Etude de pilote : Looking

Un ami gay me disait avoir l’impression de se rendre à un repas de famille à l’approche du pilote de Looking, et je dois avouer avoir ressenti un sentiment de curiosité mêlé d’obligation : en tant que spectateur homo ascendant hipster, je me voyais mal passer à côté de cette série, et mon regard sur elle n’en aura été que plus critique et sévère. Tout le monde ici sait que je suis fan de Girls (j’ai même écrit une lettre à Lena Dunham après l’avoir rencontrée), série dont on n’a pas cessé de rapprocher Looking , sans doute à tort.
Retour sur le pilote de la nouvelle série pédé-branchouille d’HBO.

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Patrick, la trentaine, est un « level designer » dans une boîte de jeux vidéos, un gay geek qui cherche l’amour désespérément, sur les sites de rencontres ou IRL, mais qui aborde les mecs avec maladresse. Son coloc Agustin est un artiste barbu en couple avec Franck, qui lui propose d’emménager à deux en banlieue ; Agustin, peu convaincu, préfère stimuler sa relation en faisant des plans à trois. Enfin, Dom est le playboy moustachu de la bande, une sorte de serial fucker au physique retro qui n’est pas sans rappeler le Brian Kinney de Queer as Folk, série phare du milieu gay sur laquelle Fred avait fait un coup de projo dans les débuts de Séries Chéries. Le problème de ces personnages, c’est qu’ils sont de prime abord exclusivement présentés selon leur rapport à la sexualité : le célibataire en quête d’amour, le mec en couple, le célibataire en quête de sexe, alors qu’on voudrait les voir aux prises avec des problématiques plus diverses, laissant leur orientation sexuelle en arrière-plan.

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Contrairement à Girls, où les personnages d’Hannah, Marnie, Jessa et Shosh ont des tics de langage, des coiffures et des tenues improbables, les garçons de Looking sont d’une banalité effarante. Tout est fait pour gommer les fameux « clichés » et montrer de « vrais gays » qui sont « comme tout le monde ». Ils sont beaux sans êtes des mannequins, ils ont tous de grands appartements et des jobs cool. Mais à vouloir être plus vrais que nature, les personnages de Looking en deviennent chiants. Où sont les bourrelets et les cosses d’opium, et les scènes de supplication d’une vingtenaire qui vient jouer la comédie en pleine nuit dans la chambre d’hôtel de ses parents pour leur soutirer de l’argent ? Où sont Adam et son appartement chelou rempli d’outils, et le niaisou Charlie qui s’écriait « oh my god » comme un ado en transe dès qu’il couchait avec Marnie ? Dès le pilote, Girls nous imposait un univers à la fois réaliste et barré, mais qui n’empêchait pas l’identification, tandis que Looking propose un monde de hipster hyper réaliste où chacun pourra se dire « han mais c’est trop vrai c’est exactement ça ». Les scènes de mamours entre Agustin et Franck ou les dialogues entre Dom et sa coloc m’ont laissé perplexe, j’avais l’impression d’être un peu en trop, ou pas vraiment concerné.

LOOKING

Evidemment, nombreux sont les commentaires positifs de type « oh ils sont trop choux ». Les gays ne sont plus des folles ni des mecs qui se posent tout un tas de questions sur eux et envisagent (ou pas) de faire leur coming-out, il faut qu’ils soient hipsters comme tout le monde, un peu losers mais pas trop, un peu beaux gosses mais pas trop. Dommage, car les personnages de Dave Fisher dans Six Feet Under, ou de Kerry Weaver dans Urgences, restent pour moi les personnages homosexuels les plus intéressants et les plus attachants de l’histoire des séries. Ici j’ai une terrible sensation de déjà-vu, entre le film Week-end d’Andrew Haigh, Keep the Ligts On d’Ira Sachs,  ou pire encore : le soporifique I Want Your Love de Travis Mathews qui se déroulait d’ailleurs lui aussi à San Francisco. Enfermé dans ce nouveau genre (le film gay indé qui alterne entre dialogues naturalistes et scènes de sexe réalistes) il me semble que Looking ne propose rien de vraiment nouveau et n’arrive pas à la cheville de sa grande sœur de Brooklyn, que ce soit au niveau de la psychologie des protagonistes, de l’humour, ou de la représentation de la sexualité à l’écran. La série me semble trop timorée et consensuelle, elle risque de s’endormir dans ses jolis plans d’une ville embrumée et dans la stratégie du soap qui consiste à faire défiler à l’infini des histoires d’amour passagères, au lieu d’explorer vraiment, comme le fait Lena Dunham avec la génération Y et les femmes d’aujourd’hui, les crises que traversent les gays et leur communauté dans les années 2010.

4 réponses à “Etude de pilote : Looking

  1. Eh bé, effectivement, c’est sévère !
    J’aime beaucoup Girls mais je me rends compte que je ne dois pas autant l’apprécier car j’ai découvert Looking sans chercher à y trouver Lena ;o)

    • Tu sais j’ai VRAIMENT essayé de donner sa chance à Looking, j’ai maté presque toute la saison 1 mais sans pouvoir tenir jusqu’au bout :(

  2. Cette comparaison avec Girls m’a donné envie de découvrir Looking puisque je n’avais pas spécialement apprécié les « Broolkyn girls » au premier essai ^^ (Logique, j’allais forcément adorer Looking après avoir lu cette critique ! ) J’ai bien fait, visionnage du pilote plutôt concluant. C’est un peu tôt pour poser un verdict mais c’est, semble-t-il, une série sans trop d’ambition, « à l’ancienne » mais où l’on s’attache vite aux personnages. Alors il y aura forcément beaucoup de défaut, de clichés et de déjà-vu mais c’est ce genre de programme avec une bande bien sympathique que je recherchais. :)

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