Islande ? Norvège ? Groenland ? Perdu ! Fortitude est belle et bien britannique ! Aujourd’hui, on vous propose un plongeon vertigineux dans le froid polaire de Svalbard. Cet archipel glacé au nord de la Norvège se dresse là où l’Océan Arctique et l’Océan Atlantique se rencontrent, à 500 kilomètres du Groenland. Dépaysement total garanti.
L’histoire
Bienvenue à Fortitude, petite ville insulaire où la cohabitation de 700 habitants et 3000 ours polaires est tranquille. Chaque habitant possède une arme mais le crime n’a pas sa place quand le froid mordant et pénétrant de ce territoire impose à chacun un comportement de survie. Ainsi cette petite communauté va totalement vaciller face à l’assassinat sauvage du biologiste Charlie Stoddart, retrouvé éviscéré dans son salon. On pense d’abord à une attaque animale, mais les ours sont vite mis hors de cause : le meurtrier se trouve bien parmi les habitants…
Pour résoudre cette enquête, le shérif local Dan Anderssen sera épaulé contre son gré par le détective anglais Milton Caldwell, envoyé du continent suite à un appel mystérieux émis depuis Fortitude… S’ajoute à cela une découverte « précieuse » sous la glace, une économie à sauver face à la fermeture imminente de la mine, seule ressource financière de la ville… Vous l’aurez compris, on ne va pas s’ennuyer !
Les personnages
Les personnages de Fortitude sont très différents les uns des autres, enrichissant ainsi profondément cette série chorale. Mais il est une chose qui les rassemble unanimement : ils ont TOUS un grain ! Tantôt menaçant, tantôt menacés, ils oscillent tous entre un sang-froid inquiétant et une profonde fragilité.
Ainsi, chaque personnage sait nous rendre tôt ou tard suspicieux quant à sa culpabilité dans les événements tragiques de la ville. Étranges, mystérieux, aux comportements suspects forçant régulièrement notre antipathie : ils deviennent tour à tour des coupables idéaux. Ils pourraient même tous être des serial killers réfugiés sur cette île que cela ne nous étonnerait presque pas ! En cela réside, d’après moi, l’une des forces de Fortitude.
Anti-héros poussés à l’extrême, les protagonistes suscitent une vive antipathie, et il est dès lors difficile de s’attacher à eux, ou même de leur faire confiance. Et même si le téléspectateur peut parfois flancher et être touché par l’un d’eux, il s’en agacera ou sera déçu dans l’épisode suivant. Le public oscille lui-même d’un sentiment à l’autre. Rien n’est stable ; ni les glaciers qui fondent, ni ses habitants névrosés. Le parti pris de laisser planer le doute et le mystère sur leurs véritables identités, leurs personnalités, leurs passés, fait que nous ne connaissons au final que très peu de choses sur eux.
Mais attention ! Personnages peu attachants ne rime pas avec ennuyant ! Le processus de fidélisation est simplement basé sur autre chose que la tendresse que nous pourrions projeter sur un personnage, ou une possible identification : c’est ici le suspense qui nous prend et qui ne nous lâche plus…
Mon coup de cœur : Eugene Morton
Stanley Tucci, aux abonnés absents du petit écran depuis Urgences, mais remarqué au cinéma dans Le diable s’habille en Prada, la saga Hunger Games ou plus récemment dans Spotlight, fait donc son grand retour télévisé ! Il y interprète avec brio le personnage d’Eugene Morton, un ancien du FBI, installé à Londres et travaillant pour Scotland Yard. Envoyé à Fortitude suite à un appel dénonçant plusieurs meurtres sur l’île, il ne semble donc pas uniquement présent pour résoudre l’enquête en cours : il est aussi là pour déterrer d’anciens démons bien enfouis…
Volontairement sarcastique (sa cible préférée étant le shérif Anderssen), ce flic est un vrai pro… Expérimenté, Eugene Morton sait exactement comment obtenir des confessions. Il peut aussi bien se mettre dans la peau du « good cop » naïf que du « bad cop » sans remords et sans limite. Personnage maniéré, d’une arrogance aussi agaçante que jouissive, il joue avec les habitants et leurs nerfs. Regard rusé, petit sourire narquois qui semble crier « touché coulé ! » ; il désarçonne et se fiche d’être la bête noire de tous.
Et les autres…
Dan Andersen est peu expansif, un brin rustre et dans une dualité constante. Arborant parfois un sourire bienveillant, parfois un regard qui trahit une colère et une violence difficilement contrôlables, Dan cache avant tout une souffrance profonde et indélébile. Bien porté sur la vodka, le shérif de Fortitude est dévoré par une passion à sens unique qui impacte son professionnalisme. En matière d’enquête, Dan patauge dans la poudreuse. Jusque-là, sa mission de chef de police consistait à tenir à bonne distance les ours blancs de la ville et à sermonner des touristes imprudents. Il s’emploie presque plus à mettre des bâtons dans les « moon boots » du trop curieux Morton qu’à résoudre cette enquête. Incarné avec talent par Richard Dormer (Beric Dondarrion dans Game of Thrones), Dan n’aura pas fini de nous décontenancer.
Michael Gambon, que l’on se surprend encore à désigner comme « Dumbledore », fait également partie du casting. Mais loin du puissant sorcier qu’il a incarné durant des années, il joue ici un vieillard cancéreux en phase terminale. Photographe passionné par les ours polaires, il est fortement lunatique et ingérable puisqu’il est très souvent régi par son alcoolisme.
Sofie Gråbøl de The Killing, est ici gouverneure de Fortitude. Femme qui porte la culotte, elle est la fervente protectrice des intérêts de la ville et de ses habitants. A l’origine du projet de construction d’un hôtel forgé dans les glaciers, elle tente le tout pour le tout pour recréer une économie pérenne grâce au tourisme. Encore faut-il que son projet soit approuvé par les scientifiques de la ville…
Et c’est sans compter en effet sur l’équipe scientifique au complet, des mineurs inquiets pour leur avenir, un Russe solitaire qui erre ça et là, la famille Sutter perturbée par la maladie de leur enfant, mais pas encore par la relation extra-conjugale du père… Personne n’est à l’abri du mal qui rôde.
Mystère et boules de neige
Alors que chacun des habitants cherche à protéger ses sombres secrets des regards indiscrets, un véritable huis-clos oppressant s’installe. Des forces malveillantes seraient-elles à l’œuvre ? Quel est donc ce mal qui rôde mais qui reste invisible ? C’est la question que l’on se pose tout au long des 12 épisodes de cette première saison. Happé par différentes histoires entortillées, imbriquées les unes dans les autres, on ne sait plus où donner de la tête.
En suivant cette série chorale, nous retrouvons une multitude d’histoires, de fils rouges qui s’emmêlent sans que l’on puisse apercevoir quels éléments priment sur les autres, ce qui s’avère crucial ou relève de l’anecdotique. Le spectateur est ainsi poussé à être attentif au moindre détail et se retrouve hissé lui aussi au rang de détective. Course à l’information capitale, au scénario le plus probable sur ce meurtre étrange et à sa répercussion sur le comportement des habitants… Comme pour les enquêteurs de l’île, cette aventure sérielle n’est pas de tout repos pour nous. C’est un autre des points forts de Fortitude : nous révéler une multitude d’éléments et de détails pour mieux nous perdre dans la construction de notre propre théorie.
L’un des exemples les plus concrets de ce mystère planant : le Mammouth. Cette île composée de « permafrost » (qui désigne un sol qui ne dégèle jamais) est censée être un cimetière impénétrable. Mais avec le réchauffement climatique, ce pergélisol fond petit à petit et libère ce qui y est emprisonné depuis des milliers d’années. C’est ainsi que notre duo de mineurs tombe par hasard sur un mammouth en pleine décongélation. Face à la fermeture imminente de la mine, ils misent sur cette carcasse pour s’enrichir. Proposant cette précieuse découverte aux scientifiques de l’île, à condition que ces derniers financent cette acquisition, ils ouvrent inconsciemment une série d’événements qu’ils ne sont plus en mesure de maîtriser. Ce mammouth semble donc dès le premier épisode être au cœur de Fortitude, mais il s’avère difficile de comprendre en quoi sa découverte va impacter la petite ville.
Une série mutante qui ne finit pas de nous surprendre
A l’image du permafrost, Fortitude est une fresque gelée en train de fondre. Cette série nous dévoile, petit à petit, la finesse de ses détails et de sa construction dramaturgique. Régie par une atmosphère qui devient de plus en plus suffocante pour ses personnages comme pour ses téléspectateurs, nous pouvons l’inscrire dans la même fibre que la série policière scandinave par excellence. Fidèle au genre « Nordic Noir », hérité de la littérature, que Bron/Broen ou encore The Killing nous ont fait découvrir auparavant, Fortitude nous intrigue par son atmosphère macabre et sombre.
Mais au-delà de cet héritage de Nord, on peut retrouver une fois encore une petite communauté soudée à la Broadchurch, où tout le monde se connait. La seule différence réside peut-être dans leur environnement, ici une nature qui semble gouverner les relations sociales et exacerber les conflits entre les habitants. Pris au piège, écrasés sous le poids du froid hostile de ce territoire limité par des eaux glacées, il semble que fuir le reste du monde jusqu’à cette île ne fait finalement que les emprisonner. C’est sans doute pour cela que les relations de voisinage implosent aussi vite. Fortitude n’est pas n’importe quelle petite bourgade : la nature y est un personnage à part entière, qui attise les passions et colères de ses habitants. Véritable purgatoire dans lesquels les personnages sont bloqués, destinés à errer, leur seul échappatoire est alors l’enfer.
Fortitude, c’est aussi une série qui maîtrise l’art de l’atmosphère angoissante. Plus on avance, et plus on a peur de tout. Sans pousser à dire que Fortitude est du genre horrifique, il faut lui reconnaître des moments particulièrement stressants, flirtant même avec le gore, même si cela apparaît seulement par petites touches. L’ambiance glauque et mystérieuse pousse le spectateur à anticiper ce qui pourrait surgir à l’écran, à imaginer même parfois des événements grotesques : « je suis sûre que le mammouth va revenir à la vie et tuer toute la ville ! ». Le téléspectateur a l’impression que tout est toujours sur le point de basculer, de se tordre, si bien que l’on passe notre temps à retenir notre souffle. Et surtout : on a l’impression que tout est possible, qu’il n’y a pas de limite scénaristique, que l’on peut déraper à n’importe quel moment dans le fantastique. A l’image de Twin Peaks, Lost ou plus récemment Wayward Pines, on se demande si la tournure des événements ne nous entraîne pas du côté du paranormal.
C’est aussi ce qu’on aime chez Fortitude : cette série ne fait pas partie d’un genre unique et clos. En vérité, on ne sait jamais où l’on est, basculant du genre policier traditionnel à celui de l’épouvante, à celui du gore, à ce que l’on pourrait juger être du fantastique. Bref, on s’y perd, et on aime ça. Ne pas savoir quelle forme aura la résolution, si le mystère est ancré dans le réalisme, dans le plausible ou si la vérité est finalement ailleurs est troublant. Je vous laisse la surprise…
En attente de la saison 2
La seule petite déception dans Fortitude réside peut-être dans sa conclusion. En effet, après une dizaine d’épisodes d’un suspense haletant, durant lesquels nous avons eu le loisir de penser à tous les scénarios possibles et inimaginables pour résoudre cette enquête, on peut trouver le choix final un peu en deçà de nos espérances. Mais ce n’est pas pour autant que nous n’attendrons pas avec impatience la saison 2, qui d’après le final s’annonce forte en émotions.
Je ne connaissais pas du tout cette série !!
Mais elle me tente énormément … Tout l’univers de la ville au personnages est hyper intriguant !!!
Je suis assez fan de ce genre de serie ce qui m’inquiete un peu c’est que j ai souvent besoin de m attacher aux personnages d’une serie pour l apprecier …
Apres j ai bien reussis a adorer OZ malgré la noirceur de chacuns des personnages !!!
Merci en tout cas pour la decouverte :)
Bonjour Laura,
Si cela peut te rassurer, je suis pareil que toi à la base.
J’ai besoin de m’attacher au moins à un personnage pour vraiment pouvoir entrer dans une série. Et là c’est la première fois avec Fortitude que je suis avant tout guidée par le suspense !
Je n’ai pas eu spécialement d’attachement, mais cela reste un avis personnel. Il y a des personnages qui, aussi étranges soient-ils, ne sont pas qu’antipathiques !
Et les épisodes, malgré tout, les dévoilent peu à peu…
En tout cas cela me ferait très plaisir, si tu la regardes, que tu me donnes ton avis :)
A bientôt !