Serge vous avait prévenus le mois dernier : on n’a pas fini de parler de la Trilogie du samedi. Aujourd’hui, on parle de science-fiction niaise, d’un monument du fantastique et d’un show cool mais oublié dans une sélection spéciale « pouvoirs et responsabilités » : Smallville, Buffy contre les vampires et Tru Calling.
Smallville
Clark Kent n’a pas toujours été journaliste à Metropolis. Il a aussi été un ado un peu gauche, qui a connu la friendzone et les bals de promo dans un coin paumé du Kansas. Bien entendu, il avait déjà les différents super-pouvoirs qui allaient faire de lui un personnage emblématique ; les dernières saisons de la série le voient commencer sa carrière de super-héros/reporter, ainsi que sa relation avec Loïs Lane. Mais le concept initial, ainsi que la majeure partie des épisodes, sont consacrés à la période de gestation qui a donné naissance à Superman.
L’idée de ce récit initiatique était très prometteuse. En effet, on ne se réveille pas un jour en ayant une idée de logo et une aura messianique, même quand on est kryptonien. Quoi qu’on puisse en penser, porter une cape et un slip rouges par dessus une combinaison bleue nécessite beaucoup de confiance en soi, quelque chose dont on peut manquer quand on découvre qu’on est un extraterrestre et l’un des derniers représentants de sa propre race.
Avant de pouvoir sauver le monde de manière efficace, Clark doit de plus apprendre à maîtriser ses pouvoirs – une vision laser, ok, mais à condition de ne pas l’activer accidentellement en clignant des yeux. En fait, les différentes caractéristiques de Superman semblaient faites pour développer un modèle de série ado : un héros différent, qui doit apprendre à coexister avec ses (presque) semblables tout en gérant ses émotions (et sa super-vitesse, et sa super-force, et…) grâce à son petit groupe d’amis et à sa famille (adoptive). Bref, une histoire de coming of age avec un twist de science-fiction, un nouveau Roswell.
Cependant, dès le début de la série, il a été clair que le développement des personnages passait au second plan. La multiplication des standalones*, la recherche du suspense à tout prix, les rebondissements et retournements de situation tirés par les cheveux, les complots injustifiés de Lionel Luthor : autant d’éléments qui font de la série un divertissement sympa, sans plus. Les antagonistes que l’on retrouve dans un seul épisode, souvent des camarades de classe de Clark qui ont été irradiés par les météorites kryptoniennes, constituent des monsters of the week au même titre que ceux qui ont peuplé X-Files ou Buffy, mais sans avoir l’intensité évocatoire des uns ni la valeur métaphorique des autres. Par ailleurs, Clark est d’ores et déjà destiné à devenir un super-héros, sans que ce statut soit remis en question par la série. Il sauve ses amis, lutte contre les méchants, hésite rarement : son adolescence à Smallville, c’est un camp d’entraînement. Lorsque Clark fuit ses responsabilités, c’est sous l’influence de la kryptonite rouge.
Smallville a aussi pâti de l’interprétation de son personnage principal. Tom Welling avait dix ans de plus que Clark dans la série ; en soi, ce n’était pas forcément dérangeant, mais l’acteur est aussi un cas d’école de l’expression faciale unique. Il était parfois possible de déceler ses émotions dans un léger fléchissement des sourcils, mais seules deux principales variations semblaient exister tout au long des épisodes : le Clark soucieux et le Clark en colère. Ses acolytes, Chloé et Pete, souffrent eux d’un sérieux manque de charisme – difficile d’ailleurs de ne pas voir dans Chloé une sous-Veronica Mars, alors même que le personnage de Kristen Bell a été créé quatre ans après le début de Smallville. Le béguin de Clark pour la charmante Lana, lui, retenait modérément l’attention d’une audience qui n’attendait que Loïs. Enfin, la transition de Lex Luthor, depuis meilleur ami jusqu’à némésis, ne m’a pas vraiment convaincue alors même qu’elle était prévue. De ce fait, je n’ai pas suivi la série assidûment, et je ne compte pas en regarder les trois dernières saisons…
Buffy contre les vampires
Comment écrire sur Buffy ? Comment lui consacrer quelques paragraphes seulement alors qu’elle mérite des articles entiers, des blogs dédiés, des thèses monomaniaques ? Je suis même bien en dessous de la réalité puisque la série a donné lieu à une discipline universitaire aux États-Unis, les buffy studies, dont on peut voir l’étendue sur ce très sérieux site. Bref, tout ce que je pourrais dire sera forcément parcellaire, et pas du tout représentatif de l’amour infini que je porte à cette série, soyez-en convaincus.
Aujourd’hui un peu ringarde, beaucoup de gens semblent s’en souvenir avec un mélange d’affection et de gêne. Pourtant, Buffy était un rendez-vous immanquable et emblématique de la Trilogie du samedi, et constituait un incontournable sujet de conversation. Ce n’est pourtant pas à cette époque que j’ai pu l’apprécier à sa juste valeur, et si je bravais parfois l’interdiction aux moins de 12 ans, c’était seulement pour ne pas être totalement dépassée. C’est bien plus tard que la magie a opéré, lors d’obscures rediffusions sur Séries Club, alors que la série était déjà démodée. Le début des années 2000 a marqué le début de nombreuses bonnes séries ; en comparaison, le titre simpliste, les démons en carton-pâte et les haches en plastique de Buffy ne pouvaient que sembler risibles, comparables à ceux de Charmed.
Les deux premières saisons du show ne sont pas les plus intéressantes, et peuvent conduire à le sous-estimer. Buffy, la Tueuse, massacre des vampires à longueur de nuit dans une ville de Californie ; elle doit aussi affronter une méchante créature, plus menaçante que les autres, qu’elle ne vainc le plus souvent qu’au dernier épisode de la saison. Pourtant, déjà, on peut percevoir l’originalité de la série lorsque ce « boss de fin » n’est autre qu’Angel, son soupirant de la première saison. Ensuite, le récit remettra sans cesse en cause son statut d’Élue et d’héroïne, allant jusqu’à la faire mourir dans un épisode inoubliable. Sa surpuissance, bien utile pour contrer l’Apocalypse, ne l’aide en rien dans le « monde réel », celui où sa mère est malade, où elle n’a pas de diplôme, et où son rythme de vie particulier la rend marginale. Surtout, sa force surnaturelle lui promet un destin violent et meurtrier ; elle est la seule à pouvoir lutter, ressent donc une obligation qu’elle ne peut fuir. Ses rares escapades la ramènent toujours au danger, et elle se sait condamnée à mourir au combat et à faire courir des risques à tous ceux qu’elle aime. Ses fidèles comparses devront effectuer la même prise de conscience ; de fait, seuls Xander et Willow survivront et resteront toujours à ses côtés, coûte que coûte.
La fin de la série n’est qu’à moitié optimiste : les héros gagnent, oui, mais à quel prix ; le risque d’apocalypse et les combats sont seulement reportés, décalés dans une autre ville. Une conclusion en demi-teinte digne d’une œuvre télévisuelle marquante, qui a laissé une véritable empreinte dans la pop culture et probablement inspiré la majeure partie des shows ultérieurs. Je n’ai personnellement jamais retrouvé un univers de fiction qui m’ait paru aussi réel, tout fantastique qu’il soit.
Tru Calling : Compte à rebours
Tout juste sortie de Buffy, et avant de retrouver Joss Whedon dans Dollhouse, Eliza Dushku a joué dans cet étrange croisement entre le Sixième Sens et Un jour sans fin. Si la série vous a laissé un souvenir, c’est sûrement celui d’un show typique 90’s, avec son générique fait de surimpressions aux couleurs criardes sur chanson pop à voix féminine. Effectivement, même en 2003, c’était déjà de mauvais goût. Mais vous pourriez vouloir redonner sa chance à cette petite série qui s’est trompée d’époque.
Tru Davies a assisté dans son enfance à l’assassinat de sa mère. Elle s’apprête à commencer des études de médecine, et trouve en attendant un emploi dans une morgue. Dans cet environnement macabre, elle découvre que certains cadavres s’éveillent en sa compagnie pour lui demander de l’aide. Elle revit alors la journée qui précède pour tenter de les empêcher de mourir. Chaque épisode repose donc sur sa lutte pour sauver un insouciant quidam d’une mort certaine. Cet étrange pouvoir a bien entendu quelques répercussions sur ses études, sa vie sentimentale, ses relations avec son frère, sa sœur, ses amis… Son patron compréhensif est un Zach Galifianakis tout en blouse blanche et chemise à carreaux, qui ne laisse rien paraître de son potentiel Very Bad Trip.
La série a été prématurément arrêtée au cours de sa deuxième saison, alors même qu’elle montrait du potentiel. L’enchaînement répétitif des interventions de Tru laisse en effet vite place à une altercation avec un autre personnage doué du même pouvoir, Jack Harper, qui préfère confirmer la mort d’une personne pour ne pas changer le cours du temps. Son statut de « méchant » est en réalité très nuancé, et on se surprend à penser qu’il n’a peut-être pas tort. Tru voit son don surnaturel comme un devoir d’aider son prochain, mais l’utilise aussi à des fins personnelles, pour changer le cours d’une mauvaise journée ; Jack met lui un point d’honneur à ne modifier strictement rien au déroulement de ses activités, même s’il en regrette les modalités. Tous deux ont donc des visions antagonistes de leur pouvoir et de leurs responsabilités, et l’apparente évidence morale n’offre pas de réponse satisfaisante. Mine de rien, la série propose donc quelques bribes de réflexion sur la mort, évoque de façon détournée le principe du paradoxe temporel, et recèle des passages vraiment émouvants. Tru Calling reste avant tout divertissante, notamment avec le personnage du frère blagueur, le compte à rebours jusqu’à l’instant fatidique, et les intrigues sentimentales qui prennent une place considérable au sein des épisodes ; mais son concept était assez prometteur, et je ne serais pas contre un remake plus dramatique et sérieux.
Buffy et Tru sont deux séries que j’affectionnent particulièrement et que je ne me lasse pas de voir en DVD, en particulier la seconde. J’adorais l’effet glauque de la morque, celui de Davis et d’Harrison et de la relation très tumultueuse entre Jack et Tru, qui selon moi était gentil. Dommage qu’il n’y ai eu que deux malheureuses saisons. Comme tu dis, un remake plus sérieux serait le bienvenue.
+1 LifeOMely: truecalling et Buffy, j’en suis totalement fan ;) Bon c’est vrai que Buffy était plutôt simpliste. Mais TrueCalling était un peu plus réfléchi dirons nous… Ces science fiction niaises me manquent ;)
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