Il est coutume, pour la Saint Valentin, de conseiller des films et séries sentimentales, des comédies romantiques ou des mélos sirupeux, Love Actually ou Titanic. Maintenant que le Netflix & chill fait partie de nos habitudes affectivo-audiovisuelles, on aurait pu piocher dans le catalogue du mastodonte de la VoD pour vous trouver une programmation idéale, qui pour pécho (Sex Education), qui pour demander en mariage (Lovesick). Et en vrai, le genre de la romance a plein de qualités, et a produit plein de fictions géniales et quelques chefs d’oeuvre, mais… Depuis Madame Bovary jusqu’à de récentes études en psychologie, on sait aussi à quel point les schémas narratifs et stéréotypes liés à ✧・゚: ✧・゚:*。・l’Amour・゚,。・:*:・゚☆ peuvent être fourbes voire dangereux. Certes, c’est aussi agréable que rassurant de se laisser aller à rêver de liaisons passionnées et de lendemains heureux. Mais il est temps de saluer aussi la tendance, dernièrement, qu’ont les séries à déconstruire le romantisme traditionnel, à nous donner à voir une conception de l’amour moins idéalisée… Même au sein de couples tout à fait fonctionnels et aimants.

Sharon & Rob (Catastrophe)
La série démarre sur les chapeaux de roue. Dès le premier épisode, la crise de la quarantaine, une certaine alchimie et une grossesse imprévue poussent l’irlandaise Sharon et l’américain Rob à se lancer dans une aventure à laquelle ils avaient pourtant renoncé, le couple sérieux et la vie de famille, alors qu’ils ont seulement passé une semaine ensemble. Cet arrangement bancal entre deux quasi-inconnus semblait voué à l’échec, et pourtant… Il déménage pour habiter avec elle à Londres, où leurs hésitations sont balayées par la bourrasque du quotidien – il leur faut préparer l’arrivée d’un bébé, pour laquelle ils sont loin d’être prêts, tout en apprivoisant mutuellement leurs mauvais caractères. Heureusement, ils ont une franchise et un sens de l’humour à toute épreuve, et contre toute attente, ça marche. Au fil des quatre saisons sorties pour le moment, on les voit s’engueuler méchamment, prendre des décisions discutables, douter, faire la gueule mais surtout faire front, ensemble, au deuil, au temps qui passe, aux addictions et autres aléas qu’ils auraient sûrement beaucoup moins bien gérés seuls. Sharon Horgan et Rob Delaney, les deux interprètes principaux mais aussi créateurs et scénaristes, font la part belle à ces moments de routine si souvent survolés dans les récits romantiques, le brossage de dents et l’humeur parfois mesquine, les faux-pas parentaux et les salles d’attente, autant d’instants de battement et de fatigue qui sont essentiels à toute intimité entre deux personnes. Et ils nous laissent deviner que c’est justement parce que Sharon et Rob arrivent à tout se dire et, à l’aide d’une réplique bien sentie, à en rire, qu’ils s’y plaisent et tiennent bon.

Jimmy est un écrivain veule et imbu de lui-même, ressortissant britannique expatrié à Los Angeles. Gretchen est une agente en relations publiques bordélique et sans scrupules. Tous les deux aiment le sexe, l’alcool, et faire ce qui bon leur semble. Ils se croisent lors d’une fête – lui, éméché, a osé un coup d’éclat alors qu’il s’agit du mariage de son ex ; elle a justement choisi d’embarquer l’un des cadeaux de mariage – et rentrent ensemble pour ce qui ne devait être qu’un coup d’un soir. Les relations amoureuses, les sentiments niais, la fidélité, ce n’est pas trop leur truc. Mais voilà, bien malgré eux, ils s’entendent très bien et leurs vices s’accordent à merveille. Ils sont des amis indignes, des enfants indignes, des collègues indignes : peuvent-ils former un couple indigne ? Peut-être, au fond, sont-ils les mieux placés pour s’aimer et se comprendre, entre ordures patentées adeptes de blagues salaces et de petits arrangements avec la morale ? Ils se font quelques coups bas, se trompent et se trahissent parfois, mais sans trop de rancune : il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, alors ils peuvent bien se pardonner… Un bon rappel qu’il faut aussi choisir son entourage en fonction de ses défauts, qu’il n’y a pas d’histoire d’amour sans petite (ou grosse) déception, et qu’il faut avant tout savoir discerner les erreurs et les ratages que l’on est prêt.e à accepter. On est bien loin de la perfection présumée des prétendant.e.s aux dents blanches recyclé.e.s par dizaines dans le Bachelor et co.

Ian Gallagher est le troisième d’une fratrie de six enfants, avec une
mère absente et un père alcoolique, qui peine à annoncer son homosexualité. Un quiproquo lui vaut d’être malmené par Mickey Milkovich, la petite frappe du quartier, au tout début de la série. Mickey a lui été élevé par un père violent, et a grandi entouré d’armes et de délinquance. Quand il découvre l’orientation sexuelle d’Ian, c’est l’occasion d’explorer sa propre sexualité – d’abord avec l’aigreur et la honte que peut susciter l’homophobie intériorisée, mais progressivement avec plus de tendresse. Il leur faudra traverser bien d’autres moments difficiles avant de pouvoir oser s’avouer qu’ils s’aiment : la brutalité du milieu dans lequel ils vivent s’accorde difficilement avec autre chose que l’hétérosexualité conventionnelle. Alors qu’Ian se confie librement à sa famille sans souffrir de conséquences, Mickey, pour rester en haut de la chaîne alimentaire, doit adhérer aux normes de la masculinité (toxique), et se retrouve ainsi temporairement marié et avec un bébé. Leur coming-out public est l’occasion d’une bagarre générale dont ils sortent vainqueurs, mais leurs crimes et délits respectifs rendent difficiles leurs tentatives d’enfin vivre pleinement leur amour. [Attention, mini-spoiler] Il faut attendre la saison 9 pour qu’ils puissent se retrouver… en prison, dans la même cellule. Un happy ending loin des standards hollywoodiens, à la hauteur de leur relation hors-normes.

À première vue, ils ont tout du cliché du couple traditionnel, hétéro, blanc, de classe moyenne bien sous tous rapports, avec un pavillon de banlieue, un monospace et des chamailleries passives-agressives. Madame est un poil psychorigide et aime le scrapbooking, Monsieur est plutôt lâche et frustré, et tous deux nourrissent suffisamment de secrets, de rancœurs et de soupçons pour commencer à songer au divorce. Le cours de la série, qui voit Alison être confrontée à un complot bio-technologique qui l’implique en tant que clone, va les rapprocher. Pour survivre, il leur faut en effet apprendre à être honnête avec l’autre, à se faire mutuellement confiance, à être une équipe et, peut-être, à assumer (voire apprécier) leur dynamique de couple… disons… particulière (avec une Alison autoritaire et un Donnie très obéissant). Leur thérapie de couple se fait, certes, à travers plusieurs meurtres (plus ou moins accidentels), des mésaventures avec des individus peu recommandables (une sombre histoire de trafic de drogues dans des savons), quelques crises de nerfs, une cure de désintoxication, une séance de torture au pistolet à glue et un atelier « creusage de tombe dans le garage ». Mais, au final… Peut-être que c’est ça qui leur manquait ? Et qu’il leur suffisait d’aller au-delà des apparences et des conventions pour s’aimer à nouveau ? (La rédaction décline toute responsabilité en cas d’accident avec un pistolet à glue après lecture de cet article).

C’est le couple inattendu de la série : pendant qu’on se concentre sur le parcours amoureux et psychologique pour le moins mouvementé de Rebecca Bunch, deux personnages secondaires se rapprochent, chacun tombe sous le charme de l’autre, ils s’installent ensemble sans prévenir et se marient dans la foulée (pour des raisons d’assurance maladie). Hector et Heather étaient jusque-là tous deux caractérisés par une immaturité chronique ; lui vivait toujours chez sa mère, elle a épuisé la liste des cursus disponibles à la faculté voisine pour repousser le moment d’entrer dans la vie active. Mais, avec la facilité d’un puzzle fait pour les enfants de moins de cinq ans, toutes les pièces se mettent soudain en place entre la carrière naissante d’Heather, sa grossesse (en tant que mère porteuse pour le compte de leur ami Darryl) et leur déménagement. Peut-on faire relation plus chill ? Face à des décisions pourtant assez vertigineuses, ils ne doutent pas et avancent avec un sourire confiant. Ils forment un couple solidaire dont le bonheur paisible offre un contrepoint à tout le drama de l’intrigue principale. Et c’est sûrement l’une des principales qualités de la série : nous montrer que c’est une telle union, exempte de rebondissements, qui est rafraîchissante et enviable, plutôt que les constants bouillonnements émotionnels de l’héroïne – exaltants, certes, mais aussi fatigants et assez vite malsains.
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