Harley and the Davidsons : un pilote difficile à apprivoiser

« Je ne reconnais plus personne en Harley Davidson »… Si même Serge Gainsbourg leur a dédié une chanson en 1967, interprétée par notre chère B.B., comment s’étonner qu’une série leur soit aujourd’hui consacrée ?

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Proposée par Discovery, cette mini-série a la particularité d’être diffusée comme « un événement » sur trois soirs d’affilée. Découpée en trois épisodes de deux heures, la chaîne diffuse donc un nouvel épisode inédit chaque soir. Conclusion ? Si ce qui va suivre vous donne envie de découvrir Harley and the Davidsons, bonne nouvelle : tous les épisodes sont à présent sortis. Reste à savoir si le pilote nous a convaincu…

Un plot attractif

Comme son titre le laisse présumer, cette série aux allures de biopic nous raconte la naissance de la célèbre marque de motos Harley Davidson.

Au début du XXème siècle, à l’aube d’un grand changement social et technologique, les meilleurs amis Bill Harley & Arthur Davidson décident de se lancer dans la construction/bidouille de leur première « motorcycle » (plus proche d’un vélo motorisé ou autre pétrolette que d’une véritable moto). L’un est un génie de la mécanique, l’autre malin dans les affaires ; à eux deux ils veulent se faire un nom dans leur petite ville de Milwaukee, Wisconsin. Très vite rejoints par Walter, le frère aîné d’Arthur, qui croit en leur projet, ils vont alors tout risquer pour lancer ensemble cette entreprise en herbe. Mais face à eux se dressent encore de nombreux challenges : une ribambelle de grands rivaux, des tragédies lors des courses ou encore la Grande Dépression…

Discovery Channel

Le point fort de cette série, c’est qu’il n’y a pas besoin d’être un grand fada de moto, de mécanique ou de construction automobile pour entrer dans cet univers. C’est avant tout l’histoire de la création d’une marque qui fait partie de celles qui symbolisent le plus la société américaine des générations à suivre : la prise de risque du « self made-man », du « everything is possible ». Bref du célèbre rêve américain.

Une époque magnifiée

Ce que l’on remarque dès les premières instants, c’est que cette série a voulu se créer une identité esthétique. Les palettes de couleurs, très axées sur des tons jaunis et marrons, ne sont pas sans rappeler nos vieilles photographies sépia ; on est dès lors plongé dans une ambiance nostalgique aux accents vintage. Les costumes des personnages – même lorsque ils ne roulent pas sur l’or – sont élégants, véritables témoins d’une époque, d’une certaine mode « made in USA ». Les décors simplistes – mais réalistes – des maisons, des rues de Milwaukee, sont réalisés sans fioritures. À la manière (moins prononcée) de Peaky Blinders, on découvre une ville modeste et poussiéreuse, une époque révolue.

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Transportés de maisons en maisons, d’une vieille boutique à la bibliothèque universitaire ; on y croit. Les meubles en bois – massifs ou de fortune -, les bouteilles de bière qu’on s’enfile à la va-vite comme des sodas, l’atelier de conception des motos de Will, entièrement tapissés de croquis, des vieilles lampes à huile créatrices d’ambiances tamisées… Un jeu de lumières incessant se met en place, qu’il se faufile dans une embrasure de porte ou au détour d’une maison familiale plongée dans une obscurité presque totale : l’ambiance est vraiment sympathique. 

Des courses captivantes

Créer sa société, cela provoque forcément des moments de compétition avec la concurrence déjà présente sur le marché : ici ce sont les autres constructeurs de motos. Et quel est le meilleur moyen de prouver qu’on a le meilleur produit ? Des courses de motos officieuses improvisées dans les plaines et autres chemins de forêts bien-sûr !

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Ces dernières sont à chaque fois plutôt prenantes. À chaque nouvelle course, Harley Davidson a quelque chose de nouveau à prouver, à gagner, pour l’avancée de sa petite affaire. Ces courses ont toutes un enjeu de taille, créant ainsi une forme d’appréhension chez le téléspectateur. En véritable arbitre, on surveille chaque coup fourré potentiel des autres bikers (moins honnêtes). Et c’est avant tout au travers de ces courses que la promesse Harley Davidson nous parvient. Cette idée d’une moto qui est bien plus qu’une simple moto : sauvage, difficilement domptable, et donc dangereuse. C’est cette facette qui l’a rendue aussi célèbre, et c’est ce que l’on ressent fortement pendant les courses. De bons moments garantis !

Des personnages trop lisses

Harley & the Davidsons a aussi récolté quelques mauvais points. Entre autre, un manque de profondeur des personnages est à déplorer. Des meilleurs amis dont la complicité n’est pas réellement représentée, des relations fraternelles peu ou pas développées… on a du mal à cerner quels types de liens unissent ces personnages principaux qui passent tout leur temps ensemble, et qui pourtant semblent « loin » les uns des autres. Rapports de force, jalousie, conflit ou au contraire attachements sincères, rien n’est clairement défini ou assumé.

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Au-delà de leurs relations, les personnages en tant que tels ne sont pas creusés non plus. Pas de traits de caractère qui ressortent vraiment ; il est presque impossible de définir leur psychologie, et donc de s’attacher ou de s’identifier à eux. Ils sont omniprésents à l’écran, mais on ne les atteint pas vraiment. Lisses, fades, ils ne nous font rien ressentir, empêchant d’une certaine manière d’être totalement embarqués avec eux dans leurs aventures. Le spectateur reste spectateur.

Des dialogues creux dans des scènes ennuyeuses

Peut-être est-il difficile de faire briller des personnages dont les scènes n’ont pas de véritable intérêt ? Harley & the Davidsons n’a de cesse d’osciller entre scènes cruciales et scènes creuses, si bien que ces dernières nous sautent aux yeux. Flanquées de dialogues laissant à désirer, on ne sait pas quoi retirer de ces échanges vides d’enjeux (quand ils ne sont pas en plus totalement clichés). Face à cette pauvreté du dialogue, on se demande très vite dans quoi on s’embarque, et s’il s’agit vraiment d’une série historique de qualité.

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En parallèle de l’intrigue principal, Harley & the Davidsons a essayé de créer des enjeux secondaires, à la fois familiaux et amoureux. Là encore : déception. Les moments en famille sont si rares qu’ils semblent inutiles d’y assister. Si peu développés, ils ne possèdent aucun intérêt quand on ne sait rien sur eux. Pas de tension ou moments de complicité au rendez-vous. Du côté des amours, c’est pareil, on s’en fiche royalement. La figure de leur désir ne croisent que succinctement leur chemin, sans beaucoup d’interaction de surcroit. Ainsi, à part le développement de leur entreprise, on ne peut pas dire que les personnages ou leurs relations apportent quoi que ce soit à cette série.

Un rythme et des ellipses qui nous perdent et éclipsent le sens de la série

Enfin, Harley & the Davidsons a un sérieux problème de rythme, au point de troubler notre compréhension. Dès les premières minutes du pilote, on assiste à des séquences très différentes qui se succèdent, sans aucun lien entre elles, et empêchant donc de définir un point de départ clair pour le téléspectateur. On ne sait pas vraiment qui est qui, qui fait quoi, on cueille des personnages inconnus sans trop savoir comment on a atterri là, sans une réelle introduction. Tel un cheveu sur la soupe, on arrive dans une histoire qui ne semblait pas prête pour notre arrivée.

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Enfin, le plus gros écueil de Harley & the Davidsons, c’est qu’elle ne prend pas du tout son temps. C’est pourtant absolument nécessaire si l’on veut que les téléspectateurs apprennent à connaître les héros, leurs personnalités, leurs buts, leurs espoirs, et d’avancer avec eux dans leurs aventures. À croire que les créateurs étaient extrêmement pressés, si bien que l’envie même de s’attacher un jour aux personnages nous quitte. A l’image de son héroïne principale, la série est une moto endiablée qui fonce et nous perd en route.

Si le but de cette oeuvre est de nous montrer à quel point il a été long et complexe de monter cette entreprise, le rythme effréné et les ellipses trop régulières du pilote créent finalement une impression contraire, au point que ç’en devient contre-productif. A force d’écrémer les étapes de l’évolution des personnages et de leur société, on perd toute tension narrative : tout semble lisse et facile. Le moindre mini enjeu est instantanément tué dans l’œuf avec une résolution immédiate dans la scène qui suit. Finiront-ils par ralentir et revenir un peu plus à la normale par la suite ? C’est tout ce qu’on leur souhaite, car à ce rythme, Harley & the Davidsons gagnera certes la course, mais perdra tous ses téléspectateurs.

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