Les deux derniers épisodes de la saison 1 ont été diffusés lundi sur Canal+. Pour ceux qui seraient passés à côté de cette production internationale diffusée par HBO, Sky et Canal, voici 5 bonnes raisons de vous rattraper.
1 – Un casting cosmopolite
L’intérêt des séries produites par plusieurs pays, c’est qu’on peut réunir le fleuron des acteurs issus de chacun d’eux. The Young Pope ne déroge pas à la règle, puisque le monde cosmopolite du Vatican se prête bien à la diversification des nationalités. Côté français on retrouve Ludivine Sagnier en muse et catholique fervente, ainsi que Cécile de France en communicante reine du marketing. L’Amérique a pour représentants Diane Keaton, qui interprète Soeur Mary, la douce et fidèle (à sa façon) amie du pape, et James Cromwell (l’homme à la carrière déroutante) en mentor trahi. L’inénarrable Silvio Orlando, qu’on a vu chez Nanni Moretti, est le plus brillant représentant du quota d’acteurs italiens. Il a d’ailleurs le second rôle le plus important, jouant le puissant secrétaire d’Etat du Vatican.
Même l’Espagne est représentée puisque Javier Camarà, qu’on connait surtout en France via l’oeuvre d’Almodovar, est un acteur espagnol populaire, interprétant le cardinal Gutierrez. Et enfin, j’ai gardé le meilleur pour la fin, notre britannique Jude Law, étoile du show, qui tient la série sur ses épaules (à tel point qu’il se dit encore aujourd’hui marqué par le rôle). Avec autant d’acteurs talentueux venus de tous les horizons, on croit à ce microcosme religieux qui tente à sa manière de recréer (ou de représenter) une humanité.
2 – Paolo Sorrentino
Un énième réalisateur venu du cinéma qui va proposer un « long film » ? Il y a un peu de ça. Mais l’auteur italien a néanmoins su construire une série originale en amenant sa touche, tout en respectant les particularités liées à l’écriture narrative d’une production télé. Pour son passage sur le petit écran, Sorrentino, tout en gardant un goût pour l’image, a atténué son style baroque au profit d’un travail sur la narration, d’habitude plus secondaire dans ses œuvres de cinéma. On retrouve donc des cliffanghers, des récits bouclés (sur un ou deux épisodes), des digressions laissant la place à des personnages plus secondaires… Pour autant le créateur ne disparaît pas derrière son histoire, et sa manière de déconstruire le récit classique et d’échapper aux codes donne un certain mystère à l’ensemble. Cette façon de passer d’un sujet à l’autre, d’un lieu à l’autre, d’un personnage à l’autre, parfois pour des raisons narratives, mais aussi parfois selon une logique poétique ou artistique (un fonctionnement en écho ou en motif, ingrédient du style Sorrentino) peut parfois dérouter ou déclencher curiosité et jouissance de se laisser embarquer sur les chemins inconnus d’une histoire qu’on ne maîtrise pas. Parce que si Sorrentino aime débuller ses plans (c’est à dire faire une image décentrée, avec une caméra qui n’est pas à l’horizontale), il aime aussi le faire pour son récit.
3 – Une analyse de notre époque
Sorrentino apporte également au show une thématique qui lui est chère, celle de l’être et du paraître, qu’il a beaucoup travaillée dans ces films. Il y a toujours un écart entre l’image d’un personnage et ce qu’il porte en lui. Pour évoquer ce paradoxe, Sorrentino développe un style particulier basé sur la fabrication d’images dans un style pop et publicitaire qui oscillent entre beauté et vulgarité, laideur et glamour.
La dichotomie être / paraître est ici transposée au Vatican, partagée entre sa profondeur religieuse millénaire et sa volonté de modernité, qui passe par un assouplissement des règles mais aussi par des problématiques très contemporaines comme la nécessité du marketing et de l’image pour recruter des fidèles et survivre économiquement. C’est d’ailleurs cette question du fond et de la forme qui va poser le premier problème de la série : l’élection d’un pape extrémiste, à qui tout le monde a accordé son vote sans le connaître ni savoir ce qu’il pense. Les tractations s’étant basées sur des suppositions d’après l’image qu’avaient de lui les cardinaux, on assiste à un retour du fondamentalisme. Tout ceci n’est pas sans faire écho à l’élection de Trump, surtout lorsque l’on voit la manière dont Pie XIII utilise avec habilité les outils modernes de son siècle (le story telling, le coup marketing) pour permettre un retour à des idées d’un autre âge.
4 – Un vrai héros de série
Ce « young pope » est un vrai héros de série moderne, parce que c’est un anti-héros comme la télévision en a produit pléthore ces dernières années. Cynique, Pie XIII est un pape qui n’a pas la foi. Intransigeant, narcissique et rétrograde, il pense restaurer le système pour en devenir le cœur. Entre punchlines et plans machiavéliques, ce fougueux pape, avec l’énergie et l’assurance de sa jeunesse, va tenter de chambouler le système pour devenir Dieu lui-même. Mais comme tout anti-héros qui se respecte, il se doit d’être attachant. Si ses excès ressemblent parfois à ceux d’un dictateur fou, ils peuvent également rappeler la folie créatrice de certaines rock-star. D’autre part, si Pie XIII est pape, et un bien mauvais pape, l’homme, Lenny Belardo, va montrer ses failles tout au long de la série, humanisant un personnage répulsif. Abandonné par ses parents et élevé dans un couvent, « the young pope » est resté cet enfant blessé qui porte les stigmates de la solitude. On comprend qu’il entreprend une quête impossible pour atteindre l’amour absolu, que ce soit celui des fidèles ou de Dieu. Cet écart entre swag du mal et évocation subtile d’une souffrance originelle indépassable permet à ce personnage d’entrer au panthéon des meilleurs anti-héros contemporains de série.
5 – Jude Law
Je vous ai dit qu’il y avait Jude Law dans la série ?