Semaine d’un sériephile (83) : Artistes, show biz et responsabilités.

Avez-vous déjà été tenté par la vie de star ? Des fans déchainés à vos portes, des fiestas avec David Guetta et Beyoncé autour d’un jacuzzi ? Un bœuf avec Eminem ou une battle de punchlines avec Gad Elmaleh : tentant, non ? Mine de rien tels semblent être les thèmes à la mode ces dernières semaines. Trois séries nous parlent à la fois du désir d’être célèbre et des petits tracas qui s’ensuivent. Au menu aujourd’hui, What Would Diplo Do ou le comeback de James Van Der Beek en star de l’électro, The Mayor, série feel good sur les responsabilités du pouvoir politique et enfin White Famous ou le parcours d’un humoriste en quête de gloire.

Star system et égocentrisme, la vie merveilleuse de Diplo.

Bien étrange concept que celui de la nouveauté de Viceland, What Would Diplo Do. Produite par Diplo lui-même (la star du collectif électro Major Lazer) cette fiction tournée à la manière d’un documenteur présente le quotidien totalement déjanté et romancé de la star du clubbing et de son entourage. Au programme, organisation de tournées monstres, pannes d’inspiration ou méditation sur l’égo, la vie, la mort et tutti quanti.

Évidemment, difficile de ne pas penser devant cette série à des univers tels que eux d’Empire, Entourage  ou même Ballers. Le showbiz et ses merveilles, les problématiques d’entourage parasite ou d’assistants excentriques, tout cela vous le retrouverez ici sous un angle particulièrement décalé. Ne faisons pas les blasés pour autant, l’énergie et surtout la tendresse toujours présente dans le show lui permettent de se démarquer. Un exemple pour l’illustrer, Jasper (Dillon Francis) joue le rôle du meilleur ami gentiment abruti de Diplo. Sa prestation de boulet régressif pourrait très vite devenir exaspérante au dernier degré. Pourtant, son attachement quasi fusionnel à son ami, son côté enfant perdu parviennent malgré tout à le rendre drôle et touchant à la fois.

Mais la véritable originalité de la série c’est bien notre éternel Dawson, James Van Der Beek dans une partition plutôt étonnante. Dans un premier temps on peine à croire à son rôle de superstar des clubs. Son éternelle expression de gentil garçon ne colle pas franchement avec l’image que l’on peut se faire d’une popstar. Pourtant, au fil des épisodes et notamment dans son rapport aux autres stars de l’électro (caricatures de Skrillex, Calvin Harris,…) on apprend à connaitre une célébrité qui est avant tout un petit garçon. Illustration dans le premier épisode, dès qu’il se sent agressé dans une battle de tweets, Diplo s’imagine en guerrier de manga terrassant des ninjas venus de nulle part. Absurde mais complètement logique si l’on se place depuis le point de vue d’un gamin de 10 ans. Cette part enfantine parvient à nous rendre presque sympathique son égocentrisme. Voilà en tout cas une manière originale de représenter les caprices d’une personnalité à peine sevrée.

Par contre il faut l’avouer très vite une question se pose, où va-t-on avec Diplo ? Comment peuvent évoluer les personnages ? Quels sont leurs enjeux ? Pour l’instant difficile de voir dans cette série plus qu’un sketch décalé qui aurait tout aussi bien pu rester au statut de court-métrage ou de vidéo web. Même si tout ce petit monde est bien gentil il nous faudra peut-être un peu plus d’objectifs ou de conflits pour nous attraper véritablement.

The Mayor, l’improbable sauveur.

Nouveauté de la rentrée pour ABC, The Mayor se construit sur le principe de l’incroyable opportunité offerte à un outsider d’accéder au pouvoir politique par un coup de chance du destin. Ça ne vous rappelle rien ? Évidemment, toute ressemblance avec des événements réels est loin d’être fortuite. ABC nous remémore une théorie de Michael Moore concernant l’irrésistible ascension de Donald Trump. Selon le réalisateur polémiste, l’élection du républicain n’aurait été qu’un vaste coup publicitaire qui aurait réussi au-delà de toute espérance. Donald Trump n’aurait jamais voulu être élu mais tout simplement promouvoir son nouveau show TV. ABC reprend cette idée à son compte en nous faisant suivre un jeune rappeur en quête de succès réussissant lui aussi l’impossible en devenant le maire de sa ville.

Brandon Michael Hall, révélé dans l’excellent Search Party, campe ici Courtney Rose, grand adolescent rêveur obsédé par l’idée de devenir l’idole de son quartier. Flanqué de ses deux meilleurs amis un peu losers, Courtney s’efforce de donner de la visibilité à sa démo de rap avec le plan le plus infaillible qui soit, se présenter aux élections pour passer à la TV et engranger des abonnés Twitter. Ambition et modernisme, ou quand faire le malin dans Big Brother ne suffit plus. Oui mais voilà, face à l’incompétence et au détachement des réalités des politiciens (là encore toute ressemblance avec la réalité…), le plan sans accroc de Courtney déraille et le voilà illico promu maître du destin de son quartier.

 

La campagne et l’accession au pouvoir ne sont pas les fondements de la série mais plutôt un point de départ. Ce qui compte ici c’est l’après, ou comment l’ado attardé devient un adulte en prenant conscience des responsabilités qui lui incombent désormais. Aidé par une conseillère experte en stratégie et organisation, Valentina Barella (Lea Michele), Courtney Rose apporte la spontanéité et surtout le cœur à un monde politique ayant bien besoin d’une dose de générosité. Vous l’aurez compris, on est ici dans une feel good série où la ressemblance avec le destin de Trump agit en total contrepied. Là où Trump est porteur d’angoisses et de divisions, Rose et sa joyeuse troupe génèrent espoir et fraternité.

Tout s’enchaine peut-être un peu trop bien, les obstacles sont vite surmontés et la bienveillance triomphe. Difficile d’y croire jusqu’au bout Mais après tout pourquoi pas. Les amateurs de récits initiatiques bon enfant y trouveront amplement leur compte et tous ceux cherchant un peu d’optimisme à la télévision aussi. Si vous préférez réalisme et dénonciation passez votre chemin, par contre si Joséphine ange gardien est votre tasse de thé vous pourriez trouver là votre nouveau rendez-vous.

White Famous, devenir une star à n’importe quel prix ?

Le principe de la nouveauté de Showtime semble plus qu’à propos. En réponse à la montée du racisme aux Etats-Unis, aux discriminations entre autres dans le milieu du show business et aux révélations sur les conduites les plus inqualifiables, White Famous se présentait comme une satire haute en couleur du racisme ordinaire. Les bonnes intentions suffisent-elles pourtant à faire une bonne série ? Pas si sûr.

Nous suivons ici Floyd Mooney (Jay Pharoah), artiste de stand-up, récemment divorcé et père d’un petit garçon. Si Floyd semble être un artiste de talent l’appel de la gloire tarde grandement à se faire sentir. Une situation que son agent Malcolm (Utkarsh Ambudkar) compte bien transformer au plus vite. S’ensuit au fil des épisodes, une rocambolesque exploration des coulisses du monde du cinéma US avec ses acteurs aux égos surdimensionnés, ses producteurs mégalos et ses réalisateurs « visionnaires ».

L’objectif final : devenir « White Famous », ou comme l’explique Malcolm devenir si incontournable que Floyd soit à même de transcender les barrières des couleurs de peau pour être aussi reconnu par les blancs que par les afro-américains. Pas vraiment une mince affaire d’autant que le milieu du show business ne semble pas vraiment être l’univers des mille possibles. Comment devenir une star si ce n’est en se fondant dans le moule que l’industrie a prévu pour soi ? L’occasion pour la série d’évoquer le racisme latent d’un univers clamant haut et fort son ouverture tout en se révélant au final beaucoup plus décevant.

Le premier épisode fait tourner toute l’action autour d’un poncif hollywoodien, le rôle du personnage noir costumé. Une tradition, comme le rappelle un producteur, incarnée notamment par Martin Lawrence dans Big Mamma ou par Eddie Murphy dans La Famille Foldingue. Le dilemme de Floyd Mooney consiste alors à savoir s’il est prêt à se ridiculiser voire à s’émasculer comme il le dit lui-même pour la gloire, ou si le jeu n’en vaut pas la chandelle. La série touche là un sujet peu ou pas traité sur nos petits écrans et qui fait la principale force du show. Sans mettre des gants, White Famous rentre dans le débat avec force et pose de vraies bonnes questions. Espérons que cette qualité soit développée dans les épisodes futurs et ne devienne pas qu’un réservoir à blagues qui tachent.

Malheureusement donc, les bonnes intentions ne font pas tout et White Famous sombre dans des travers un brin sensationnalistes. Créée par le papa de Californication, la série en reprend les codes et les mimiques y compris dans une hyper sexualisation qui peut sembler ici très gratuite. Autant le sujet de la série de David Duchovny s’y prêtait, autant ici la multitude de scènes de sexe et les discussions tournant sans cesse autour du sujet posent question. Dans le meilleur des cas ces séquences pourraient être perçues comme des dénonciations du sexisme sévissant à Hollywood voire du harcèlement sexuel. Le problème c’est que l’ambiguïté des scènes ne permet pas de pencher dans ce sens. Quand chacun des producteurs décrit sa dernière partie de jambes en l’air 5 secondes après sa première apparition à l’écran, s’agit-il d’une ironie sous-jacente ou simplement d’un grossier ressort comique entre deux fucks et trois motherfuckers ?

La série parvient même parfois à être totalement sexiste et à l’assumer. Que penser de l’une des premières scènes de la série, où l’on voit notre héros au lit avec une femme : Floyd Mooney est bien sûr recouvert en partie par une couverture et porte un caleçon tandis que la femme est entièrement nue avec un drap précisément placé pour souligner ses fesses. Le coloc de Floyd entre dans la pièce, s’attarde sur le postérieur de la femme et s’extasie. Un plan fesse subjectif depuis le point de vue du collègue nous est offert avec une totale gratuité. Une conversation téléphonique plus tard, la femme se lève et se tourne vers le héros, plan gratuit sur ses seins et, toujours sans parole, notre héros comprend qu’elle est partante pour recoucher avec lui et lui saute dessus. A quoi sert cette scène si ce n’est à montrer avec une absence de subtilité totale le fantasme d’un personnage d’alpha male irrésistible ? Comment essayer de dénoncer le sexisme si la mise en scène s’y vautre elle-même avec complaisance ?

White Famous en jouant d’un peu trop près la copie de Californication y perd son sel et son originalité. Dommage : sans racolage, la série pourrait avancer de très bonnes idées – elle gagnerait à posséder un peu plus de subtilité. En pleine affaire Weinstein, gageons que le sexisme latent passe encore moins auprès du public. Pas sûr qu’avec de tels défauts la série puisse connaitre une deuxième saison.

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