
Amateurs & amatrices de séries, la Norvège a encore frappé !
Alors que la Scandinavie n’a plus besoin de forger sa réputation quant à la qualité de ses séries, la froideur nordique s’est en effet installée sur Canal + avec Acquitted. Si vous n’avez pas encore vu celle-ci, cet article est bien déterminé à vous mettre l’eau à la bouche…
1. L’histoire en quelques mots
Le pitch de Frikjent, son titre original, est plutôt simple :
Aksel Borgen n’a que 18 ans lorsqu’il est accusé du meurtre de sa petite amie. D’abord condamné, il est finalement acquitté et lavé de tout soupçon par la justice. Mais le petit village de Lijford persévère à le voir coupable et à le traiter comme tel, le poussant à fuir les siens. Vingt ans plus tard, marié et père de famille, Aksel est installé en Asie où il a fait fortune, et réussi à tirer un trait sur son ancienne vie. Mais c’est sans compter sur le destin poussant la société SolarTech, activité clé de Lifjord, à apparaitre comme une véritable opportunité financière pour les associés d’Aksel. Ce dernier est alors contraint de retourner dans son village natal pour conclure cette affaire, qu’il espère réaliser rapidement et sans encombre. Ce qu’il ignore, c’est que SolarTech est désormais présidée par Eva, la mère de sa petite amie disparue…
Cette histoire, somme toute assez classique, n’est pas sans évoquer d’autres séries contemporaines ayant de fortes similitudes.
On pense en effet tout de suite à Rectify, série américaine apparue en 2013, où le personnage principal est confronté aux mêmes événements tragiques et difficiles. En effet, Daniel Holden est également condamné à l’âge de 18 ans pour le meurtre de sa petite amie. Lui aussi sera finalement disculpé, mais après des années passées en prison. A sa libération, il devra alors faire face, presque 20 ans après, à l’hostilité encore puissante des siens et de sa ville natale, où presque tout le monde le croit coupable.
Même personnage principal ambigu, haï de tous, torturé par son passé, qu’il est difficile pour le téléspectateur de porter dans son cœur… Le mystère qui l’entoure reste très dense. Doit-on faire confiance à la justice ou au jugement populaire ?
2. Lieu de l’intrigue : le poids du « petit village »
Ces histoires ne seraient rien sans leur décor de petit village étroit, exigu, où tout le monde se connait et se côtoie. A l’image de Lifjord, Broadchurch, série britannique datant de 2013, offre également à l’écran une communauté peuplant une petite ville, ici sur la côte du comté de Dorset. C’est aussi le meurtre d’une jeune personne qui va remuer tout le village, au point de monter les habitants les uns contre les autres.
Ces cadres socio-géographiques aux identités fortes participent à la narration et à sa complexité, devenant presque un personnage à part entière. Broadchurch, à l’image d’Acquitted, dépeint un village où ses habitants sont tous fortement soudés, où tout le monde connait et apprécie son voisin, si bien que lorsqu’un drame éclate, tout le monde en vient à suspecter tout le monde à se tirer dans les pattes, semant ainsi le doute et la zizanie dans l’esprit du téléspectateur.
C’est ce que défend et affirme Brede Hovland, le producteur d’Acquitted : tout dans cette série est mis en œuvre pour « brouiller les pistes », pour « qu’aucun personnage ne soit tout à faire sûr de son innocence ». Et lui-même admet que cela est porté par la « petite ville monstrueuse », « cette bête aux multiples têtes », « cette communauté pleine de mystères, taiseuse, capable d’être dangereuse ». Cela vous promet donc, malgré une intrigue assez traditionnelle, déjà visitée et revisitée, d’être soumis à un suspense haletant, et ce jusqu’à la dernière minute du dernier épisode ! De quoi ravir les amateurs de scénarios labyrinthiques, jouant avec nos méninges.
3. Un parti pris esthétique fort
- La photographie scandinave
Enfin, au-delà de sa qualité narrative, Acquitted a su prouver encore une fois la force esthétique que détiennent les séries nordiques, n’ayant pas à pâlir devant toutes les séries léchées venant des Etats-Unis. Les séries scandinaves ont une image, une atmosphère particulière, presque identifiable, qui font tout leur charme : froideur de la lumière et des couleurs, personnages lissés…
Äkta Människor, série suédoise plus connue sous le nom de Real Humans, possède cette même esthétique, qui semble d’ailleurs être la plus à même de sublimer les fameux Hubots et leur donner vie.
D’ailleurs, petit coup de cœur personnel, si vous aimez cette photographie si particulière, et que vous êtes en plus amateur d’humour noir, le film norvégien Refroidis (Kraftidioten de son nom originel) devrait fortement vous plaire ! Véritable thriller du genre Nordic Noir, Refroidis détonne par son humour grinçant, et ses personnages parfois surprenants, parfois ridicules. N’hésitez plus, regardez-le !
- Des paysages à couper le souffle
Le charme norvégien provient pour beaucoup aussi de ses paysages naturels. Regarder Acquitted, c’est être au cœur d’un fjord, décor récurrent tout au long de la série, qui participe au voyage et au dépaysement tant apprécié par le téléspectateur. A l’image de Lilyhammer (prenant place à Lillehammer, petite ville surplombant un fjord), cette série Canal + nous offre un personnage encerclé par la nature, loin de tout, presque prisonnier de cette eau faussement paisible et de ces montagnes imposantes.
Il n’est alors pas difficile de faire un pont jusqu’à la mini-série Top of the Lake. Créée en 2013, cette dernière a su mettre en scène de manière ultra esthétisée la disparition d’une jeune fille et l’enquête qui l’entoure. Loin de la Norvège, puisque tournée en Nouvelle Zélande, Top of the Lake offre néanmoins cette même dimension d’une nature omniprésente, encerclant ses personnages. Tantôt accueillante et douce, tantôt menaçante, elle participe à l’intrigue et à l’enchantement.
- Un générique stylisé
Impossible de clore ce chapitre esthétique dans Acquitted sans évoquer son générique. Fortement travaillé, mêlant nature et personnages, il est impossible ne pas penser à True Detective, apparue en 2014. Cette série HBO a tout de suite su faire parler d’elle pour son « opening » si époustouflant par sa beauté, sa poésie et paradoxalement sa noirceur.
On y retrouve ce contraste entre beauté et souffrance, entre visages de la Nature et visages humains. True Detective, on peut le dire, s’est imposée sans difficulté dans la course au plus beau générique. Mais Acquitted n’est pas la seule série à s’en être inspirée. Acquitted n’est pas la seule série à suivre ce véritable phénomène de mode, et The Leftovers peut aussi être citée. Série HBO sortie en 2014, celle-ci a choisi de changer de générique du tout au tout pour sa saison 2. Là encore se mêlent deux types d’images ; les personnages présents et les disparus, traduits par des silhouettes humaines détourées, remplies par des ciels étoilés et autres nébuleuses, traduisant la dimension mystérieuse et cosmique de la série.
4. Le petit détail qui fait toute la différence
Ce qui fait la force de cette série norvégienne, c’est aussi son angle. Basée sur une histoire de meurtre irrésolu, il aurait été facile de tomber dans une réouverture d’enquête, avec omniprésence de la police à la manière de Broadchurch, menée par l’investigation des enquêteurs attitrés devenant les personnages principaux. On aurait également pu tomber dans la redondance de scènes d’interrogatoires ou de flashbacks sur l’événement passé vingt ans auparavant à la manière de Cold Case : affaires classées. Mais rien n’y fait, Acquitted se démarque car ce qui compte ici, au-delà d’une possible résolution du mystère autour de cette mort, n’est autre que cette communauté encore endeuillée, enlisée dans la disparition. Ce drame passe plutôt par la répercussion de cet assassinat sur la vie de tous les jours de nos personnages, nous montre à quel point ces derniers en sont encore hantés, blessés et affectés. C’est ce qui fait l’originalité et la puissance de cette série, qui prend son temps et nous happe.