Nombreux sont ceux qui disent préférer les drames, ou ceux qui recherchent des séries à l’eau de rose. Il y a également les amateurs de cliffhangers, ainsi que les vieux routiers de la série policière, ceux qui privilégient le format sitcom rapidement consommé, et ceux qui professent leur foi absolue pour les séries de science-fiction. Mais combien sont-ils les esprits dérangés, qui allant au bout du masochisme, assument parfaitement leur envie de séries bizarres ? Comprenez “bizarre” autant dans la forme que dans le contenu. Ces séries vous laissent dans un premier temps perplexe, puis vous intriguent et enfin vous fascinent, avant de changer complètement votre vision d’une partie du monde. Attention s’il y a beaucoup de séries qui peuvent prétendre être dérangeantes (Game of Thrones), des séries bis qui par faute de moyens/goût/talent deviennent alternatives malgré elles (Once Upon a Time), ou juste des oeuvres farfelues (Doctor Who), quelles sont celles qui cumulent tous ces critères ? Top 5 des séries chelou qui ont marqué ma sériephilie et qui ont ébranlé mon inconscient plus que de raison.
5. La série faussement dérangeante : American Horror Story
Commençons ce top par la série la plus directement malsaine qui puisse me venir à l’esprit, j’ai nommé American Horror Story. Longtemps j’ai résisté à l’appel annoncé du gore et de l’horreur au format télévisuel, puis un jour sur un coup de tête, j’ai cédé. Loin de l’idée que je m’étais faite d’une série à hémoglobine assez creuse et pauvrement réalisée, American Horror Story s’est révélée être une expérience complète, addictive et profondément malsaine mais également très subtile. Son côté résolument girl power a dès les premiers épisodes achevé de me convaincre de l’utilité de regarder une telle série. Chaque saison voit les mêmes acteurs reprendre des rôles différents dans une nouvelle histoire. La saison 1 revisitait avec prudence mais efficacité le classique de la maison hantée. La saison 2, quant à elle, se déroule au coeur d’un asile dans les années 1960, entre invasion des petits hommes verts, meurtres en séries et retour du nazisme. Elle nous offre un voyage sans retour dans la bizarrerie et l’insoutenable. La saison 3 paraît malheureusement bien conventionnelle avec ses sorcières tout droit sorties d’un blog de mode. Malgré les superbes présences de Jessica Lange et Angela Bassett, cette dernière saison d’American Horror Story reste beaucoup trop en surface pour déranger quoi que ce soit dans mon esprit désormais malade. La saison 4 repoussera-t-elle les limites de la série de “genre” ?
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Bizarrement ce ne sont pas les séries d’anthologies horrifiques qui manquent : au programme, il y a Supernatural (1977) pour l’Angleterre, Masters of Horror (2005) ou encore Fear Itself (2008) pour les États-Unis. Mais celle qui reprend à merveille le cadré sacré de la famille pour développer les terreurs de l’Amérique est sans conteste American Gothic (1993-1995). Preuve que c’est une valeur sûre : Sarah Paulson y jouait déjà.
Bonus : cette chanson, c’est quand même l’angoisse
4. La petite anglaise qui donne des sueurs froides : The Fades
Enchaînons par une mini-série anglaise. En effet, bien que proches du Continent, les Anglais refusent obstinément depuis quelques siècles déjà, les lumières du raisonnement cartésien de leurs voisins français. Toute cette excentricité est parfois mignonne, mais ça donne aussi des productions télévisuelles complètement folles et parfois bien étranges. The Fades se rattache à cette dernière catégorie. Cette mini-série nous plonge au cœur d’une lutte sans merci entre Anges et Fantômes dans un monde qui a tout l’air d’être sur sa fin. The Fades réinvente la mythologie des univers fantastiques et ses fantômes deviennent tour à tour zombies, vampires et immortels. Les Anges quant à eux n’ont rien d’asexué, ni d’êtres particulièrement exempts de reproche, ils lorgnent même du côté de l’ange déchu si vous voulez mon avis et le destin implacable de ces derniers vous plongera dans un pessimisme sans fin. The Fades est ainsi une série sombre et quelque peu oppressante mais qui nous permet quand même de trouver du plaisir dans l’exposition gratuite de Tom Ellis torse nu. On y trouve également Daniel Kaluyya, Natalie Dormer (Margaery Tyrell), Joe Dempsie (Gendry), et le flippant Ian Hanmore (Pyat Pree, le sorcier à la langue bleue de Game of Thrones).
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Là encore les séries dépeignant des sociétés secrètes organisées contre les Forces du Mal au coeur de notre société font pléthore. On pense à la guignolesque Supernatural (The CW) mais pour le côté dérangeant et insoutenable de certaines scènes, je préfère rester en terre anglaise et vous proposer au choix : Ultraviolet ou Being Human. La première décrit une lutte secrète entre vampires et humains, la seconde le quotidien presque humain d’un vampire, d’un loup-garou et d’un fantôme au milieu des mortels. L’ambiance est plus conspirationniste pour la première, et la seconde reste plus accessible mais il n’y a pas de doute : le malaise, les Anglais connaissent.
3. Le classique psychédélique : Chapeau melon et bottes de cuir (1961-1969)
Distorsion des souvenirs ou réalité prouvée, petite, je comprenais parfaitement Chapeau melon et bottes de cuir, adulte, elle me donne des migraines. Ainsi, il y a fort fort longtemps, rivée devant l’écran à chaque apparition d’Emma Peele et de John Steed et fascinée par leur swag précoce, je ne bronchais jamais devant les aventures glamour d’agents secrets qui devenaient saison après saison de plus en plus psychédéliques. Peut-être que mon amour pour les intrigues qui ne s’expliquent pas et pour une logique qui défie l’entendement vient de là. Toujours est-il que Chapeau melon et bottes de cuir a fortement façonné mes goûts sériephiles futurs avec son lot de mystère, de fantastique, d’enquêtes et de conspirations dans une ambiance quasi toujours feutrée et contrôlée qui fait honneur au tempérament flegmatique des Anglais.
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The Avengers (son nom original) apparaît au même moment que d’autres classiques de l’histoire des séries énigmatiques et dérangeantes : The Prisoner ou The Twilight Zone devraient assouvir le besoin de bizarre de quelques sériephiles en soif de classiques. Par ailleurs, les aventures d’Emma Peele et John Steed ont très certainement eu beaucoup de succès auprès des fans de Doctor Who et c’est assez généreusement qu’Io9, vous propose une liste de séries anglaises complètement dérangées en attendant la saison 8.
2. La série qui ébranle les croyances : Carnivàle
Carnivàle, c’est du grand classique d’HBO. Décors et costumes grandioses, concept archi travaillé et acteurs de prestige sont parfaitement orchestrés au sein de cette série ambitieuse qui n’a pas peur d’aborder les thèmes de grande envergure. Replaçant la lutte personnifiée entre le Bien et le Mal au coeur de la crise de 1929 en Californie et à travers la campagne américaine, Carnivàle fait appel à notre mémoire collective de la période avec brio. Ajoutez à cela l’intrigue divisée de manière ténue entre un prêtre illuminé et l’action principale se déroulant dans un camp de forains avec son lot de femmes à barbe, de mediums, d’hommes lézard et de siamoises. L’angoisse est l’ADN de Carnivàle qui repousse les barrières de la norme comme jamais : histoires d’inceste, rêves oppressants, pouvoirs surnaturels et réalisation illuminée, plongent le spectateur dans une fascination étrange. Effrayant et addictif mais également bref et intense, la série est annulée au bout de la saison 2 (trop ambitieuse ?).
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Il n’y a pas d’équivalent à Carnivàle, en revanche je peux vous proposer une petite relecture sereine des Raisins de la Colère ainsi qu’un visionnage un peu plus malsain de Freaks et de Twin Peaks. Il paraît aussi que dans le registre métaphysique, la mini-série The Bible plonge, malgré elle, dans l’embarras tout être né en dehors des limites étasuniennes. A tenter après une soirée bien arrosée lors des fêtes de fin d’année.
1. La palme de l’hallucination : Wild Palms (1993)
Parce que citer Twin Peaks est devenu trop mainstream (voire même hipster, ce qui est encore plus commun avouons-le), j’avais très envie de regarder Wild Palms une mini-série produite par Oliver Stone et signée Bruce Wagner qui rassemble un casting au pedigree irréprochable : Dana Delany, Kim Katrall, Brad Dourif…. Wild Palms, c’est un croisement surréaliste entre l’oeuvre d’anticipation futuriste, le soap américain, et un mauvais rêve qui a duré bien trop longtemps. C’est un peu comme si Pedro Almodovár tout droit sorti de la Movida avait fait un bébé avec David Cronenberg de l’époque Videodrome et avait demandé à David Lynch d’être la mère porteuse. On n’y comprend rien mais on reste scotché de bout en bout devant ce récit conspirationniste d’un avocat pris dans les filets d’une multinationale prônant une réalité alternative afin de prendre contrôle de la société. Critique de notre attachement malsain au divertissement télévisuel, Wild Palms s’engouffre dans l’héritage laissé par Aldous Huxley et consorts habillant son propos du clinquant consumériste de la Californie des années 90. Il paraîtrait que même l’acteur principal, James Belushi, avait renoncé à comprendre quoi que ce soit à l’intrigue et venait tous les jours sur le tournage en récitant mécaniquement son texte. En plus il y a des rhinocéros et le type des cassettes vidéo de la Dharma Initiative (Lost).
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Twin Peaks, le classique du bizarre mélangeant trop d’influences pour vous laisser sain d’esprit, est une série qui a su allier glamour et étrange mieux que personne. Normal, c’est David Lynch. C’est sans conteste la grande soeur de Wild Palms, et elle s’adresse aux cinéphiles raffinés et aux passionnés de la psychanalyse des rêves. Pour allier, bizarrerie et cocotiers, Lost, une série dont j’aurais pu longuement parler, remet au goût du jour le concept d’animaux sauvages apparaissant à des endroits inopinés ainsi que les conspirations hallucinogènes en milieu tropical. Pour ceux qui manquent terriblement de vacances et aiment la frustration du cliffhanger non résolu.
Je suis sûre que chaque sériephile a sa propre liste du “malaise” avec au moins une série bizarre à partager et c’est avec regret que j’en laisse quelques unes hors de ce top faute de visionnage récent : Riget et Hellfjord notamment. Car le bizarre n’est pas l’apanage des Américains et des Anglais, les Scandinaves ont en effet beaucoup à nous enseigner à propos des méfaits des substances psychotropes sur l’imagination des scénaristes télé.
Exactement la même chose pour moi en ce qui concerne chapeau melon et bottes de cuir ! Je gardais le souvenir d’une série d’espionnage cool mais lambda, du coup j’ai halluciné en tombant sur un épisode où un labo suisse tuait des gens pour les remplacer par des clones.
Ah et l’acteur principal de the fades joue dans agents of SHIELD :)
Hehe quand je me rends compte tout ce qu’on regardait tout de même, l’esprit d’un enfant est beaucoup plus ouvert que celui d’un adulte. C’est hallucinant.
Oulala, je vais peut-être regarder un épisode d’Agents of SHIELD alors ;)
C’toi qu’est mainstream. C’toi qu’est hipster.
J’étais hipster avant les hipsters.