Historique de la chaîne
« Des programmes comme la troisième chaîne, ça ne s’échange pas ». Avec une telle devise, l’ambition est de mise lors de la création de la troisième antenne de l’ORTF en 1972. Nous sommes alors dans les dernières années de l’Office de Radio-Télévision Française, organisme d’Etat contrôlant avec le monopole le plus total les médias télévisuels et radiophoniques. L’offre est pour le moins limité et la création d’une troisième chaîne, intégralement diffusée en couleur qui plus est, fait figure d’événement. La création de cette antenne répond avant tout à un désir de décentralisation et de meilleure exposition des directions régionales de l’Office public. Les décrochages vers les studios régionaux tels que Télé Marseille-Provence, Télé Lille ou encore Télé-Lyon ainsi que les productions décentralisées, font partie intégrante de l’ADN de la chaîne dès sa création.
En 1975, l’ORTF est dissoute. Une loi réformant l’audiovisuel divise le mammouth de l’Office public pour le diviser en sept sociétés autonomes. Les trois chaînes restent publiques mais acquièrent désormais leur autonomie, la troisième devenant ainsi France Régions 3 (FR3). Le changement de statut n’inaugure pas de véritable révolution au sein de la grille de programmes : FR3 reste l’antenne des régions, de la culture et de la jeunesse mais renforce au passage son rôle de diffuseur privilégié du cinéma. A ses débuts, France Régions 3 diffuse ainsi jusqu’à quatre films par semaine et s’affirme comme le premier investisseur du cinéma français. Dès 1976, à travers l’émission Cinéma de minuit, la chaîne affirme une vocation d’ouverture à tous les cinémas en programmant chaque semaine un film ancien reconnu comme un classique du patrimoine. Ce rôle de premier partenaire du cinéma subsistera pour FR3 jusqu’en 1984 et l’apparition de Canal +. La chaîne privée ayant besoin d’attirer les souscripteurs potentiels avec une offre forte, FR3 doit quant à elle diminuer ses dépenses. Le nombre de diffusions de films imposés par quotas se voit ainsi limité à un nombre similaire à celui de TF1 ou d’Antenne 2. A la même époque, la publicité apparaît sur l’antenne, une page se tourne pour le service public et l’audience entre plus que jamais en compte dans les choix de programmations.
Les années 80 sont une période de profonde mutation du paysage audiovisuel. La première chaîne, TF1, est privatisée en 1986, TV6 puis M6 apparaissent en 1987. Face à ce mouvement de libéralisation des ondes, la télévision publique se réorganise. En 1989, Antenne 2 et France Régions 3 sont rapprochées au sein du groupe France Télévision, doté d’une présidence commune dans une logique d’harmonisation des programmations. En 1992, la complémentarité des chaînes publiques se poursuit par le changement de nom des deux antennes. Elles seront désormais connues sous les dénominations de France 2 et France 3. 2010 verra la dernière étape du regroupement stratégique de la télévision publique avec l’établissement d’une entreprise commune regroupant l’ensemble des antennes publiques sous le label France Télévisions. France 3 conserve ses particularités mais elle est désormais l’une des composantes d’une stratégie globale pour la télévision publique.
Ligne éditoriale
Dès ses premières années, la programmation de la troisième chaîne fait la part belle à des émissions et séries à la fois culturelles et régionales. Les premiers feuilletons diffusés sur la troisième chaîne de l’ORTF sont majoritairement des adaptations de romans tournés en régions par les antennes locales du Nord, de Provence ou du Centre. La Porteuse de pain ou La Feuille de Bétel participent à la création d’une nouvelle vocation toujours en vigueur aujourd’hui : sortir du centralisme parisien pour mettre en valeur le patrimoine régional d’une France aux multiples visages. La programmation récente du feuilleton Le Sang de la Vigne, récit d’enquête dans le milieu viticole, et de la collection Meurtres à, polars inscrits dans les paysages du Pays Basque, de Guérande ou bien encore de Saint Malo au gré des épisodes, s’inscrit dans la même volonté, à savoir sortir des studios et des décors parisiens pour utiliser la diversité des paysages régionaux. Particularité de France 3, cette décentralisation ne répond évidemment pas qu’à une recherche esthétique mais à une stratégie de lien privilégié avec le public. En inscrivant des intrigues dans des décors familiers pour les spectateurs, France 3 affirme sa vocation de chaîne locale au-delà des émissions d’infos et autres reportages en régions. Le succès d’audience remportée par Le Sang de la Vigne et par les épisodes de Meurtres à… semble montrer que la formule fonctionne toujours aussi bien.
Ce positionnement régional a souvent été associé à une vocation familiale dans les programmes de France 3. Famille d’accueil ou Louis la brocante, deux séries construites autour d’intrigues de conflits familiaux ou d’affrontements de voisinage, représentent un certain type de fictions très caractéristiques de la programmation de France 3 des années 90 au milieu des années 2000. Séries positives situées en milieu rural, ces programmes ont avant tout pour but de réunir les téléspectateurs de toutes générations devant leur poste. Succès en termes d’audience, elles ont malgré tout contribué à une image de vieillissement de la fiction made in France 3. Accusées d’être trop bon enfant, de manquer d’audace, ces programmes ont su marquer leur temps mais ont aujourd’hui été interrompues. Une page se tourne pour la fiction sur France 3.
2004 marque un premier tournant dans la programmation de France 3 avec la création de Plus Belle la Vie. La chaîne se lance dans le soap, genre très compliqué à produire du fait de sa diffusion quotidienne et jusqu’à présent peu expérimenté en France. Malgré des débuts difficiles, le pari se révélera un succès. La formule de héros proches du quotidien, affichant les défauts de Monsieur et Madame tout le monde, permet une identification immédiate et séduit un public multigénérationnel. Un tournant se produit également au niveau de l’écriture à partir de la fin des années 2000. Un Village Français, récit de la vie des habitants d’une petite ville sous l’occupation, reprend les ingrédients des fictions de France 3 en leur insufflant une ambition nouvelle. Si l’on retrouve la campagne, le voisinage et les conflits de rivalité, le drame s’invite à la danse pour une intrigue loin des bleuettes passées. Récemment, une série comme La Vie devant elles semble confirmer cette nouvelle direction, plus que jamais ambition et modernité sont de mise pour la fiction de la troisième chaîne.
Parallèlement, France 3 entretient depuis ses premières années une attention particulière pour sa programmation jeunesse. De l’émission culte des années 70 l’Île aux enfants jusqu’aux Minikeums en passant par l’Inspecteur Gadget, Les Malheurs de Sophie ou encore Les Grandes Grandes Vacances, on ne compte plus les programmes jeunesses initiés par FR3 devenus cultes. Accueillant principalement sur son antenne des productions françaises, la chaîne s’affirme comme l’un des partenaires principaux du secteur de l’animation en France. Ce positionnement, couplé à une certaine exigence qualitative, a permis à France 3 de toujours mettre la jeunesse au cœur de son identité. Pas de différence entre le jeune public et le public adulte, le désir de qualité reste le même. Au cours de son histoire, France 3 a d’ailleurs parfois fait le pari de choix de programmation plutôt surprenants pour mettre en avant des séries jeunesses. On se souvient notamment des Aventures de Tintin, série ambitieuse et d’une fidélité totale à la BD, diffusée tous les mardis soirs en prime time en 1992. Pas de doute, France 3 sait aussi oser.
Enfin, si France 3 est la chaîne des régions, elle n’est pas pour autant la chaîne du repli. A travers sa programmation de fictions, elle a su prouver qu’elle pouvait aussi s’ouvrir sur le monde. Outre les séries américaines, France 3 a depuis longtemps été une place privilégiée pour les séries d’enquêtes européennes. Inspecteur Barnaby, Commissaire Montalbano ou encore Brokenwood ont toutes connu leur première diffusion en France grâce à la troisième chaîne. Les enquêtes bien ficelées dans la lignée des récits de Mary Higgins Clark et autres Hercule Poirot sont devenues l’une des marques de fabrique d’une chaîne où l’esprit l’emporte définitivement sur les effets et autres méthodes scientifiques alambiquées.
Séries cultes
Années 1970
La Porteuse de pain – La Feuille de Bétel – Le Renard et les Grenouilles – Les Faucheurs de marguerites – Gil Blas de Santillane – L’Hiver d’un gentilhomme – Paul et Virginie
Années 1990
Fantômette – Docteur Sylvestre – Louis la Brocante
Années 2000
Famille d’accueil – Fabien Cosma – Plus belle la vie – Commissaire Magellan – Un Village Français
Années 2010
Jeu de dames – Origines – Collection « Meurtres à » – Le Sang de la Vigne – Mangeville – La Vie devant elles
Ils ont fait découvrir en France
Hawaï police d’État – Dynastie – Manimal – Cosby – Corky, un adolescent pas comme les autres – Docteur Doogie – New York, police judiciaire – New York Police Blues – Benny Hill Show – Mr Bean – Hercule Poirot – Inspecteur Barnaby – Inspecteur Frost – Inspecteur Lewis – Commissaire Montalbano – Commissaire Brunetti – Les Enquêtes de Murdoch – Brokenwood – Les Kennedy
Sources et lectures recommandées
INA Global – Chronologie de la télévision en France depuis 1853.
Etude CSA – Pour une relance de la fiction française.
Étude de la Société d’études stratégiques pour le cinéma et l’audiovisuel (SESCA)
Etude CSA – La Stratégie éditoriale des chaînes en matière de fiction.
Quels ingrédients du renouveau de la fiction française ?
Interview d’Anne Holmes, directrice de la fiction sur France 3.
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