Quand on étudie la mort dans les séries, on voit que l’écriture du décès des personnages principaux a d’abord et souvent été liée aux aléas de la production en général et à la situation des acteurs en particulier. Simples mortels, ceux-ci ne sont pas à l’abri d’un accident, d’une disparition prématurée… Ou d’une engueulade avec leurs collègues. Sauf qu’une discorde professionnelle peut prendre une dimension fatale quand scénaristes et producteurs y sont mêlés : ces derniers ont tout loisir de se venger par le biais de la narration et des contrats, et prouvent régulièrement qu’aucun acteur n’est vraiment indispensable. La preuve par cinq.
(Attention, spoilers avec plus ou moins de prescription)
Chevy Chase
Ex-star du Saturday Night Live et de comédies populaires dans les années 80, il a d’abord estimé qu’il faisait une faveur à NBC en acceptant de jouer dans une bête sitcom nommée Community. On avouera que ce n’est pas le meilleur état d’esprit à avoir quand on commence un boulot, et ça explique sûrement la naissance de tensions avec le reste du casting et le créateur Dan Harmon. Ce dernier n’étant pas connu pour son sens de la diplomatie, ce fut l’escalade : tous les traits de personnalité que Chevy Chase déplorait dans son personnage parce qu’ils n’étaient pas flatteurs, loin d’avoir été gommés par les scénaristes, se sont accentués d’épisode en épisode. Si bien que le rôle de Pierce est fondamentalement devenu celui d’un vieux beau ridicule qui débite des insanités racistes à longueur de temps, presque toujours antagoniste du reste du groupe (écho au tournage ?) et victime de la plupart des gags de type slapstick. L’acteur ne supportant plus qu’on rie à ses dépends s’en est plaint dans un long message vocal… que Dan Harmon n’a pas hésité à diffuser publiquement lors de son podcast, entraînant son licenciement du poste de showrunner par Sony. Son retour une (terrible) saison plus tard a été sans pitié : Pierce meurt hors-champ, apparaît une dernière et brève fois sous la forme d’un hologramme et loin d’être pleuré, il est à peine mentionné par les autres personnages. Aouch.
Shannen Doherty
Shannen, c’est un peu la spécialiste de la mauvaise ambiance de tournage. Dès le début de Beverly Hills 90210 elle se prend la tête avec la production et la moitié de ses collègues à coups de caprices et de mégalomanie ; Jason Priestley raconte qu’elle se plaignait quand le véhicule affrété pour leurs déplacements n’était pas une limousine, et elle n’hésite pas à exiger que Brenda, son personnage, soit mieux mis en valeur. Hors plateaux, elle enchaîne les éclats et micro-scandales en allant faire la fête avec Tori Spelling. Ça ne s’arrange pas au fil des saisons, et elle en serait venue aux mains avec Jennie Garth, qui jouait sa meilleure amie à l’écran. Aaron Spelling finit par la virer à la demande du reste du casting, et son personnage va voir ailleurs s’il y est en 1994, à la fin de la saison 4. Shannen Doherty récidive pour Charmed, une autre production Spelling : elle s’entend très bien avec Holly Marie Combs, une amie de jeunesse (elles ont d’ailleurs récemment participé à une émission de télé-réalité ensemble), mais c’est la guerre froide avec Alyssa Milano à partir de la deuxième saison. Les deux actrices se disputent la place prépondérante sur les images promotionnelles et dans le générique, rechignent à s’adresser la parole en dehors de leurs répliques et font pression sur la production en mode « il n’en restera qu’une ». La rumeur veut que l’aînée est jalouse de se faire voler la vedette par sa cadette, et dénigre globalement la qualité de la série. La chaîne embauche un médiateur mais rien n’y fait ; le final de la troisième saison, réalisé par Shannen Doherty elle-même, s’achève sur un cliffhanger auquel Prue Halliwell aurait pu survivre… mais ne survit finalement pas. L’actrice, qui était plus ou moins encline à quitter la série au vu des conditions de travail, est virée par téléphone alors qu’elle ne s’y attendait plus.
Robert Downey Jr.
L’interprète d’Iron Man a affirmé récemment que jouer dans un film à petit budget serait pour lui une perte de temps (source : Entertainment Weekly). Mais cette forme d’arrogance est manifestement un trait de personnalité persistant : il a ainsi très mal vécu – en tant qu’acteur de cinéma prometteur – d’échouer à la télévision en 2000. A l’époque c’est la rétrogradation hollywoodienne suprême et le signe le plus évident qu’il est à la limite d’être persona non grata après plusieurs cures de désintoxication et un passage en prison. Si l’introduction du personnage de Larry Paul relance l’intérêt et les audiences d’Ally McBeal, le rythme de travail contraignant et le manque de reconnaissance poussent l’acteur à plonger à nouveau dans ses diverses addictions. Arrêté en possession de drogues, il continue de tourner pendant son procès ; ça se produit une nouvelle fois quelques mois plus tard et c’est alors la condamnation de trop : il est viré par la Fox alors même que son personnage vient de se fiancer avec l’héroïne.
Charlie Sheen
Mais à côté de Charlie Sheen, toutes ces crises sont bien peu de chose. Coutumier des tabloïds pour son excentricité et son mode de vie sulfureux, entre son goût pour la fête et ses relations avec des actrices porno, l’acteur de Mon oncle Charlie enchaîne les scandales entre 2006 et 2011. Il avoue d’abord lors d’un talk-show être convaincu par la théorie du complot en ce qui concerne le 11 septembre… puis son comportement devient définitivement criminel, entre glorification publique de l’usage de stupéfiants (il clame avoir besoin de se tenir au mobilier pour rester debout lorsqu’il tourne la série), accusations de violences conjugales et séquestration d’une call-girl dans sa chambre d’hôtel. Mais là où il dépasse les bornes pour CBS, c’est quand il s’attaque au producteur Chuck Lorre et à d’autres gens haut placés lors d’une diatribe radiophonique aux relents antisémites. La production et la diffusion de la série, provisoirement mises en hiatus pendant l’une de ses cures de désintoxication, sont alors véritablement interrompues et la mort du personnage – emblématique de la série, et qui lui avait valu de battre tous les records de salaire de la télé US – est annoncée au début de la saison 9. Ashton Kutcher le remplace pendant que ses déclarations se font de plus en plus chaotiques : il affirme avoir du sang de tigre, l’ADN d’Adonis et venir de Mars, entre autres. Mais si l’on en croit la fin de la série, et le fait qu’il a retrouvé un rôle principal sur mesure dans Anger Management, il semblerait s’être un tant soit peu réconcilié avec la profession.
Nicollette Sheridan
Nicollette Sheridan jouait Edie Britt dans Desperate Housewives, et son rapport avec le créateur de la série était si tendu qu’il a abouti sur un procès pour licenciement abusif qui n’a toujours pas trouvé de conclusion. Elle accuse par ailleurs ABC et Marc Cherry de harcèlement moral, de discrimination sexiste… et même de coups et blessures, le scénariste l’ayant apparemment giflée au terme d’une altercation. La mort de son personnage en cours de saison 5 est suspecte sachant qu’elle avait été nominée pour un Golden Globe en 2005 et était généralement très appréciée du public comme des critiques, mais la chaîne plaide qu’elle leur coûtait trop cher et que cela avait toujours été dans l’intention des scénaristes de supprimer son rôle en cours de route. En retour, elle affirme qu’on lui avait promis un emploi stable et une place plus importante de saison en saison, et que Marc Cherry maltraitait aussi les autres actrices de la série. Celles-ci se rangent pourtant dans le camp de celui-là, témoignant en sa faveur, et l’actrice se retrouve au final accusée d’avoir été une diva insupportable sur le plateau, qui ne s’entendait avec aucun de ses collègues, arrivait toujours en retard et n’apprenait pas ses répliques. Hollywood, ton univers impitoyable…
Spoiler Mon oncle Charlie :
Il est vivant, il a été enlevé par Rose et il vivait dans un puits. Il se libère mais se fait écraser par un piano dans la dernière scène de la série.