Semaine d’un sériephile (81) : Les couloirs du temps

La science-fiction semble connaitre une période faste dans notre petit paysage de séries. Entre la robotique avec Westworld, les réflexions sur le progrès technologique avec Black Mirror ou le space opera avec The Expanse, tous les genres de SF semblent donner lieu à des réinventions pas piquées des hannetons et ce pour notre plus grand plaisir. Dans un tel contexte il était logique que le voyage temporel ait droit lui aussi à une certaine redécouverte.

On en a beaucoup parlé dernièrement avec 22.11.63 : la série de Hulu était peut-être le symbole de tout un courant de séries réinventant l’exploration des couloirs du temps. Ce mois-ci pas moins de deux nouvelles créations s’inscrivent dans cette lignée avec Time after Time et Making History. Evidemment nous ne pouvions pas passer à côté. Profitons aussi de l’occasion pour revenir sur une des curiosités de la fin 2016, Timeless ou l’ambition de tout simplement réinventer la fresque temporelle à travers les âges. Bref, vous l’aurez compris, aujourd’hui on enfile sa plus belle doudoune sans manches, on entre dans la première Delorean dispo et zou, direction l’infini et au-delà !

Timeless, à la recherche du temps perdu

De toutes les créations du moment traitant de l’exploration du temps, Timeless est peut-être la série la plus ambitieuse dans son principe, du moins en termes de production. La série made in NBC ne se propose pas de revisiter une période de l’histoire américaine mais carrément une époque à chaque épisode. Excusez du peu. Un pari gonflé mais qui promet au moins le gage d’un perpétuel renouvellement.

On suit ici trois explorateurs amateurs. Une enseignante en histoire (Abigail Spencer, ressemblant plus que jamais à Géraldine Chaplin), un militaire (Matt Lenter) et un scientifique expert en pilotage de machine à voyager dans le temps (Malcolm Barrett). Leur mission : retrouver et éliminer un dangereux terroriste (Goran Višnjić) qui semble bien décidé à modifier le cours de l’Histoire telle que nous la connaissons. Réunis pour leurs compétences complémentaires, Lucy, Wyatt et Rufus ont parfois tout de pieds nickelés. On se demande d’ailleurs comment les services secrets américains peuvent confier l’avenir de l’humanité à des personnages aussi improbables. Et pourtant, malgré les invraisemblances et les situations rocambolesques, on se laisse tout de même emporter dans la course folle de ces héros du dimanche.

Si l’on reste dans quelque chose d’assez classique au niveau des rapports humains, la dynamique entre les trois personnages principaux fonctionne pourtant assez bien. Attirance mêlée de différences de tempéraments créant une relation de chiens et chats pour Lucy et Wyatt, découverte et affirmation de soi pour Rufus, rien de révolutionnaire au menu mais tout de même une belle efficacité. Le fonctionnement de cette  petite troupe d’explorateurs finit par nous rappeler d’autres séries de SF un peu plus vintage telles que Sliders ou Stargate SG-1. Même découverte d’un nouvel environnement à chaque épisode, même différences et complémentarités des personnages face aux difficultés, on replonge dans des mécaniques connues et reconnues mais qui continuent malgré tout à rester efficaces, avec des personnages suffisamment charismatiques pour que l’on ait envie de découvrir ce qui les attend.

Si les séries de science-fiction se heurtent souvent aux contraintes de budget, au risque de tomber dans l’ornière de l’effet spécial cheap, ici Timeless parvient à tirer son épingle du jeu avec des décors et des costumes qui parviennent sans difficulté à nous replonger dans les époques traversées. On prend plaisir à se laisser surprendre par les grands événements historiques revisités. Passer des années 60 au début du XXème siècle d’un épisode à l’autre à quelque chose de particulièrement ludique qui participe beaucoup au charme de la série. Bien sûr il ne faut pas s’attendre à la finesse de la recréation d’un 22.11.63, le principe du zapping temporel ne le permet pas, pas plus qu’une écriture faisant la part belle à un rythme au pas de charge. Qu’importe, l’intérêt est ailleurs et l’on se satisfera d’un aspect divertissement qui a au moins le mérite de nous faire voir du pays.

Il ne faudrait pas oublier non plus l’idée au cœur de Timeless, celle des répercussions sur le présent de choix ou d’actions modifiées dans le passé. Rappelant furieusement les intrigues de la saga Retour vers le futur, Timeless répond à ce thème de manière originale en statuant une quasi impossibilité de voyager dans le temps sans créer des perturbations plus ou moins fortes dans l’histoire. Que ce soit la naissance ou non d’un personnage ou le déplacement du destin d’une figure historique, les explorateurs temporels ne peuvent garantir un parfait déroulement de la grande Histoire telle qu’elle a existé, faisant naître du même coup l’une des problématiques de la série : quelle marge de changements reste acceptable ? Un dilemme de prof d’histoire plutôt intéressant qui constitue aussi l’une des qualités de Timeless.

 

 Time after Time, éventreur et sensualité à travers le temps

S’inscrivant dans la mode actuelle des adaptations de films en séries (L’arme fatale, Snatch, Training Day, etc..), Time after time est une revisite du film éponyme de 1979. Comme dans l’œuvre originale, la nouvelle série d’ABC nous invite à suivre le romancier H.G. Wells, auteur de la Guerre des Mondes ou de l’Ile du docteur Moreau, au moment où celui-ci vient d’inventer une machine à explorer le temps. L’écrivain est alors en pleine élaboration d’un manuscrit sur ce thème, la machine se retrouve ainsi le juste résultat des quelques recherches entreprises pour l’écriture du roman. Ça ne rigole pas sur les préparatifs chez l’ami Wells. Hélas, la grande découverte n’est guère prise au sérieux par ses contemporains si ce n’est par l’un de ses bons amis se révélant au passage avoir pour passe-temps favori le meurtre de prostituées. Tout tourne mal pour l’écrivain se retrouvant ainsi contraint et forcé de poursuivre dans notre présent un Jack l’éventreur bien décidé à faire profiter de son talent à travers les âges.

Contrairement aux autres séries évoquées ici Time after time nous propose le principe d’un personnage du passé découvrant un futur bien différent de ce qu’il avait imaginé. Le choix d’un auteur de science-fiction croyant fermement en un progrès technologique conduisant forcément au bonheur s’avère à cet égard particulièrement intéressant. On se retrouve avec l’incompréhension des outils modernes comme dans Les Visiteurs par exemple mais aussi avec un choc par rapport à la violence et aux drames de notre monde actuel. Une idée intéressante qui gagnerait à être explorée plus en profondeur mais qui reste malheureusement pour l’instant un élément plus contextuel qu’autre chose.

L’argument de la série s’articule pour l’instant autour de deux pôles, l’opposition entre H.G. Welles (Freddie Stroma) et Jack l’éventreur (Joshua Bowman) dans leur appréhension de leur nouveau monde d’un côté, et de l’autre l’amitié/séduction entre Welles et Jane Walker (Génesis Rodríguez), une jeune commissaire d’exposition s’improvisant guide et refuge pour l’auteur de SF en pleine perte de repères. Disons-le d’emblée : les personnages sont très archétypaux et peinent pour l’instant à gagner en épaisseur. Entre un Welles aux allures de Tintin, innocent et découvrant le monde avec des allures de grand chien perdu, un éventreur ténébreux à souhait qui semble tout droit sorti d’une telenovela et une Jane se retrouvant à jouer les demoiselles en détresse on se retrouve parfois à deux doigts de la caricature.

Le côté caricatural aurait malgré tout presque du bon dans le sens où il peut provoquer des scènes assez hallucinantes de second degré plus ou moins volontaire. Citons par exemple cette scène du pilote où Welles est accueilli chez Jane. Prévenante, elle l’invite à prendre une douche et à se raser. Très corporel comme couch surfing mais bon pourquoi pas dirons-nous. Sauf qu’évidemment le drame arrive, Welles se coupe et se retrouve avec une moustache d’Hitler, provoquant l’irruption d’une Jane effarée découvrant un écrivain fort musculeux et à peine couvert d’un sèche main comme cache sexe. La suite de l’anecdote ? La jeune femme se retrouve à tailler la moustache d’un H.G. Welles épilé de près assis sur le bord de la baignoire tout en devisant du célibat, le tout les yeux dans les yeux avec une tension sexuelle à vous faire frire un bœuf. On aura rarement vu un personnage historique ainsi revisité. A quand une scène torride avec Abraham Lincoln sous la douche ? Peu-être si peu.

Bref, tout le monde est très beau, les acteurs comme les décors, c’est chatoyant et sensuel on nage dans une espèce de publicité géante pour Hugo Boss ou Cacharel. L’esthétique comme la romance devrait sans doute plaire aux amateurs de Fifty Shades of Grey ou de Twilight, les autres par contre risquent bien de rester sur leur faim.

Making History, l’histoire pour les nuls

« A l’aventure compagnon, je suis parti vers l’horizon. J’aurais mieux fait de rester chez moi, la suite vous le dira. » Ces paroles d’une chanson du Donjon de Naheulbeuk auraient bien pu être celles du générique de la nouvelle série comique made in Fox, Making History. Au programme, un voyage dans le temps en sac de couchage, un couillon de très haute volée, de l’amitié et de la romance à foison et un humour léger comme une enclume. Voilà un voyage qui s’annonce un brin chargé.

Dans cette nouvelle relecture de l’exploration temporelle on découvre en premier lieu Dan Chambers (Adam Pally), prof d’université de son état, totalement paumé dans son existence qui semble enfin avoir donné sens à sa vie en remontant le temps par accident. Se servant de ses connaissances du XXIème siècle, le brave homme a réussi à se faire apprécier des personnages historiques du XVIIIème jusqu’à tailler le bout de gras avec les pères fondateurs de la révolution américaine entre deux pintes de bières. Mieux, Dan a réussi à trouver dans le passé ce qui lui faisait cruellement défaut dans le présent, l’amour ! Malheureusement, il aurait peut-être mieux valu pour l’histoire américaine que Dan apprenne à se servir de Tinder ou d’Adopteuncheval car sa petite amourette risque bien d’entraver le déroulement de la grande histoire.

Le principe rappelle beaucoup celui de Timeless mais traité ici avec une constante dérision. La machine à voyager dans le temps elle-même n’a rien de la classe d’un prototype militaire ou même d’une Delorean. Un simple sac de couchage muni d’une batterie d’appareils constitue le summum de la technologie permettant de braver les frontières du temps. Un peu exigu surtout pour les voyages à plusieurs mais diablement original. Sur la base de ce principe, la série se transforme vite dans son premier épisode en une espèce de buddy movie déjanté. Dan se rendant compte des risques de son aventure vient demander de l’aide à un collègue historien, Chris Parish (Yassir Lester). Le décalage entre ses deux personnages constitue l’une des premières ressources comiques de la série. Entre le loser magnifique Dan et le trop guindé Chris, deux mondes se rencontrent. Leur manière de concevoir le voyage dans le temps diffère bien évidemment et il faut assister à la démonstration de séduction de Dan chantant du Céline Dion en plein XVIIIème devant un Chris effaré pour comprendre à quel point.

Au tandem de joyeux lurons, une troisième figure se greffe bientôt avec Deborah Revere (Leighton Meester), amoureuse de Dan et personnage anachronique de femme forte dans une période où la domination masculine et patriarcale reste plus que jamais écrasante. Un seul doute subsiste, qu’adviendra-t-il de son amour pour Dan lorsqu’elle se rendra compte qu’il n’est qu’une vaste supercherie ? En attendant ces hypothétiques révélations, le trio fonctionne plutôt bien et se révèle complémentaire. Chris apporte le savoir, Dan l’absence totale de limites et Deborah l’énergie et la détermination. Avec des personnages principaux assez attachants, la série remplit son objectif de ce côté-là, les bases sont là pour avoir envie de suivre ces ultimes antihéros.

Le problème commence dès lors que la série tente de nous faire rire. Un peu embêtant pour une série comique. Humour décalé, comique de situation, de répétition, potache et pipi caca, tout y passe, Making History tente tout pour nous amuser jusqu’à l’abrutissement. A trop en faire, la série perd toute finesse et rentre dans le syndrome du gag à la minute tellement souligné qu’il en devient lourdingue. Dommage, le principe de la série mérite mieux. L’idée de voir des personnages historiques de manière totalement décalée pourrait déjà en soi être une recette comique intéressante. Espérons que le déluge de blagues se calme au fil des épisodes pour laisser apparaître un peu plus de légèreté.

Making History mérite en tout cas d’être découverte, son concept prometteur et ses personnages bien campés constituent déjà de beaux arguments. Il ne lui reste plus qu’à nous faire rire de bon cœur pour remplir pleinement sa mission. Un bilan que l’on ne pourra sans doute faire qu’à la fin de la saison.

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