Etude de pilote : Aquarius

David Duchovny est le type même de l’acteur star de la télé qui risquait de devenir has been suite à l’arrêt de sa série culte. Sauf que contrairement à Matthew Perry (pour n’en citer qu’un) il a su rebondir et nouer de nouvelles cordes à son arc. Ainsi l’agent Fox Mulder est devenu Hank Moody. Problème, après sept ans d’antenne, son show est une nouvelle fois terminé et David, qui aujourd’hui rempile pour une saison d’X-Files, va devoir se trouver un nouveau rôle à hanter. Pour cette seule et unique raison (et absolument pas à cause de nos bas instincts voyeuristes fan de faits-divers et de serial killer), on attendait Aquarius au tournant.

DD

David boira-t-il la tasse ?

Nous sommes en 1967. Une jeune fille de bonne famille, qui a normalement dépassé l’âge de la crise d’adolescence, lasse d’entendre ses parents se disputer, s’éclipse de sa grande maison avec piscine pour suivre un garçon en mal de sexualité. Il l’entraîne dans une fête où elle est remarquée par un homme ténébreux et inquiétant qui, attention surprise, n’est autre que Charles Manson. Cet homme utilise sa cour de trois ou quatre filles pour séparer sa proie du garçon qui l’accompagne, et après quelques discours bien sentis et très convaincants à base de « la ville est un serpent qui va te dévorer », elle les suit. Oui parce que la fille n’est pas seulement belle, elle est aussi incroyablement naïve et influençable. La mère de la jeune fille, alcoolique mais néanmoins inquiète, appelle son ex-petit ami infidèle et flic qui est maintenant célibataire, Sam Hodiak (David comme vous l’aurez deviné), pour retrouver sa fille. Il va s’associer à un autre policier assez jeune pour passer inaperçu dans les groupes hippies, facilitant la traque de Manson-la bête. Oui car Charles Manson est démoniaque. Il tue au couteau, fait des plans à au moins cinq et viole des avocats dans des parkings. Un fou qu’on vous dit.

Manson

J’ai un secret : je suis fou. Mais quand même beau gosse.

Rappelons pour ceux qui n’auraient jamais allumé leur télévision que Charles Manson était, pour la faire court et simple, le chef d’une secte hippie composée principalement de femmes raides-dingues de lui qu’il a manipulées afin de commettre quelques assassinats, le plus célèbre étant celui de Sharon Tate, femme de Roman Polanski à l’époque. La série brode autour de ce personnage ayant vraiment existé. Mais pour que cela puisse passer sur NBC, elle se transforme en un cop-show tout ce qu’il y a de plus classique. Et dans le genre, on ne peut pas dire que le pilote apporte de la nouveauté. Il nous sert un mélange parfait entre Hannibal, pour le côté monstre fascinant (même si franchement, il n’y a rien de fascinant dans la prestation de Gethin Anthony) et de Californication, pour le sexe, les filles dénudées et la patine glamour. Ajoutez-y un tandem de choc de flics BG et bourrés d’humour qui n’ont sûrement jamais vu un vrai flic de près et vous obtenez le premier épisode d’Aquarius. En bref, David Duchovny a beau avoir quitté Showtime pour NBC, il semblerait qu’il ne délaisse pas pour autant ce qui faisait la recette de son scandaleux personnage dans Californication : le cul.

AQUARIUS --

Ça drague sec dans la police.

Sur le papier, la série peut sembler originale. Surtout sur la question du traitement d’un personnage réel par la fiction. Malheureusement dans le pilote l’écriture est pour le moment complètement chaotique. La part belle est donnée à la naissance de la relation entre les deux flics, que tout oppose évidemment mais qui apprendront bien sûr tout l’un de l’autre. Le personnage de Charles Manson est pour le moment le plus gros échec de l’épisode. Il est caractérisé par une accumulation de séquences « scandaleuses » entre sexe et violence, sans qu’aucune scène aille chercher plus loin pour lui donner un peu d’épaisseur. Le charisme de l’acteur principal étant proche de zéro, on repassera pour la fascination du personnage, pour l’instant plus proche d’un serial killer lambda d’Esprits Criminels… Dont on sent d’ailleurs l’inspiration dans l’accumulation d’horreur jusqu’à l’absurdité, enlevant toute réalité au programme pour devenir pure catharsis. Malheureusement, là où c’est une force dans Esprits Criminels, c’est une énorme faiblesse dans Aquarius pour deux raisons. La première c’est qu’elle enlève tout effet de réalisme à une série qui travaille pourtant le fait divers, et l’autre, c’est que contrairement à Hannibal ou Esprits Criminels, Aquarius refuse pour le moment de se laisser entraîner dans la noirceur et contrebalance la violence par une bonne dose d’humour et de vintage. Rien que la bande-son est une compilation de tubes des années 60. Cela donne pour effet un épisode bancal, factice, et qui ne donne pas franchement envie de voir la suite.

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Le vrai Charles Manson. Qui n’est pas beau gosse. Mais qui est fou.

Un seul élément intéressant pour la lectrice de polars que je suis, c’est la thématique de la modernité. Le tandem jeune flic-vieux flic va un peu au-delà de la recette traditionnelle du tandem « comme chien et chat », car il permet d’évoquer la transformation des années 60 survenue aux Etats-Unis dans la police. Avant la fin des années 60, la police avait tous les droits et ceux des accusés n’étaient qu’une blague. Ils se sont développés pendant cette période, transformant drastiquement les méthodes des policiers. Cette thématique est plutôt bien traitée car elle n’est pas (trop) caricaturale. Sam Hodiak n’est pas un ripou qui tabasse tout ce qui bouge et son partenaire Brian Shafe n’est pas non plus un premier de la classe un peu emmerdeur. Néanmoins, on sent les générations s’opposer, à l’aune de ce qui se déroule également dans la société à cette époque. Le duo devient alors une synthèse de deux styles et de deux traditions dans le polar américain. L’investigation classique noire dont James Ellroy est aujourd’hui le meilleur porte-parole, où l’enquêteur doit plonger dans la violence de la nuit pour résoudre un meurtre, contre le style plus nerveux dépeignant la police sous l’angle de l’action et du suspense avec le système d’enquête sous couverture. En gros, c’est le Dahlia Noir contre Donnie Brasco.

donnie brasco

Un autre beau gosse devenu fou.

On sent que les auteurs ont voulu aborder un serial killer historique avec un gros bagage culturel. Malheureusement pour le moment, si cela transparaît dans Aquarius, la série n’a pas pour autant trouvé son point d’équilibre et le mélange des genres confine parfois au grotesque, surtout dans le traitement de Charles Manson. Espérons que le showrunner John McNamara, scénariste et producteur protéiforme ayant aussi bien travaillé sur Loïs et Clark que sur Profit, saura utiliser sa diversité pour nourrir son show plutôt que pour le planter, et offrira à David Duchovny un rôle à sa hauteur – plus original qu’un Hank Moody chez les keufs, ce qu’il est malheureusement pour le moment.

TV STILL -- DO NOT PURGE -- AQUARIUS --

4 réponses à “Etude de pilote : Aquarius

    • Je vais essayer de poursuivre aussi si j’ai le temps. Avec un peu de chance ça va s’améliorer.

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