Amateurs de science-fiction, de fantastique et autres récits d’anticipation, bienvenue, aujourd’hui Syfy est à l’honneur. Voilà un moment que nous n’avions pas parlé de cette chaine sur Séries Chéries. Mea culpa, il est plus que temps d’entamer une petite séance de rattrapage sur quelques-unes des séries phares qui ont animé Syfy durant ces derniers mois. Au programme, une plongée à travers le temps avec 12 Monkeys et une exploration de l’espace pas tout à fait comme les autres avec Ascension. Bref, comme dirait l’autre, vers l’infini et au-delà !
12 Monkeys. Plutôt Retour vers le futur ou Terminator ?
Difficile de parler de 12 Monkeys sans parler de films. L’idée de cette série n’est pas vraiment une nouveauté. Remake du film de Terry Gilliam de 1995, L’Armée des 12 singes, qui était lui-même une adaptation de La Jetée de Chris Marker, cette série s’inscrit dans une prestigieuse filiation. Un héritage qui pourrait d’ailleurs s’avérer un brin lourd à porter. La série reprend en tout cas le concept du film de Gilliam en retraçant le destin d’un homme venu du futur pour empêcher l’apocalypse. Ni Bruce Willis ni Brad Pitt ne sont de la partie mais les bases de l’histoire sont conservées.
Sans s’amuser à jouer au jeu des sept différences entre 12 Monkeys et son modèle on retrouve des éléments connus, le voyageur temporel James Cole (Aaron Stanford) bien sûr, le docteur Cassandra Railly (Amanda Schull) seule à comprendre et à croire Cole mais aussi l’entreprise pharmaceutique Goines ou encore une mystérieuse organisation connue sous le nom de l’armée des douze singes. Au-delà des similitudes, ce qui frappe dans cette série c’est le remaniement complet qui s’opère à partir d’éléments connus. Si vous pensiez pouvoir prévoir le dénouement de cette série en connaissant le film attendez-vous à des surprises. CIA, cultes mystérieux, survivants à la Walking Dead ou encore Edward Snowden (si, si) vont s’inviter dans une joyeuse farandole entre deux voyages dans le temps pour notre plus grand plaisir mais aussi notre plus grande confusion.
S’il y a bien une chose que l’on ne peut reprocher à 12 Monkeys, c’est son rythme. A chaque épisode son lot de surprises, de retournements de situations voire de révélations fracassantes. Bien malin qui saurait prévoir ce qui va se passer d’un épisode à l’autre. C’est assurément la grande force de la série, se servir des concepts de voyages temporels et de récits complotistes pour mieux nous surprendre. Cette qualité a pourtant un revers, à force d’en rajouter on pourrait bien se perdre dans les méandres du scénario. Les paradoxes temporels sont pourtant assez habilement utilisés. Les embranchements du temps ne nous perdent jamais tout à fait et les répercussions sur le futur de décisions prises dans le passé sont suffisamment rares pour constituer de vrais événements sans tourner à la caricature. Par contre, dès qu’il est question de complots là malheureusement ça coince un peu. Un petit complot c’est bien pratique dans une série, des secrets, des machinations, voilà qui est parfait pour susciter la curiosité. Oui mais encore faut-il que le spectateur y croie un minimum. Le problème c’est qu’entre les entreprises mystérieuses, les sectes démoniaques et autres incursions de la CIA on ne sait plus où donner de la tête. Intéressant mais mal foutu, ce trop-plein de mystères peut vraiment lasser.
Côté réalisation on ne peut que féliciter Syfy d’avoir joué la carte de la sobriété. Pas de transition entre les époques façon tempête de synthèse à la Sliders ou à la Stargate, pas d’apparitions avec flashs de lumière et musique grotesque, on reste dans le simple et l’efficace. Tant mieux même si tout cela manque un peu de fantaisie. On est bien loin des délires hallucinogènes de Terry Gilliam ou de la poésie surréaliste d’un Chris Marker. Dommage car on perd là l’une des grandes forces des œuvres originales. Ce qui démarquait tant L’Armée des douze singes du reste des épopées temporelles ce n’était pas l’originalité de son principe mais plutôt la mise en scène d’une perte de repères, de l’impression d’être plongé dans un rêve ou dans un cauchemar incontrôlables. Tout ça, difficile de le retrouver dans 12 Monkeys. Pas vraiment de style particulier, pas vraiment de prise de risques, bref on reste sur quelque chose d’un brin trop tiède.
12 Monkeys a beau accumuler pas mal de défauts on se laisse malgré tout prendre au jeu. Est-ce le côté quête, l’inattendu à chaque épisode ou le principe même du voyage dans le temps ? Sans doute un peu de toutes ses raisons. Envers et contre tout on peut se laisser séduire. Ce n’est assurément pas la série de l’année ni même la révélation des derniers mois. On est loin de l’adaptation en série du Fargo des frères Coen, mais pour les aficionados des explorateurs du temps en tous genres la série mérite tout de même le coup d’œil.
Ascension. Partir un jour sans retour.
Nouveau grand projet de Syfy, la série Ascension était attendue au tournant par les fans de la chaîne. Série ambitieuse réunissant notamment dans son casting Tricia Helfer (Battlestar Galactica), Gil Bellows (Ally McBeal) et Brian Van Holt (Cougar Town), Ascension était annoncée par Syfy comme le grand événement à ne surtout pas louper. Alors, chef d’œuvre ou pétard mouillé ? C’est ce que nous allons voir maintenant.
Loin des fresques et des épopées auxquelles nous avait habitués Syfy avec Battlestar Galactica ou Stargate, Ascension prend une forme beaucoup plus concise en adoptant le format d’une mini-série de trois épisodes d’environ une heure chacun. Syfy nous a fait vibrer avec ses récits au long cours, mais la forme choisie ici correspond totalement au sujet. On est plongé d’emblée dans une intensité et un sentiment d’urgence qui ne cesse de croître et ne nous lâche pas jusqu’au dénouement final. Une sensation qu’une longue saison n’aurait certainement pas permise.
Mais de quoi parle Ascension ? La série nous fait vivre le quotidien d’une mission spatiale pas comme les autres. Projet secret du gouvernement américain, une expédition de plusieurs centaines de personnes, hommes, femmes et enfants a été menée dans l’espace pour un voyage de cent ans en quête d’un nouveau monde susceptible d’offrir une nouvelle chance à l’espèce humaine. Cinquante ans après le départ de l’expédition, un évènement vient bouleverser l’équilibre de cette communauté de l’espace. Pour la première fois, un meurtre vient d’être commis. Voilà ce que je peux vous dire sans risque. S’il y a une série qu’il est difficile à ne pas spoiler, c’est bien celle-là. L’une des originalités d’Ascension est sa capacité à nous surprendre, notamment à travers quelques twists très perturbants. Comme il serait dommage de déflorer le mystère je vais m’employer à éviter de spoiler à tout va. Soyez-en néanmoins sûr, comme dirait Mulder, la vérité est ailleurs.
Si vous cherchez une série avec un charme particulier, Ascension pourrait en tout cas vous séduire. Bien que l’action se déroule de nos jours, l’univers de la série est un étrange mélange entre une esthétique tout droit sortie des années 60 et un futurisme assez vintage, une sorte de rencontre improbable entre Cosmos 1999 et Mad Men. C’est d’ailleurs sur cette ambiance si particulière que se fonde le principe de la série. La communauté que nous observons a évolué en vase clos depuis 50 ans. Pour eux, les années 60 ne se sont jamais terminées, la guerre du Vietnam n’a pas eu lieu, pas plus que le 11 septembre ou la guerre du Golfe. Ce microcosme est resté figé à mille lieues de ce qu’est la société américaine contemporaine. Il en ressort une intéressante vision des rapports de force et de pouvoir, à la croisée de ceux du passé et des inégalités d’aujourd’hui. Au cœur de la série, deux sujets sont notamment particulièrement mis en avant, la condition des femmes et les rapports entre classes sociales.
Le rôle des femmes dans ce vaisseau spatial semble on ne peut plus caricatural à première vue. Trois rôles apparaissent : les épouses, les soignantes et les hôtesses que l’on pourrait d’ailleurs tout aussi bien nommer courtisanes ou plus vulgairement escort-girls. On sent que le mouvement d’émancipation n’a pas tout à fait pris le même chemin. Pourtant, ces femmes sont au cœur des intrigues d’Ascension. C’est le meurtre d’une femme qui initie l’intrigue et c’est une petite fille qui obtient seule le pouvoir de voir la vérité derrière les illusions. Les femmes ont aussi un rôle politique dans cet univers, un rôle qui passe notamment par les personnages des hôtesses. Entre les murs du vaisseau, la politique est avant tout histoire d’attirances et de sexe. Telles des courtisanes de l’Ancien Régime, les hôtesses peuvent faire et défaire les réputations. Tout est histoire de séduction des puissants et de petits secrets révélés sur l’oreiller. Ces geishas de l’espace auraient pu être de simples illustrations de l‘inégalité hommes-femmes mais on peut voir à travers le personnage de Tricia Helfer, épouse du commandant et sainte patronne de ces courtisanes, la volonté de ces femmes de sortir du rôle de trophées auxquels voudraient les condamner les hommes. A travers son destin on perçoit combien séduction et manipulation peuvent être liées jusqu’à constituer finalement le seul vrai pouvoir politique de ce petit monde. On est bien sûr encore loin du portrait de la condition féminine dans Mad Men mais on trouve tout de même des réflexions intéressantes.
Côté inégalités sociales, le tableau est clair, les ponts inférieurs et l’obscurité sont réservés aux travailleurs manuels et les étages les plus élevés sont pour la classe dirigeante. Les chances de s’élever sont maigres et la hiérarchie sociale ne manque jamais d’être rappelée par diverses brimades à ceux qui viennent d’en bas. Bref, une illustration des divisions de classes qui n’est pas sans rappeler celle de Titanic. Une chose par contre reste totalement oubliée, le racisme des années 60. Étonnamment, cette question n’est jamais évoquée. Le second du vaisseau Aaron Gault (Brandon P. Bell) est afro-américain et est l’un des personnages principaux, ce qui fait supposer qu’il n’existe pas de problèmes de racisme dans le vaisseau. Au vu des non-dits et de la persistance d’un esprit très américain années 60 au sein du vaisseau c’est cependant très surprenant.
Je n’ai pas beaucoup parlé de l’intrigue jusqu’à présent sans doute parce que l’univers est tout aussi important dans cette série que les rebondissements de son histoire. Partant du principe d’une enquête criminelle en huis clos, une sorte d’Hercule Poirot dans l’espace, l’intrigue dérive vite vers un questionnement sur la vraie nature de cette mission. Si le crime n’est qu’un prétexte, de nombreuses questions demandent résolution et l’on se sent vite impliqué dans le destin de cet équipage pas comme les autres. Série chorale, Ascension met en avant des personnages un peu archétypaux mais néanmoins bien conçus auxquels on s’attache vite. Résultat, on ne peut qu’être sensible à la menace qui pèse sur ce petit monde autarcique. Seul point noir, on en vient à regretter que certaines clés de l’intrigue soient si vite révélées. C’est l’inconvénient d’une mini-série mais question intensité on ne risque pas d’être déçu.
Si Ascension ne signe pas le renouveau de la science-fiction, elle constitue en tout cas une très bonne surprise de la part de Syfy. Bien réalisée, surprenante et ambitieuse, cette série prouve que Syfy ne doit pas être cantonnée à l’image de la chaîne du fantastique cheap. Une très bonne nouvelle qui pourrait constituer la promesse de créations d’un nouveau genre sur cette chaîne trop souvent mal jugée.
Joyeux anniversaire Serge ! Bravo poour les 2BE3 au fait. En dehors de ça je te laisse 12 Monkeys et je garde Ascension. Sacré visionnage !
Conclusion : pauvre Syfy…
Merci je sais quoi regarder !
Mais à quand un duel Battlestar Galactica vs Babylon 5 ?
Et bon anniversaire Serge !