Gros plan sur Série Series – Apartheid social à la télé : La télévision reflète-t-elle les diversités françaises dans leur ensemble ?

La deuxième table ronde du festival part d’une constatation très simple réalisée par le CSA : la diversité n’est pas représentée à la télévision française. Qu’elle soit ethnico-culturelle (seulement 17% des fictions mettent en scène des personnages non blancs qui prennent la parole) ou sociale (la fiction représente à 93% des personnages entre 20 et 64 ans et à 55% les catégories CSP+). Le débat, passionné et passionnant, réunissait des intervenants issus des chaînes, des productions, de la critique et de la création, et cherchait à évoquer ces problématiques et à en tirer quelques conclusions.

Les discriminations à l’écran

C’est là qu’elles sont évidemment les plus visibles. On constate que peu de personnages à l’écran sont interprétés par des acteurs non-blancs. Mais lorsqu’on a dit ça, une seule partie du problème est soulevée, et on perd de vue que la représentation de la diversité passe aussi par la question des stéréotypes. Il ne s’agit pas seulement d’offrir plus de visibilité à la différence mais également d’en parler mieux, de sortir des stéréotypes et d’arriver à une banalisation où l’important serait l’histoire intime des personnages. Qu’importe la couleur, n’importe quel acteur pourrait dès lors incarner n’importe quel personnage. Or, pour atteindre cet objectif, il faut aussi que les acteurs puissent refléter cette diversité. Les intervenants se sont montrés très fortement divisés sur la question, certains estimant qu’il y a un problème dans la formation et dans les écoles, problème qui se répercute par un choix restreint au niveau du casting, les autres estimant que c’est surtout le système qui, pour faire éclore les talents, se montre peu imaginatif voire sclérosé.
Au final, le problème de ce débat aura sans doute reposé sur le fait que la diversité a été peu définie et un peu réduite. Le débat s’est concentré sur les minorités « visibles » et sur la couleur de peau. Or, la question de la diversité est plus large que ça. La télévision française est-elle capable d’évoquer la multiplicité des histoires personnelles en les sortant des stéréotypes sociaux ? Rien n’est moins sûr pour le moment, même si certains efforts sont faits.

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Cherif, le plus sériephile de tous les capitaines de police

Le résultat d’un manque de diversité de l’autre côté de l’écran

Le choix des différents intervenants sur le plateau – tous blancs – montrait bien l’énorme problème de la télévision française : il n’est pas seulement question de représentation, mais aussi de savoir comment s’émanciper d’une sorte d’endogamie. Car effectivement, comme l’a rappelé une personne dans le public, le monde de la fiction est peut-être le secteur où il est le plus difficile d’entrer lorsqu’on n’a aucun contact. Les dirigeants, créateurs, diffuseurs ne reflètent en rien la richesse de la société. L’effort doit donc être mis pour sortir la télévision de son système de reproduction.
Cette question de la représentativité des auteurs en a amené une autre, d’abord posée par Lee Daniels dans un entretien avec le Hollywood Reporter, rappelée ici par Pierre Langlais : un auteur blanc peut-il écrire un personnage noir ?

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Empire, créée par Lee Daniels et Danny Strong

La réponse de Lee Daniels est non, et Philippe Triboit, réalisateur notamment pour La Commune, semble aller dans ce sens. Il explique se sentir très peu à l’aise pour écrire sur ce qu’il ne connait pas. Dans ce cas, n’y a-t-il pas un risque de segmentation, certains auteurs écrivant seulement sur certains sujets ? Ce risque est réel pour d’autres intervenants et risque de créer d’autres discriminations. Au-delà de cette opposition, peu de solutions semblent évidentes. D’autant que la France, dans son utopie Républicaine, est très frileuse dans qu’il s’agit de parler de sa diversité en raison de sa peur du communautarisme. Mot qui semble planer comme une ombre sur tout le débat. La France peut-elle, doit-elle faire des séries communautaristes ?

Lorsque l’on apprend que M6 a planché sur un programme mettant en scène une famille musulmane et qu’il n’a pas abouti en raison de différences de points de vue (ne pas traiter certains sujets pour ne pas stigmatiser VS traiter ces sujets pour ne pas en faire un programme lisse), on se dit que le débat est une vraie nécessité. Malheureusement, la tension qu’on a pu sentir lors de la table-ronde montre aussi la difficulté à parler du sujet et l’incapacité à le traiter de manière dépassionnée, sans entrer dans des considérations politiques. Autant dire que le consensus n’est pas pour tout de suite et que la France a encore beaucoup de chemin à parcourir.

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