Cette semaine, trois plumes de la rédaction se sont posées dans un canapé pour regarder le pilote de Kidding, alléchées qu’elles étaient par une mise en scène signée Michel Gondry et un casting à sa mesure (Jim Carrey, Catherine Keener, Judy Greer, Frank Langella…). Cette histoire de présentateur star de programmes pour enfant, modèle d’optimisme et de bonté essayant de se dépêtrer d’une situation familiale complexe les a-t-elles convaincues ? Regarderont-elles la suite du show ?
Sophie : NON. Dire que je suis déçue par ce pilote est un euphémisme tant le pitch de la série repose sur une multitude de poncifs. Le personnage décalé de Jeff Pickles ? On ne compte plus le nombre de « gentils naïfs inadaptés mis en difficulté par la vie » au cinéma, d’Edward aux mains d’argent à Forrest Gump en passant par une bonne partie de la filmographie de Robin Williams. Se servir d’une émission pour enfant et de marionnettes pour aider le héros à extérioriser des sentiments qu’il ne peut assumer ? L’idée a été assez usée sur nos écrans : Le complexe du castor, ou encore Wilfred dans une version plus tordue, sont là pour nous le rappeler. Alors certes, la mise en scène de Gondry est intéressante et enrichit le propos. Il fait le parallèle entre le programme télé enfantin et la douce vie des suburbs en les parant des mêmes couleurs acidulées. Puis, il fait naître le doute sur l’idyllisme de cet univers par quelques plans qui détonnent avec les autres et font clairement référence au cinéma d’horreur (on reconnaîtra un joli hommage à Massacre à la tronçonneuse), suggérant l’intrusion de la folie et la violence. Mais j’attendais plus d’originalité et d’audace de la part d’un réalisateur qui parvient d’habitude si bien à rendre visuel le monde intérieur de ses protagonistes. Il est ici beaucoup trop sage pour s’affranchir de grands modèles ayant déjà raconté le trouble des banlieues tranquilles, comme American Beauty ou Desperate Housewives, et la folie furieuse faisant brutalement craquer le vernis de la normalité, comme American Psycho ou Shining. Une fois qu’on a digéré toutes ces références, il ne reste pas grand chose. On rit peu et les problèmes sociaux et psychologiques des personnages les rendent plus irritants qu’attachants. Je préfère personnellement fuir cette famille et la laisser régler ses problèmes toute seule.

Ce montage entre les séries Wilfred et Kidding vous est offert par la rédaction.
Maguelonne : NON NON NON. Je suis encore plus pessimiste que Sophie ; j’aimerais croire à un virage vers l’inquiétant pour la suite de la saison, ce qui serait bien plus intéressant, mais même ainsi il faudrait un sacré changement de cap pour compenser les thèmes et le ton sérieusement réactionnaires de ce premier épisode. A-t-on vraiment envie de s’apitoyer sur le sort d’une énième famille américaine modèle, qui se déchire dans le confort de sa banlieue aisée autour des traditionnels non-dits et secrets ? A-t-on encore besoin de suivre, après 7 saisons de Mad Men, 6 des Sopranos et 5 de Breaking Bad, le parcours tortueux d’un homme d’âge mûr qui peine à faire face à ses démons, à s’épanouir ou même tout simplement à… communiquer avec son entourage ? Et qui préfère, à toute entreprise constructive, casser des robinets et des boîtes aux lettres et bouillir de rage parce que son EX FEMME l’a REMPLACE par un AUTRE HOMME ? Tout ça parce qu’il a l’intelligence émotionnelle (et la dégaine) d’un vieux tapis de douche ? Peut-on vraiment s’attacher, en 2018, à DEUX personnages d’enfants trop intelligents, trop mûrs et trop edgy pour leur âge dans une même série, surtout quand l’un d’eux est le sosie de Mélanie Laurent ? Et peut-on accepter, en 2018, DEUX blagues (dont un running gag) homophobes en une demi-heure d’épisode ?! En ce qui me concerne, j’attendais le portrait nuancé d’un ersatz de Jim Henson, génial créateur des Muppets et de Dark Crystal, qui creuserait la question de la célébrité et du processus créatif à destination des enfants. Mais dans son pilote, Kidding préfère la survoler en cinq minutes pour… ne rien dire d’intéressant de sujets bien plus convenus – la famille, le deuil, le couple. Malgré les quelques efforts de mise en scène déployés par Gondry, pour moi, c’est non.

Notez les talents des rédacteurs dans la maîtrise de paint.
Margot : PEUT-ÊTRE. J’ai passé tout le premier épisode à grincer des dents face à la coupe de cheveux de Jim Carrey. Dès l’affiche, j’étais révulsée par cette tête au carré. La fin du pilote est annonciatrice d’espoir (SPOIL) : Mr Pickles a actionné un premier mouvement de rasoir qui pourrait le conduire vers la rédemption capillaire. C’est la raison pour laquelle je laisserai peut-être une chance à la série.