Sherlock la British et Elementary l’Américaine sont deux séries à succès qui ont adapté les aventures du plus célèbre détective de la littérature britannique : Sherlock Holmes de Sir Arthur Conan Doyle. Elles offrent deux lectures totalement différentes du canon holmésien. Avec 24 épisodes de 42 minutes par saison, Elementary prend la forme d’un drame procédural classique à l’instar de Bones, Castle ou encore Mentalist tandis que Sherlock s’articule autour de seulement 3 épisodes d’une heure et demie par saison. Ces deux séries ont planté leurs décors au 21ème siècle, proposant deux versions modernes et revisitées de l’oeuvre originale. Comment ont-elles choisi de transposer les figures des romans ?
Round 1 : Le Sherlock le plus charismatique
Ces dernières années, nous avons vu de nombreux personnages au caractère ambigu apparaître sur nos écrans. Prenons Gregory House ou Walter White : ils sont ambivalents, torturés, ont un côté sombre. Les deux Sherlock, incarnés par Benedict Cumberbatch dans la série anglaise et Jonny Lee Miller dans la série américaine, appartiennent à cette catégorie de personnages. Arrogants, malpolis, cyniques, ils sont incapables d’avoir une vie sociale normale. Ils combattent sans cesse contre une addiction (dans Sherlock le détective est un ancien fumeur, celui d’Elementary est un ancien drogué). Tous deux compensent le manque par le travail.
Dans Sherlock, le détective n’a pas de vie personnelle. Il est sans cesse dans l’attente d’un mystère à résoudre, même si tous les crimes n’ont pas le même intérêt à ses yeux. Son inadaptation sociale est une innovation par rapport aux romans où le détective est un gentleman, il peut manquer de tact mais reste toujours courtois. Le personnage de Cumberbatch se révèle quant à lui assez insupportable, sorte de sociopathe geek totalement étranger aux sentiments d’autrui. Mais la force de la série réside dans sa capacité à nous faire aimer un personnage aussi désagréable. L’incroyable esprit d’analyse et de déduction de Sherlock impressionne, son culot nous fait rire. Sûrement que le charme de Benedict y est pour quelque chose.

Qu’est ce que tu regardes ?
Miller, lui, incarne le bad boy (on ne compte plus ses multiples tatouages) qui agit comme un rustre par vocation. S’il est moins agaçant que son comparse, la magie n’opère pas de la même façon, sans doute en raison de son passé d’héroïnomane. L’ambiguïté de ce Sherlock devient évidente et donc moins intéressante par manque de subtilité. La série se rattrape toutefois sur l’évolution de ses personnages, là même où son adversaire britannique échoue. Grâce à son format, Elementary consacre plus de temps à les dépeindre, les faire changer. On voit par exemple la relation d’amitié entre Watson et Sherlock devenir plus forte, tandis que dans la série anglaise, l’évolution semble se faire entre chaque saison, à l’abri du regard du téléspectateur.
Vainqueur : Le jeu parfaitement dosé de Benedict Cumberbatch rend la sociopathie du personnage naturelle et crédible tout en lui apportant des traits d’humanité.
Sherlock 1 – Elementary 0
Round 2 : Le couple Watson – Sherlock
Il n’aura échappé à personne que dans Elementary, Watson est une femme. C’était un risque à prendre, et cela fonctionne plutôt bien. Dans le canon le détective est misogyne, la transposition est donc un véritable tour de force. Dans la série, Joan Watson (Lucy Liu) joue le rôle de sa compagne de sobriété, embauchée par le père de Sherlock et chargée de l’aider à rester clean. Sherlock doit alors composer avec une femme qui le suivra dans toutes ses enquêtes.
Pour rendre ce changement vraiment intéressant et progressiste, la série se doit de ne pas tomber dans le déjà-vu, avec des héros qui finissent par sortir ensemble comme c’est souvent le cas dans les séries procédurales. Pour l’instant on n’en est pas là, mais la série n’est pas finie. Qu’apporte ce tandem mixte ? Il semblerait qu’à part le changement de sexe, les relations entre Sherlock et Watson soient assez semblables dans les deux séries.
Watson contrebalance la folie de Sherlock. Il est le référent en matière de normalité. Dans Elementary, Joan Watson est une ancienne chirurgienne reconvertie en compagne de sobriété après la mort de l’un de ses patients. John Watson (Martin Freeman), lui, est un docteur vétéran de la guerre d’Afghanistan. Quand ils rencontrent leurs Sherlock respectifs, ils sont fascinés par leur capacité à analyser les gens mais ont eux un sens de l’empathie plus développé grâce à leur formation de médecin. Ils font attention à ne pas offenser les témoins des enquêtes et sont là pour rattraper les propos parfois odieux de leurs partenaires.
Dans Elementary, Watson devient un véritable atout dans la résolution des affaires. Petit à petit, on sent qu’elle gagne l’estime de Sherlock. Il lui apprend ainsi à analyser une scène de crime. Ils sont placés sur un pied d’égalité dès les derniers épisodes de la saison 1. Dans Sherlock, bien que Watson participe aux investigations, il est souvent montré comme inférieur à l’esprit affûté de son coéquipier.
Vainqueur : Parce que Watson est une femme et l’égale de Sherlock, Elementary remporte ce tour.
Sherlock 1 – Elementary 1
Round 3 : Moriarty
Je ne dirai que ceci : Andrew Scott est FORMIDABLE en Moriarty dans la série de Steven Moffat. Avec son rôle de criminel psychopathe obsédé par Sherlock, il crève l’écran jusqu’à voler la vedette à Bene’, n’en déplaise aux Cumberbitches (si si, c’est comme ça qu’on les appelle).
De l’autre côté de l’Atlantique, Robert Doherty s’est encore une fois amusé à changer le sexe d’un des protagonistes en fusionnant deux des personnages des romans. Ainsi, Moriarty est une femme dans Elementary, mais pas n’importe quelle femme puisqu’il s’agit d’Irène Adler. Irène Adler ou « The Woman » est le seul personnage féminin de tout le canon holmésien. Elle apparaît dans Un Scandale en Bohême. Dans la série américaine, Irène Adler (Natalie Dormer) est le grand amour de Sherlock. Il la croyait morte et c’est pourquoi il a quitté l’Angleterre et Scotland Yard pour venir s’installer à New York. Il finira par découvrir qu’elle est vivante et qu’elle est également son pire ennemi. Son pire ennemi – au masculin- parce que pas une seconde le détective n’a imaginé que Moriarty pouvait être une femme. Il en prend un coup le misogyne !
Vainqueur : Mon cœur balance entre un Andrew Scott génial et un Moriarty femme. Ex-æquo pour ce round.
Sherlock 2 – Elementary 2
Round 4 : La plus respectueuse de l’oeuvre originale
Sherlock a conservé Londres comme décor tandis qu’Elementary se déroule à New-York. Les deux séries mettent en oeuvre deux approches totalement différentes de l’adaptation. La britannique a conservé les éléments essentiels du canon : le lieu et les personnages. Elle recycle respectueusement les écrits de Doyle en les transposant au 21ème siècle. Par exemple, le premier épisode de la saison 1 s’intitule « A Study in Pink », faisant référence au premier roman de Doyle : Une étude en rouge (A Study in Scarlet).
Elementary quant à elle réinvente totalement le canon. Tout ce qui se trouvait dans l’oeuvre de Doyle appartient désormais au passé. Sherlock poursuit sa vie dans un nouveau pays, travaillant pour un autre département de la police. La série recrée les personnages, à commencer par les changements de sexe de Watson et de Moriarty. Elle prend beaucoup de distance par rapport à l’oeuvre originale pour l’adapter dans un genre et format très populaire aux Etats-Unis : la série procédurale.
Vainqueur : Pour son respect de l’esprit holmésien : Sherlock.
Sherlock 3 – Elementary 2
Vainqueur final : Les deux séries proposent une toute nouvelle lecture de l’oeuvre de Conan Doyle. Toutefois, l’adaptation anglaise des romans anglais avait de fortes chances de battre sa cousine américaine. Le charme british, ça ne s’imite pas. S’apparentant beaucoup trop à une série policière classique, Elementary n’est pas très intéressante dans sa forme, ni dans sa façon de raconter les histoires du fameux détective. En essayant de faire coller le canon holmésien à des codes américains, elle en dénature l’essence. Toutefois, l’idée de changer le sexe de certains personnages principaux reste une prise de risque originale. Sherlock pour sa part propose quelque chose de plus moderne dans la forme, en transposant les personnages et les intrigues originelles dans notre société contemporaine avec ses codes propres.
Bon, bon, cette battle est assez juste. Je craignais un 4-0 mais que nenni. Fervente admiratrice du célèbre détective je n’adhère pas à Sherlock. Et je précise, oui, j’aime bien Benedict Cumberbatch et non je n’ai rien contre les séries britanniques. Il s’agit juste d’une énième adaptation que je trouve ennuyeuse car trop proche du Sherlock classique. Je pense notamment au film de 1939 avec le merveilleux Basil Rathbone ou encore à la série de 1984 dans laquelle Sherlock Holmes était incarné par Jeremy Brett.
En cela Elementary se démarque. D’ordinaire je suis plutôt puriste mais là je dois avouer qu’Elementary et sa vision des personnages m’ont bien plus captivé que le « classique » Sherlock.
Regardez Elementary c’est regarder un show de qualité mais sans identité sherlockienne véritable, ni originalité. Les personnages s’appelleraient Jean-Paul et Lulu, ça ne changerait rien. Sans hésitation, je choisis Sherlock.
Je te rejoins tout à fait. Elementary se regarde facilement mais ressemble à toutes ces séries policières qui envahissent nos écrans. A la limite je préfère encore Mentalist dont le personnage aussi s’inspire de Sherlock Holmes. Puisque qu’Elementary n’entend pas suivre les intrigues du canon, ni garder l’essence de l’oeuvre, à quoi bon se revendiquer comme en étant une adaptation. Comme tu dis ils pourraient s’appeler Tartanpion et Gertrude ce serait pareil. Mais Marion j’ai fait en sorte de pas trop détruire Elementary, je ne voulais pas que tu m’en tiennes rigueur. Et puis la série a quand même de bons côtés.