Si le travail est une source d’inspiration inépuisable pour les drames les plus divers et variés, de Mad Men à Better Call Saul, il semble que ce soit également le cas pour les comédies en tous genres. Aujourd’hui, on se penche sur trois nouveautés made in us traitant du monde du boulot avec ses joies, ses peines et ses innombrables galères.
Au programme : Powerless, une comédie décalée sur le business de la protection des civils dans le monde de Superman et compagnie, Detroiters, ou le monde de la publicité pour les nuls, et enfin Crashing, l’histoire d’un comédien galérien très très loin de l’univers glamour des oscars. Bref, vous l’aurez compris, hé ho hé ho ce soir on vous parle boulot.
Powerless : que se passe-t-il dans l’ombre des super capés ?
Comment faire du neuf au milieu des 359 séries de superhéros sévissant actuellement sur nos écrans ? Peut-être tout simplement en mettant les super-pouvoirs et les héros mythiques au rang de simples figurants. C’est LA bonne idée de la nouvelle série d’ABC : changer de perspective pour redécouvrir le monde de DC Comics comme jamais auparavant en s’intéressant au simple quidam comme vous et moi.
Powerless se focalise sur Emily Locke (Vanessa Hudgens), nouvelle responsable de recherche et développement de Wayne Security, filiale méconnue du groupe Wayne Enterprises, la multinationale dirigée par nulle autre que Bruce Wayne/Batman pour les non-initiés. Cette entreprise pas comme les autres a la tâche peu banale d’inventer des dispositifs pour la protection des moldus simples citoyens pris à partie dans les combats titanesques des héros et super vilains de tous bords. Ou comment empêcher que les petites fourmis figurantes de cet univers ne soient piétinées par les demi-dieux pullulant à Metropolis, Gotham ou Charm City.
Par l’intermédiaire d’Emily, nous découvrons une entreprise décalée, où les scientifiques tous plus farfelus les uns que les autres cultivent une fantaisie constante tout en paraissant blasés au dernier degré par l’inefficacité de leurs recherches. On s’en doute, cette petite troupe forme bien vite une bande d’amis où les interactions vont bien au-delà de l’utilisation ou non de la kryptonite dans un ceinturon explosif. Citons également la star de la série, le traditionnel chef incapable et un brin crétin dans la grande lignée de toute sitcom sur lieu de travail : Van Wayne (Alan Trudyk), cousin lourd et encombrant de Bruce et moteur principal de toutes les galères survenant dans la série.
Impossible de parler de cette série sans faire référence à Parks & Rec ou The Office. A chaque instant on sent l’influence de ces modèles. Van Wayne et Emily renvoient ainsi tous les deux à des aspects de Michael Scott, le premier figurant le côté stupide et lourd du chef de The Office tandis qu’Emily réinvente la quête de Michael d’être accepté à la fois en tant qu’ami et supérieur hiérarchique. L’humour même lorgne du côté des deux séries sur l’emploi. Pourquoi pas ? D’autres ont aussi suivi ce modèle avec un certain succès, comme Superstore par exemple. Le problème, c’est que la comparaison ne profite pas vraiment à Powerless. Les personnages sont constamment dans l’excès jusqu’à l’indigestion. Emily, avec ses yeux de chat potté, ressemble à une petite fille surexcitée jouant à la patronne. Certes le personnage est ainsi mais au bout d’un certain temps on a juste l’impression qu’elle carbure aux amphet ou aux vidéos de licornes. Autant d’ingrédients qui finissent par rendre la série tout juste supportable. Les personnages ont pourtant du potentiel mais à force d’en faire des tonnes on reste un peu sur sa faim.
Le ton de la série dans son ensemble joue le jeu dangereux du too much, si bien qu’on a parfois l’impression de se retrouver au beau milieu d’un dessin animé pour enfants. Blagues très appuyées, clins d’œil aux fans de comics et grosses farces visuelles, la série force le trait pour nous faire rire coûte que coûte, quitte à y gagner la finesse d’un Jean Roucas au mieux de sa forme. On se retrouve du coup devant quelque chose oscillant entre l’enfantin et une certaine lourdeur. Dommage, la série est pourtant pleine de bonnes idées. Les références à l’univers DC Comics fonctionnent plutôt bien et offrent même des ressorts comiques inattendus. Il ne manque peut être qu’un peu moins d’appels du pied et un peu plus de retenue pour avoir quelque chose qui fonctionne parfaitement.
On croise les doigts pour la suite, la promesse est tellement alléchante qu’il serait dommage que tout ça se termine en eau de boudin.
Detroiters ou l’anti Mad Men
Si je vous parle du monde de la publicité en fiction, il y a de fortes chances que les premières images qui vous viennent à l’esprit soient les aventures de Don Draper et Peggy Olson. Whisky, cigarettes et séduction : voilà jusqu’à présent comment on s’imaginait le quotidien des publicitaires. Oubliez tout ça ! Avec Detroiters l’univers de la pub s’apprête à prendre un tout nouveau visage grâce à deux hurluberlus à mille lieues des chemises en soie et des soirées de gala.
Sam (Sam Richardson) et Tim (Tim Robinson) sont deux annonceurs pas tout à fait comme les autres. Héritier de l’entreprise familiale, Tim a entraîné son meilleur ami dans une carrière mouvementée de créateurs de publicités pour les entrepreneurs de Detroit. Jusqu’ici cantonnés aux campagnes à petit budget, les deux compères rêvent désormais de dépasser leurs limites pour retrouver la gloire perdue de leur agence.
Detroiters c’est avant tout un hymne à l’amitié. Tim et Sam apparaissent comme deux grands enfants qui n’auraient jamais véritablement grandi. Deux gamins trentenaires qui continueraient à s’amuser dans leur quotidien comme s’ils étaient au beau milieu d’une cour de récré. Amis fusionnels depuis l’enfance, voisins aux maisons identiques et beaux-frères de surcroît (Tim a épousé la sœur de Sam), ces deux personnages entretiennent une complicité assez rare qui n’est pas sans rappeler celle de JD et Turk dans la cultissime série Scrubs. Comme dans la comédie médicale, on prend plaisir à retomber en enfance en découvrant des personnages susceptibles de transformer chaque moment de vie en un jeu potentiel.
Leur décalage crée le ton de la série. Inadaptés, ils amènent la part de fantaisie à un quotidien qui apparaît pourtant comme tout sauf léger. La crise financière est passée par là et le monde de la pub ne fait plus rêver. Les difficultés financières sont réelles, que ce soit pour eux ou pour leur entourage immédiat. Peu importe pour nos héros décalés, leur joie de vivre emporte tout et l’on se laisse vite emporter. Une chose est sûre : Detroiters est en bonne place pour devenir la série la plus positive de l’année.
Autre bonne idée de la série de Comedy Central : faire de la ville de Detroit et de ses habitants un élément à part entière de chaque intrigue. Très souvent associée à la crise, au chômage ou à la délinquance, Motown se retrouve ici avec le visage beaucoup plus positif d’une métropole vivante et vibrante ou chaque personne que l’on croise apporte sa petite dose de folie à la série.
En résumé, si vous aimez l’humour idiot et un brin déjanté, les personnages ne se prenant pas au sérieux et les beaux romans d’amitié, alors foncez, vous ne risquez pas de le regretter !
Crashing, viens chez moi j’habite chez un comique
Crashing, la dernière nouveauté humoristique made in HBO et produite par Judd Apatow a elle aussi pour sujet le travail mais pas tout à fait avec la même perspective que nos deux précédentes comédies. Ici point d’open space ou de signatures de contrats mais plutôt la galère au jour le jour d’un aspirant comédien, essayant tant que bien que mal de vivre de sa passion. Reposant sur une part semi autobiographique de son créateur et acteur principal Pete Holmes, la série s’inscrit dans la longue lignée des comédies traitant de la vie quotidienne d’humoristes new yorkais. Depuis Seinfeld dans les années 90, jusqu’à Louie ou plus récemment Master of None avec Aziz Ansari, on ne compte plus les séries répondant à cette typologie. Pourtant, jusqu’à présent, chacune de ces séries est parvenue à impulser sa patte et son originalité à partir d’un schéma qui paraissait pourtant semblable. Crashing ne fait pas exception. Pete Holmes a lui aussi une carte à jouer très personnelle qui pourrait se résumer en un mot : sensibilité.
Le point de départ de la série repose sur une grande remise en question. Pete, humoriste plus ou moins raté peinant à vivre de son métier, vit aux crochets de sa compagne en attendant une hypothétique heure de gloire. Après un énième numéro pathétique devant un public consterné, Pete rentre chez lui pour trouver sa copine en pleine exploration de son moi intérieur avec son prof de dessin. Tout bascule pour Pete, il lui faut désormais trouver un nouveau sens à sa vie en squattant les canapés de connaissances rencontrés au gré du chemin. D’où le titre de la série, « crashing » dans le sens de dormir chez quelqu’un.
Cette comédie de couchsurfing prend très rapidement des allures de méditations philosophiques. Accompagné par les comédiens dont il fait la rencontre dans les clubs et bars de New York, Pete questionne ses choix et ses envies en compagnie d’artistes jouant leur propre rôle et commentant eux aussi leur propres choix. Intelligente et décalée, la série élargit ainsi peu à peu son propos en ne se focalisant plus seulement sur le métier de comédien ou sur la déception amoureuse de Pete, mais plus largement en interrogeant une recherche d’épanouissement susceptible de parler à chacun.
Malgré le côté très loser et pathétique de notre anti-héros, la série reste très légère et ne vire jamais au trip narcissique ou à la logorrhée dépressive à la Woody Allen. On reste toujours dans un certain décalage, une espèce de voyage en terrain inconnu où même un braqueur de métro a des allures de personnage comique insolite. La série prouve en tout cas que l’on peut parler de morosité et de dépression avec une fantaisie bienvenue.
Crashing mérite le coup d’œil, son personnage éminemment attachant pourrait bien vous séduire. Drôle et intelligente, la série promet beaucoup. A voir si elle parviendra à suffisamment se renouveler pour rester aussi séduisante sur la durée.