idée originale de l’auteur Jo Nesbø, tiraillé entre un père collaborateur et une mère résistante pendant la Seconde Guerre mondiale. On aurait pu croire le thème un brin trop simpliste mais lorsqu’il est traité sans manichéisme et avec complexité on se retrouve devant une vraie réflexion sur la moralité et sur la responsabilité de nos choix. Pour ceux qui par contre attendaient de cette série l’ouverture d’un débat sur les énergies nucléaires vous pourrez repasser, là n’est pas le propos. Tant pis/tant mieux, au moins la série ne s’éparpillera pas.
17h10 : Prétextant une petite pause toilettes, Sophie en profite pour changer de place, ayant développé durant ces deux épisodes de fortes envies de meurtre. Maguelonne rebondit sur une question du public pour adresser la parole à Hippolyte : il est sympa, n’avait encore rien vu des épisodes et serait incapable de spoiler – il n’a pas lu la fin. On admire aussi son endurance digne d’un sériephile endurci : il enchaîne les quatre épisodes sans broncher même si son temps de présence à l’écran est très limité.
19h10 : Verdict final ? On en redemande. On ne peut qu’être sensible au destin de ces personnages pris dans la mécanique implacable d’une occupation qui ne dit pas son nom mais se révèle peu à peu. On perçoit aussi pourquoi ce thème n’aurait pu être traité par un film mais devait absolument disposer du temps d’une série. Si chaque épisode est une progression dans la perte d’autonomie de la Norvège il est aussi l’occasion de voir comment, de semaine en semaine et de mois en mois, les personnages se lient par leurs choix à une certaine forme de résistance ou de collaboration. Il n’y a pas de bons ou de mauvais choix dans cette série, il y a de l’idéalisme et du pragmatisme et au milieu de tout ça les compromis que l’on accepte ou pas de faire pour empêcher que les situations empirent. Une réflexion troublante qui démontre au passage comment on peut devenir collaborateur en étant persuadé de faire le bien, ou au contraire être résistant pour les mauvaises raisons. Une série qui ne manquera pas de nous faire réfléchir même s’il faudra tout de même accepter quelques grosses ficelles et coïncidences pour les besoins de l’argumentation.
Maguelonne et Sophie disent au revoir au festival avec plus ou moins de dignité
19h15 : Serge part vaquer à ses occupations tandis que Maguelonne et moi nous précipitons sur ce qui semble être notre dernier jour de champagne gratuit. Nous en profitons et mangeons quelques crackers à quelques mètres de Zinedine Soualem (on espère qu’il n’a pas lu notre article sur Chefs). C’est aussi le moment pour nous de sociabiliser et de se donner du love entre blogueurs (non ce n’est pas sexuel).
19h45 : Direction la cérémonie de clôture. Grâce à mon statut tant convoité de juré, nous avons des places réservées au premier rang. Malheureusement nous ne sommes pas les seules et Alix Poisson prend les dernières places. Belles joueuses, nous nous séparons le temps de la séance, Maguelonne allant du côté « commun des mortels » tandis que je m’installe avec les deux autres membres du jury présents.
20h35 : Le premier prix à être annoncé est celui de la web-série, remis par les internautes. Il est décerné à Ex-model, une web-série franco-chinoise. Il y a un chien panda dans l’extrait montré, ça suffit à nous convaincre du bien-fondé de cette victoire.
20h40 : Nous sommes appelés sur scène pour décerner notre prix à Deutschland 83. Nous tenons aussi à mentionner deux séries particulièrement réussies que tout oppose, témoins de l’étendue du spectre possible dans la création de séries : Strikers et Blue Eyes.
20h45 : Le jury international remet ses prix. Sont récompensés Alix Poisson (c’est son tout premier prix) pour son rôle de mère de famille dans Disparue et Matthieu Kassovitz, espion du Bureau des Légendes. C’est La vie devant elles qui a obtenu le prix de meilleur série française (un petit big-up tout à fait mérité au Nord-Pas-de-Calais, décor de la série).
20h50 : On remet le prix du public. Vainqueurs ex-aquo : Olive Kitteridge et la très bonne et intense série d’espionnage : False Flag.
20h55 : Les trois épisodes de la série de clôture se lancent. Il s’agit de Mozart in the Jungle dont Marion vous avait déjà parlé en même temps qu’Empire. Ayant déjà vu le début, nous choisissons de nous éclipser pour filer directement au buffet et manger les makis qui nous avaient échappé à la cérémonie d’ouverture. Nous parvenons à en manger un, c’est le début d’une folle soirée. Nous en tairons les détails par respect pour nous-mêmes.
Jour 10
1h : La fête bat son plein et le Forum des images se transforme en dancefloor. Nous pouvons danser sur la chanson de Nena 99 Luftballons, devenue symbole de notre série primée Deutschland 83. Quel meilleur moyen de finir ce festival ?
2h20 : Il est temps de partir comme on peut. La quantité d’alcool dans nos veines n’a d’égale que la tristesse dans nos cœurs à l’idée qu’on ne reviendra pas demain matin et qu’il faudra attendre 2016 pour la prochaine édition de notre festival préféré. A l’année prochaine !
Disparue :) et la vie devant elles :) à voir !!!