Aujourd’hui, Séries Chéries donne la parole au sériephile Quentin Gratpanche pour parler d’Entourage et la défendre contre ses détracteurs :
Entourage (2004-2011), produite par HBO, est un format court (20 minutes) basé sur l’humour, qui se déroule dans le milieu des stars hollywoodiennes, des fêtes à gogo et de la jetset. Un cocktail qui entraine la série du côté de la sitcom et de la comédie, dont on pourrait redouter une certaine superficialité. Il m’a pourtant fallu un tout petit mois pour venir à bout des 8 saisons. Entourage, indéniablement, souffre de quelques lourdeurs. Quand on en a conscience, on peut facilement passer outre ces défauts. Voici en quelques points les raisons pour lesquels il faut essayer Entourage, et surtout s’acharner, car c’est une série qui, comme le bon vin, se révèle à mesure que l’on avance.

Une bande de mecs sympas
Une histoire de copains
Pour ceux qui ne connaissent pas du tout Entourage, c’est l’histoire de Vincent Chase. Petit gars de Queen Boulevard (un quartier mal famé de New York), beau comme un dieu grec, il devient une superstar internationale, grâce à son agent Ari Gold, dans à un film à très gros budget. Il gagne beaucoup d’argent, fait des fêtes disproportionnées, couche avec beaucoup de femmes et ne s’en fait pas du tout pour vivre, car après la pluie vient toujours le beau temps. Autant de préoccupations qui peuvent sembler bien éloignées de nos propres existences.
Mais au moment où Mister Chase s’apprête à devenir méga-connu, il ne veut pas oublier le gamin du Queen qu’il était. Alors, quand il part à Hollywood, il emmène ses deux meilleurs copains et son frère un peu looser pour rester droit dans ses bottes. Ce n’est jamais dit ouvertement dans la série, mais rappelé constamment par des biais détournés, dans les choix qu’il prend, au détour d’une discussion. Entourage, ce n’est pas seulement « l’histoire d’un mec », mais d’une bande de potes.
Le meilleur ami de Vincent, Eric Murphy dit « E », est aussi son manager. Bosseur acharné, il l’aide à garder la tête sur les épaules et à gérer sa carrière comme il faut. Irrémédiablement amis, leurs carrières respectives sont intimement liées à la relation qui les unit, mêmes si leurs évolutions se situent aux antipodes l’une de l’autre.
Johny Chase, dit Johnny Drama, est un reflet négatif de son frère : acteur de série (en 2005, les séries ne sont pas à la bonne à Hollywood), pas très beau, il s’évertue du haut de ses 40 ans à se comporter comme s’il avait la même trentaine que ses amis. Indéniablement le ringard du groupe, il passe les huit saisons à tenter de conquérir une gloire qu’il pense sienne mais qu’il n’a jamais eue…
Turtle, le petit gros sympa du groupe, et le chauffeur de la bande. Il est le personnage qui tarde le plus à évoluer, cantonné à son rôle de grand enfant, mais il renverse la vapeur durant les deux dernières saisons.
C’est l’histoire d’un groupe. Si Vincent semble au cœur du propos, c’est parce qu’il est au début la source de revenus de l’équipe, grâce aux gros cachets qu’il encaisse. Cependant, chaque film qu’il fait est choisi par E, Drama fait la cuisine, et ils dégotent les soirées avec Turtle… Conscient de cette codépendance, Vincent ne prend aucune décision seul, les choix sont toujours faits de manière collégiale. La situation ne s’explique pas seulement par l’argent : lorsque les amis de Vince prennent leur indépendance économique au fil des saisons, le lien qui les unit ne s’affaiblit pas. Les trajectoires personnelles sont toujours moins importantes que la direction que prend le groupe. C’est en cela qu’Entourage fait mouche. Il n’y a pas de dépendance (durable) vis à vis de l’acteur vedette. Chacun remplit une part, ce n’est ni l’argent ni la célébrité l’objet de la série. Dans ce monde démesuré, c’est l’amitié qui prime, avec ses coups durs, ses moments sympas, ses doutes, ses instants de complicité, ses rires et ses réconciliations. Même dans cette Hollywood démesurée, ils font ce que font des amis tous les jours : s’amuser, boire des verres, aider leurs proches, réfléchir à demain, mais pas trop… Ils ne se prennent pas au sérieux, la série non plus, et ça leur réussit.
Ari Gold, la quintessence de la Win
L’agent de Vincent Chase mérite sa propre section, vu son importance cruciale et son traitement un peu spécial dans la série. Ari Gold gère la partie professionnelle de la vie de Vincent Chase (c’est lui qui cherche, trouve les films, les scénaristes, les studios pour l’acteur), son rôle est donc déterminant pour le groupe, mais il n’en fait pas vraiment, même s’il est souvent accueilli en ami. Il a une personnalité extrêmement marquée : sans demi-mesure, il est obsédé par son travail et il déteste perdre. Vincent est son poulain, celui sur lequel il veut fonder sa réussite. C’est Ari qui l’a déniché dans le Queen, il sait que l’acteur peut aller très loin et fera tout pour l’aider à réussir. Il le défend ainsi bec et ongle, envers et contre tous, même quand Vince est au plus bas.
Là où le groupe de Vincent représente un groupe d’enfants éternels à la Peter Pan, Ari introduit une image presque « classique » de la famille, avec une femme et deux enfants. Mais s’il est profondément attaché à eux, ce névrosé du travail passe son temps à les négliger, scotché à son téléphone. Cette incorrigible obsession l’amène à des sautes d’humeurs mémorables qui succèdent à des prières d’excuses auprès de sa femme. La concurrence des sphères privée et professionnelle, traitée avec humour, dédramatise bon nombre de situations. Si la démesure de ses propos et de son comportement ont un fort effet comique, Ari est surtout un de ses ressorts narratifs les plus importants : appelé à devenir l’homme le plus puissant d’Hollywood, ses interventions prennent parfois des allures de Deux ex machina.
À ce personnage haut en couleur est associé Lloyd, son assistant chinois homosexuel (dont le petit ami est joué par Le Loup Garou du campus !). Ari ne cesse de le rabrouer, de l’insulter, lui faisant payer tous ses échecs… mais l’incluant aussi dans toutes ses victoires. La force du personnage d’Ari Gold tient aussi à ce duo dominant/dominé, parce que Lloyd est le réceptacle de toutes les émotions de Ari, mais aussi un conseiller avisé dans de nombreuses situations.
Enfin, on remarque aussi que le ton de la série est intimement lié à la place de ce personnage de l’agent, homme de l’ombre derrière l’acteur… et dont la vie n’est pas toujours rose ! C’est autour de ce personnage, figure montante elle aussi, mais représentant de l’envers d’Hollywood, que la série révèle ses réels enjeux scénaristiques, à savoir explorer l’air de rien les coulisses d’une des plus grandes industries de stars du monde.
Les « grandes » histoires derrière la « petite »
Un des aspects amusants de la série, c’est que l’on y croise un nombre invraisemblable de célébrités jouant leurs propres rôles : Mark Wahlberg, Peter Dinklage, Scarlett Johanson, James Cameron, Sacha Grey, Set Green… Pas spécialement cinéphile, bon nombre de caméos ont dû m’échapper, mais ce principe de guest star est plutôt plaisant, bien orchestré, créant ainsi l’illusion référentielle recherchée. Mark Walhberg, producteur de la série, fait un nombre conséquent d’apparitions, et pour cause : la légende veut qu’Entourage se fonde sur sa propre expérience de jeune acteur.
Il est amusant aussi de noter en toile de fond comment les thématiques nouvelles s’insèrent au fur et à mesure de la série : le développement des réseaux sociaux, Twitter et Facebook notamment, vient interroger le nouveau rapport qui s’établit entre les stars et le public. Doucement, certes, on n’est pas dans Black Mirror, mais de manière notable. De la même façon, on voit l’industrie basculer gentiment de la réussite symbolisée par le film à gros budget (incarné par Aquaman) vers une réussite passant par… une série d’animation ! Alors que le support « série » est décrié comme un sous-genre durant toute la première saison face au « noble cinéma », on observe au fur et à mesure qu’elle prend de l’envergure, qu’elle n’est plus une porte de sortie mais bien une possibilité de lancement.
Il est amusant de voir que c’est d’ailleurs Johnny Chase, le frère « raté » de 40 ans qui fait son come back par une série d’animation et non Vincent, le personnage coqueluche. Or, Johnny Chase est joué par Kevin Dillon, acteur dont le rôle de Johnny Chase fut le grand retour depuis Platoon, ou The Doors, 1991. Entourage est donc son premier rôle important depuis près 10 ans au moment du tournage, comme pour son personnage ! La série dans la série, le théâtre dans le théâtre, un autre clin d’œil joliment mené.
Et pour finir ?
Pour ne rien vous cacher, la série finit sur un cliffhanger de taille, post générique. Le dialogue de ce dernier acte est véritablement l’acmé de la série, après une montée crescendo au fil des saisons. Ce point culminant annonce un film que l’on a longtemps cru enterré, mais qui arrivera sur les écrans en 2015. Son intrigue se déroulera six mois après la fin de la série. Il y a fort à parier que l’humour, les caméos et l’amitié seront au cœur de ce film, portés par Vincent et son entourage. Il est à espérer que l’aspect « méta » sera aussi bien transposé sur grand écran qu’il l’était dans la série. Malheureusement, l’absence d’engouement pour Entourage suggère une sortie Direct-to-DVD en France, mais on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise !
Quentin Gratpanche
J’ai adoré suivre cette série même si j’ai trouvé la fin un peu bâclée. Merci de m’avoir donné l’envie de la revoir !
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