Après la stupeur qui a saisi la communauté de fans suite au dernier épisode de The Good Wife, de nombreux débats ont fleuri partout sur la toile. Certaines personnes allant même jusqu’à avouer qu’elles ne regardaient pas la série. Séries Chéries, toujours très sérieux dans sa mission de rétablissement du bon goût pour tous, a sélectionné pour son courrier des coups de cœur ce défi lancé par notre confrère Yann K. dont on adore le blog :
Le courrier des lecteurs de Séries Chéries peut-il me convaincre de reprendre The Good Wife ?!
Challenge accepted. Voici nos 10 raisons de regarder The Good Wife.
1) Parce que la série fait exploser les codes du procedural
L’excuse n°1 pour justifier un abandon de la série serait une lassitude par rapport au procedural* judiciaire. Ce que je peux comprendre vu l’explosion de ce type de programme (même s’il faut convenir qu’on est très loin de la sclérose des cop shows*, ce que Maguelonne a très bien expliqué dans son article précédent). Mais l’argument ici ne peut pas tenir une seule seconde. Pourquoi ? Tout simplement parce que la série a l’intelligence de travailler cette forme surannée et de faire exploser les conventions. Comment ? De deux manières : d’abord en trouvant le point d’équilibre entre l’affaire de l’épisode et la partie feuilletonnante. A chaque fois, l’affaire du cabinet ne représente que 50% de la narration, quand elle représente de 85% à 95% dans un procedural classique (House, les Experts…) De plus, contrairement à un procedural normal, où l’affaire est le point central qui justifie la série, et où les relations entre les personnages ne sont là que pour cacher les mécanismes de la machine, dans The Good Wife les valeurs sont inversées. Chaque situation de droit est là pour servir à faire avancer les intrigues psychologiques, amicales et amoureuses qui ne sont pas du surplus. Ce qui permet d’utiliser l’efficacité narrative de ce type de programmes, en évitant l’écueil de la répétition.
2) Parce qu’après on peut passer le barreau aux Etats-Unis
Dans cette même volonté de toujours se réinventer d’épisode en épisode pour ne pas faire un show calibré et lassant, Michelle et Robert King font un effort pour aborder chaque affaire de droit d’un nouveau point de vue. En 5 saisons, aucun dossier n’aura été le même : l’enquête pour sauver un innocent, les procès avec jury, Grand jury, sans jury, les négociations d’entreprise, le droit des contrats, la gestion d’un cabinet, la conciliation, les affaires politiques… Tout y passe pour que le plaisir reste intact. On voit tellement de sujets différents dans la série qu’on est paré à toute situation juridique en cas de gros pépin à Chicago. On est bien loin d’un procedural classique où l’on pourrait écrire l’épisode soi-même (hello le retournement de situation à la trentième minute de Dr House !)
3) Parce que TOUS les personnages sont soignés
La qualité d’écriture de la série ne se voit pas uniquement dans la structure des épisodes. On la sent également dans la manière d’aborder les personnages. Qu’importe leur place dans la série, ils ont tous droit à un traitement approfondi. Que se soit Eli Gold, Elsbeth Tascioni ou encore les personnages de juges, ils ont tous le droit d’imposer, à un moment, leur personnalité et leur originalité au reste de l’épisode. Et ce même si leur présence est moins importante dans le reste de la série. Difficile voire impossible de choisir son camp dans les différends qui opposent les personnages puisqu’on a de l’affection -ou au moins de l’attachement- pour chacun d’entre eux. Résultat, les tensions dramatiques sont intensifiées et cela donne une complexité et une profondeur supplémentaire au show, qui ne se contente pas d’exposer son personnage principal, dont on devrait approuver toutes les actions les yeux fermés. Il arrive même qu’on puisse franchement condamner les choix d’Alicia Florrick. Dans certains épisodes, elle n’est même pas le personnage central, seulement à égalité avec les autres.
4) Parce qu’il n’y a pas de mauvais épisode
Grâce à cette qualité d’écriture, il n’y a jamais vraiment de mauvais épisode. Il y en a de moins bons, certes. Un peu moins rythmés, dont l’affaire principale est moins intéressante, qui résout moins bien les intrigues commencées… Mais on n’a jamais vu dans la série un épisode nul, ennuyeux, déjà vu mille fois, qui donne envie de tout arrêter. Il y a toujours soit le charme de la nouveauté, soit le plaisir de retrouver certains personnages.
5) Parce que c’est un exemple de féminisme
On a beaucoup évoqué la série lors de notre table-ronde sur les femmes. Il y a d’abord le personnage d’Alicia Florrick, qui a tout abandonné pour la carrière de son mari et qui doit se remettre en selle après la trahison publique de celui-ci. On voit la difficulté pour une femme de revenir dans le monde du travail, de mettre en avant ses qualités personnelles et non ses connexions avec son époux haut placé en politique, la difficulté de conjuguer ambitions personnelles, vie de couple et travail de maman… En bref, l’abnégation, le courage et le travail qu’il faut pour répondre aux attentes de la société, être la femme parfaite, une femme moderne. Les autres personnages féminins permettent également d’évoquer ces questions. Kalinda est l’archétype de la femme forte, libérée et sans attache, ce qui ne va pas sans solitude. Diane Lockhart, quant à elle, est une femme de conviction, très engagée au parti démocrate, qui partage la gérance du cabinet avec Will Gardner. Elle est sûre d’elle, la raison incarnée, ce qui entre parfois en conflit avec sa vie personnelle. On peut également citer d’autres personnages féminins récurrents : Elsbeth Tascioni, la caution humoristique de la série, Jackie Florrick, la femme d’un autre temps qui ne jure que par son fils, Veronica, une femme légère et libérée, et Patti Nyholm, l’un de mes personnages préférés, avocate arriviste qui se sert de son statut de nouvelle maman pour manipuler les juges. Bref, un monde où les femmes peuvent être ce qu’elles veulent, ne sont jamais des faire-valoir et font aussi bien, voire mieux que les hommes (eux-mêmes souvent dépassés par leurs sentiments et les décisions difficiles qu’ils doivent prendre). Sur la question de la place des femmes au travail, la série est résolument moderne, et ne se contente pas de faire des constats, comme pourraient le faire Mad Men ou Masters of Sex, elle propose carrément un nouveau modèle.
6) Parce que c’est drôle mais pas que
Même si la série traite de sujets dramatiques, c’est souvent léger, et nombre de personnages sont là pour assouvir les pulsions comiques du show. Contrairement à ce que l’on peut penser, l’humour n’est pas gentillet et provient beaucoup de la méchanceté de certains personnages. Il ne faut pas oublier que l’on est dans un monde de requins ! Bon point également pour la série, on est loin des clichés et des sentiers battus. Pas de dialogues-mitraillettes, ni de répliques en veux-tu en voilà avec des blagues à base d’insultes et de traits d’esprit. Les showrunners* choisissent plutôt de jouer sur le décalage. D’un coup, on assiste à une situation complètement inattendue, qui fait surgir l’humour. Encore une fois, on est loin des calibres de la création contemporaine. Cet humour rafraîchissant est en parfait équilibre avec les moments graves ou d’émotions sans que jamais l’un ou l’autre des sentiments ne tire la couverture à lui.
7) Parce que niveau casting, c’est une orgie
Les guests c’est important et ça fait toujours plaisir. Laissons de coté Chris Noth, alias Big de Sex and the City, qui plus qu’un guest, est un personnage à part entière. Signalons la présence d’au moins un tiers du casting de The Wire. Toujours un régal de les retrouver. Dans The Good Wife, on a également la chance de voir Michael J. Fox. C’est l’un des meilleurs personnages de la série : un rôle récurrent d’avocat véreux qui utilise tous les moyens pour gagner, même son handicap physique. Un excellent moyen d’intégrer l’acteur et de lui offrir un rôle à sa mesure, sans utiliser sa maladie pour nous toucher ou nous émouvoir. Un traitement comme les autres. On peut également signaler l’apparition de Matthew Perry en politicien menteur et insupportable et le grand bonheur qu’on a à retrouver Stockard Channing, Madame Bartlett dans une autre série coup de cœur, The West Wing. Les épisodes qui mettent en scène la confrontation entre Carrie Preston (de True Blood) et Kyle MacLachlan (Twin Peaks et Desperate Housewives) sont un délice de bizarrerie. Bref, chacun reconnaîtra dans la série des acteurs qui nous ont émerveillés ailleurs.
8) Parce qu’elle ose prendre des risques
Difficile de parler des risques pris par la série sans spoiler*, mais sachez que les créateurs n’hésitent pas à remettre radicalement les intrigues des uns et des autres en question pour ne pas tomber dans un train train sentimental facile entre les personnages. Celui qui n’a pas vu la saison 5, ne pourra pas vraiment se rendre compte de l’audace des scénaristes sur certains arcs narratifs*.
9) Parce que Julianna Margulies
Vous l’avez découverte dans Urgences, et vous l’aimiez déjà. Pourquoi, outre son jeu, les fans sont-ils si attachés à elle ? Parce qu’elle tranche radicalement avec les standards et les canons de beauté hollywoodiens. Ok, elle aussi est un petit peu passée sous le bistouri. Mais elle n’est pas blonde, n’a pas de forte poitrine ni de grands yeux, n’est pas jeune, n’est pas exubérante ni toujours affable mais a le charme discret de quelqu’un qui tente de faire son petit bout de chemin à l’abri des regards. Une femme qui ne se révélera que si on prend le temps de la regarder et n’hésitera pas à être franchement désagréable. Et ça, dans le monde des séries, c’est rafraîchissant.

Vous n’avez pas compris la série ? Vous n’êtes pas les seuls, les mecs qui font la promo non plus (Alicia Florrick mutine et sexy quoi, non !)
10) Parce que c’est toujours d’actualité
Certes, on est dans un drama CBS lambda, mais la série pose des questions assez modernes. Dans beaucoup d’affaires de droit, on pourra reconnaître des problématiques propres au monde des nouvelles technologies. L’entreprise fictionnelle Chumhum, l’un des gros client du cabinet, n’est que l’avatar de Google. Dans la saison 3, on avait droit à Jason Biggs (encore un à rajouter dans le casting) en créateur du Bitcoin. Rajoutons ici que la série ne parle pas que de procès. Avec le personnage de Peter Florrick, elle explore également des intrigues qui tournent autour de la politique et des jeux de pouvoir. Évoquant par la même occasion des questions contemporaines telles que le port des armes, le mariage homosexuel, le problème des drones, le militantisme et la répression en Chine. Rien en comparaison à The West Wing, mais bien plus à la page que The Newsroom !
Bref, vous l’aurez compris, on aime The Good Wife pour tout un tas de raisons. On peut dire ici que c’est la seule série de network qui vaille le coup. C’est d’ailleurs la seule à être nominée pour des prix. Mais curieusement, le charme de la série, très centré sur un rapport affectif du spectateur aux personnages ne marche que si l’on commence saison 1, épisode 1. Alors si vous souhaitez voir une série qui innove tout le temps, bien écrite, à la fois exigeante et très divertissante, et en profiter pleinement : on recommence à zéro, on se fait tous les épisodes et on arrête d’en regarder seulement un ou deux en passant, car ses qualités se construisent sur le long terme. The Good Wife est une très bonne série, mais elle se mérite.
Bravo Sophie, je m’incline, je suis convaincu, merci 10 fois ;o)
J’en suis plus que ravie !!!