Alors que l’été se termine peu à peu et que les premières feuilles d’automne commencent à tomber, une petite déprime post-vacances pourrait bien commencer à vous titiller. Si tel est le cas, le remède est simple : vous avez sûrement besoin d’une grande dose de bonne humeur et de deux ou trois fous rires, bref, d’une bonne comédie. Pourquoi alors ne pas se laisser tenter par l’une de celles apparues ces derniers mois ? Si la saison estivale n’est pas forcément l’époque la plus prisée des amateurs de séries, elle peut aussi receler quelques bonnes surprises. Vous l’aurez compris, aujourd’hui nous allons parler de séries drôles (ou tout du moins essayant de l’être). Au programme : un prêtre pas tout à fait comme les autres et le laborieux come-back d’une star vintage. Deux séries venues des Etats-Unis et d’Angleterre pour nous faire mourir de rire. Pari réussi ?
Impastor, mon curé chez les BCBG
Vous souvenez-vous du fringant Michael Rosenbaum ? Immortalisé dans le rôle de l’ennemi intime d’un jeune Superman dans la série Smallville, Rosenbaum aurait pu être l’homme d’un seul rôle. Pas facile de poursuivre une carrière diversifiée lorsque l’on a joué pendant dix ans le rôle iconique de Lex Luthor, l’un des méchants les plus célèbres des comics US. Avec le rôle de Buddy Dobbs pourtant, Michael pourrait bien avoir trouvé là l‘opportunité de nous faire totalement oublier son passé.
A mille lieues du génie du crime Luthor, Buddy Dobbs est ce qu’on pourrait appeler un loser fini. Petit escroc sans envergure, il est parvenu à se mettre dans une situation sans issue en mentant aux mauvaises personnes. Criblé de dettes, recherché par ses usuriers pour un règlement fatal et de surcroit largué par sa petite amie, Dobbs ne pensait n’avoir d’autre choix que d’en finir promptement avec la vie. C’était sans compter sur un concours de circonstance des plus improbables lui offrant la chance de pouvoir prendre l’identité d’un bon samaritain un peu trop maladroit. Et voilà comment un petit délinquant devient sous nos yeux le révérend Barlow, pasteur récemment excommunié de sa paroisse pour avoir fait son coming out. Une seule mission lui incombera désormais, préserver son secret à tout prix face à des voisins un peu trop curieux. Les voies du seigneur sont définitivement impénétrables.
Autour de Buddy Dobbs gravite une galerie de personnages aussi hauts en couleurs que clichés. Dora Winston (Sara Rue), l’assistante grenouille de bénitier, Alden Schmidt (David Rasche) le gardien des traditions et notable local, ou encore Alexa Cummings (Mircea Monroe) et Russell Kerry (Mike Kosinski), personnages aussi hystériques l’un que l’autre, tombés sous le charme de notre pasteur amateur. Difficile de ne pas penser à Desperate Housewives ou à Suburgatory dans ce voisinage si stéréotypé que l’on a parfois l’impression d’entrer dans une véritable carte postale de l’Amérique modèle. Au milieu de ce petit tableau parfait de la société bon chic bon genre, Buddy apparait comme un chien dans un jeu de quilles. Un peu comme avec le personnage de Tessa dans Suburgatory, l’irruption d’un individu à mille lieues des codes de la bourgade produit un contraste plutôt caustique. Le principe n’est pas d’une originalité folle mais il prend ici un accent assez réjouissant avec le concept du mensonge permanent dans lequel s’enferme Buddy. Comme quoi, deux concepts assez classiques peuvent parfois produire un résultat surprenant.
Le plus inattendu dans cette série, c’est son ton. Là où Suburgatory jouait la carte de l’affrontement des cultures avec un humour plutôt familial, Impastor fait le pari de l’impertinence. Irrévérencieuse et joyeusement décomplexée, la série n’hésite pas à provoquer en multipliant les situations gênantes et les répliques bien senties. Si vous avez envie de voir un prêtre se préparer un melon masturbatoire, si vous êtes prêts à voir un notable embrasser passionnément un poil pubien ou si vous avez toujours rêvé d’entendre la phrase « comment as-tu pu sucer le pasteur ?», bienvenue, vous avez frappé à la bonne porte. Comme un adolescent disant merde à ses parents, la série semble jouer les rebelles pour ne pas nous laisser indifférents. Alors oui, l’humour est gras et souvent un brin gênant. On adhère ou pas mais le contraste entre le cadre que l’on dirait tout droit sorti d’une sitcom ABC et l’irrévérence omniprésente s’avère plutôt efficace. Dommage que la série se montre si souvent bas de plafond, on aimerait parfois que d’autres registres un peu plus subtils s’invitent à la danse pour que l’on décolle un peu de cet aspect cour de récré.
Buddy Dobbs s’avère en tout cas intéressant en lui-même car il porte toutes les caractéristiques de la mode actuelle des anti-héros. Lâche, menteur, je-m’en-foutiste avéré, Dobbs n’est pas vraiment le héros typique d’une comédie US. Il agit avant tout dans son propre intérêt, dans le but merveilleux de mener une vie planquée loin de tout ennui. Si l’on a pu suivre sans sourciller la transformation d’un prof de chimie en génie du crime dans Breaking Bad ou si l’on accompagné avec délectation les manœuvres les plus cyniques de Frank Underwood dans House of Cards pourquoi ne pourrait-on suivre avec le même plaisir les tribulations d’un petit escroc se faisant passer pour un prêtre ? La tendance des héros négatifs n’avait pas encore vraiment touché les comédies, voilà peut-être le début d’une nouvelle mode.
L’individualisme forcené comme ressort comique, voilà qui pourrait s’avérer une très bonne idée si seulement Impastor assumait totalement son côté provocateur. Mais malgré la noirceur qui émane du concept et de l’humour cynique omniprésent, Impastor s’avère finalement étonnamment tendre. Les voisins si stéréotypés ne demandent qu’à être bousculés pour mieux révéler leur générosité, tandis que Dobbs lui-même s’avère plus être un loser en quête d’un foyer qu’un véritable salaud. Presque décevant. Gageons tout de même qu’un anti-héros à la sauce comédie ne peut pas vraiment dissoudre ses voisins à l’acide pour nous faire rire. Tant pis pour le paradoxe, on fera avec la générosité en espérant qu’elle ne vienne pas atténuer l’ironie de la série.
Hoff the Record où le come-back impossible
Ceux qui ont vécu dans les années 80 et 90 ne peuvent pas ignorer qui est David Hasselhoff. Symbole de la virilité motorisée des années 80 avec K 2000, apollon des mers en maillot rouge des années 90 avec Alerte à Malibu, Hasselhoff a dépassé le statut d’acteur pour devenir une sorte de mythe, une icône kitsch représentant toute une époque. D’aucuns diront que ce n’est pas forcément l’époque la plus glorieuse à représenter mais il n’empêche, The Hoff a su conserver son statut d’idole de manière peu commune. Malgré tout, force est de constater que le mythe est un peu essoufflé aujourd’hui. David Hasselhoff a désormais 63 ans, ses glorieuses années passées à courir au ralenti sur des plages de sable fin semblent bel et bien derrière lui. Pourtant, si l’acteur est au creux de la vague, il a bien l’intention de prouver qu’il possède encore le feu sacré. Pour faire son retour en grâce, Hasselhoff possède une toute nouvelle stratégie. Sa reconquête des foules passera par l’Angleterre ou ne se fera pas. « Aidé » par une équipe de bras cassés finis, Hasselhoff est prêt à s’essayer à tout pour faire parler de lui, quitte à y perdre au passage une bonne part de dignité.
Avec un tel principe, nul doute qu’Hoff the Record aurait pu être une téléréalité des plus intéressantes. Pourtant, c’est bien une comédie que la chaîne britannique Dave nous a concoctée. Utilisant les codes du documentaire, caméra à l’épaule, prises de vue « volées » et interviews confessions, Hoff the record nous invite à nous immerger dans l’entourage d’une star pas tout à fait comme les autres. A l’instar d’une série comme Entourage, l’équipe compte tout autant que la célébrité elle-même. Entre son agent Max (Fergus Craig), totalement incompétent et ne croyant absolument pas en ce qu’il fait, son chauffeur Terry (Asim Chaudhry), misogyne et obsédé, son assistante Harriet (Ella Smith), totalement perdue dans le monde du show biz, et enfin son fils Dieter récemment retrouvé (Mark Quartler), un brin raciste et néo nazi, David Hasselhoff est entouré par la pire bande de l’univers. Personne ne peut vraiment l’aider si ce n’est en commentant de manière totalement inappropriée ce qu’il essaie de faire pour s’en sortir. Que ce soit pour essayer de figurer dans son propre biopic ou de tenter de devenir ambassadeur de l’ONU, toutes les stratégies de come-back tournent invariablement à la catastrophe burlesque. Avec un tel entourage, Hasselhoff n’est jamais bien loin de sombrer définitivement. Ses acolytes sont idiots et incapables, et pourtant ils ont pour eux une éternelle bonne volonté qui nous donne envie de faire partie de la bande. Est-ce par une curiosité un peu mal placée, nous donnant envie de voir jusqu’où ira la catastrophe, ou parce que la dynamique de la bande fonctionne ? Sans doute un peu des deux, mais une chose est sûre : on se laisse vite entraîner dans les aventures de cette bande de losers magnifiques.
La performance de David Hasselhoff vaut à elle seule le détour. Jouer son propre rôle, surtout lorsqu’il s’agit d’un des rôles principaux dans une série comique, peut vite tourner à la caricature. Si Matt Leblanc a réussi ce pari avec Episodes, il existe peu d’autres exemples. Comment parvenir à faire preuve d’autodérision sans tomber dans le sur-jeu, ou au contraire dans la moquerie un peu trop sage ? Pour Hasselhoff, la réponse ne passe par quatre chemins : quitte à faire rire de soi-même, autant y aller jusqu’au bout. Résultat, un exercice de style sur le jeu décomplexé assez fascinant à regarder. De ses chansons à ses rôles iconiques jusqu’à ses problèmes d’alcool, tout y passe, tout est prétexte à la satire. Si regarder quelqu’un faire preuve d’autant d’autodérision est assez fascinant à voir on ne peut s’empêcher d’être un peu gêné par un tel étalage des aspects un peu ridicules voire même beaucoup plus tristes de la vie de l’acteur. Se jouant de lui-même, Hasselhoff en fait souvent des tonnes pour montrer à quel point toutes les images qui lui collent à la peau (séducteur, idiot, déphasé par rapport au monde moderne) ne sont que des stéréotypes dont il peut aujourd’hui se moquer. La confusion entre la réalité et la fiction est parfois troublante d’autant que l’acteur a depuis longtemps déjà commencé ce travail d’ironie sur lui-même. On ne peut sortir de là qu’avec une grande sympathie pour The Hoff mais le pathétique de l’histoire pourrait bien nous faire aussi éprouver un malaise gênant.
Au-delà d’Hasselhoff, le sujet du vieillissement d’une star confronté à la cruauté d’un monde du show biz qui l’a oublié s’avère beaucoup plus sombre que ce que l’on pourrait attendre d’une telle série. Comme Episodes mais avec un tout autre ton, cette comédie n’est pas tendre avec le monde des médias, son culte de l’apparence et ses buzz vides de sens montés autour de l’imbécilité de célébrités trop pressées de faire parler d’elles. Le culte de la célébrité en prend un sacré coup avec cette vision absurde d’une star ayant à tout prix besoin de rester sous les projecteurs pour continuer à exister. Maniant humour décalé et cynisme moqueur, la série parvient à être drôle en usant de situations de plus en plus pathétiques pour mieux s’en moquer. Satire de la téléréalité broyant ses stars du jour au lendemain aussi bien que des stars elles-mêmes et de leurs egos démesurés, la série n’épargne personne. La mise en scène elle-même, proche de celle de The Office ou de Parks and Recreation, renvoie à ces docu-réalité si présent dans la télévision US où l’on peut observer les faits et gestes de célébrités en mal de reconnaissance, voire en manque de talent. Difficile de ne pas penser aux émissions suivant la famille Kardashian ou autres stars sur le retour comme Tori Spelling par exemple. Si la popularité de ces shows ne fait pas de doute, le vide abyssal de contenu nécessitait bien une satire.
Foutraque et partant un peu dans toutes les directions, Hoff the Record est un OVNI assez inattendu dans le monde des comédies. Loin d’être parfaite, la série propose néanmoins une critique des médias assez rafraichissante au fil d’épisodes plus surprenants les uns que les autres. On ne sait pas toujours où l’on va dans cette courte première saison mais il y a là en tout cas une originalité intéressante qui mérite vraiment la découverte. Une chose est sûre, vous ne verrez plus jamais David Hasselhoff comme avant.