La série est devenu un tel monstre de popularité que l’on voit se multiplier des appels à l’aide de la part de ceux qui n’y ont pas (encore) succombé, sous forme de publications désespérées, pour crier « suis-je le seul à ne pas regarder cette série ? ». On imagine volontiers cette infime partie de la population mondiale, désœuvrée, comme les victimes d’Arya ou de Cersei : de moins en moins nombreuses à mesure que la vengeance de la jeune Stark s’accélère et que grandit le pouvoir de la Reine.
« On doit être 7 sur terre à pas avoir vu un épisode de Game of Thro… »
— かねき (@V0TESATAN) 17 juillet 2017
Bref ! Nous serons bientôt entre nous, fans de GoT de la première ou de la dernière heure, et nous n’aurons plus à subir les foudres jalouses des néophytes qui pestent contre notre mania. Mais… est-ce vraiment pour le meilleur ?
Introductions à rallonge
Nous y sommes habitués : une saison de Game of Thrones commence toujours lentement, avec un épisode récapitulatif un brin longuet, et une difficulté chronique à entrer d’emblée dans l’action. On opposera à notre impatience qu’il faut bien rafraîchir la mémoire du spectateur après un an d’absence et avec une telle abondance de personnages. Toujours est-il qu’on a davantage l’impression de regarder un trailer d’une heure qu’un véritable épisode… Et à l’approche de la fin de la série, on aimerait profiter de chaque minute et entrer dans le vif du sujet, à savoir cette guerre totale, finale, promesse narrative sans cesse repoussée. Et pourtant ! Pourtant l’hiver est là. Pourtant Arya se venge. Pourtant Daenerys a enfin posé le pied à Westeros. D’où vient ce sentiment que les pièces ne bougent pas ?
La subtilité s’amoindrit
C’est peut-être que la complexité de la série s’amoindrit. A l’approche du dénouement, les enjeux se concentrent, se resserrent, se précisent. Le casting, décimé après 6 saisons franchement cruelles, converge vers les mêmes lieux, les deux seuls qui comptent finalement : King’s Landing au Sud, où règnent les Lannister, Winterfell au Nord, où se regroupent les Stark. À ses débuts, Game of Thrones nous plongeait dans un entrelacs confus d’alliances, de guerres, de complots, de trahisons, au sein d’un univers complexe et toujours grandissant, égrenant les noms de familles, de vassaux, de bannerets, sans se soucier de notre capacité à suivre (et c’était tant mieux). Mais, gagnant en popularité et engrangeant toujours plus de fidèles, la série a voulu semble-t-il s’assurer que tout le monde s’y retrouverait. De la même manière que les titres de Daenerys se multiplient et s’empilent les uns à la suite des autres – allongeant considérablement les scènes de présentations – le bouillonnement d’intérêts singuliers et contraires qui faisait tout le sel de Game of Thrones se rétrécit pour aboutir, petit à petit, à la seule ligne de front qui compte réellement : celle qui opposera les vivants et les morts. Cersei elle-même, la reine malfaisante qui fait perdurer le jeu politique autour du trône de fer (faux enjeu central de la série ?), ne doit-elle pas sa puissance actuelle à ce mort-vivant colossal qui l’accompagne partout ? Déjà, on sait que sa guerre personnelle ne mènera nulle part, et que les conflits qui agiteront la capitale ne sont rien face à ce qui se prépare autour du Mur.
Vers la fantasy
Intrigante rompue aux manœuvres politiques au début, cet incroyable personnage incarné par Lena Headey s’est finalement mué en une figure de conte, reine maléfique n’ayant plus rien à perdre depuis que toute sa progéniture a péri. Reine qui n’est pas sans évoquer la méchante marâtre de Blanche-Neige, ou la terrible sorcière de la Belle au bois dormant. Peu à peu, l’inspiration tirée de la Guerre des Deux-Roses (fragment de l’histoire anglaise dont George R. R. Martin a puisé la substance pour établir son récit) s’estompe et laisse place au seul registre épique, voire même mythologique. L’heure n’est plus aux intrigues ou aux conspirations mais aux affrontements d’armadas, milliers de vaisseaux contre dragons géants, armée des morts et de géants menée par un sorcier de glace contre armée des vivants menée par un jeune héros ressuscité. Le personnage du Limier, agnostique convaincu, commence lui aussi à percevoir des visions dans les flammes d’une cheminée, prérogative des seuls illuminés qui laissait jusqu’ici le spectateur interpréter comme bon lui semblait le rapport des personnages à la foi, aux destinées et aux prophéties. C’est le signe que la magie et le destin, thèmes majeurs de l’heroic fantasy, laissés jusqu’ici de côté ou carrément malmenés par l’auteur de la saga (voir le sort réservé à Stannis, élu supposé du Dieu Rouge de la magicienne Mélisandre, qui finit sa trajectoire par une exécution sommaire dans un bois après avoir perdu sa fille, sa femme et son armée), commencent à prendre le pas sur les enjeux politiques et humains. Et le récit de prendre la tournure d’une quête : trouver, à l’aide d’un vieux livre, à l’aide d’une vieille carte, le fameux « Dragonglass » qui permet de vaincre les méchants zombies…
Comme dans le Seigneur des Anneaux, le sort du monde ne se jouera pas sur les champs de bataille, mais dans la capacité des personnages auxiliaires à comprendre la faille dans le mécanisme et d’enrayer le mal. Chez Tolkien, Sam permettait à Frodo de jeter l’anneau de Sauron dans le feu. Ici, on verra un autre Sam trouver la clé pour défaire le Roi de la Nuit. GoT se rapproche donc furieusement du livre dont il s’était d’abord détaché par son rejet du manichéisme, et cherche à se hisser au même rang. La saga n’avait-elle pas déjà sa place parmi les grandes œuvres de fantasy ?
J’aime aussi beaucoup cette saga, mais les incohérences et deus ex machina qui s’enchaînent commencent à me lasser. L’auteur joue trop avec ses personnages et semble perdre parfois le fil de l’histoire. J’ai en mémoire ce fameux couteau qu’utilise Sam Tarly pour tuer un marcheur blanc et qui sombre dans l’oubli…Ce n’est pas logique. Ce serait comme jeter Excalibur dans l’herbe après un combat.
Espérons une suite juste et un dénouement crédible!