Historique de la chaîne
En 1985, l’australien magnat des médias Rupert Murdoch vient d’acquérir la 20th Century Fox – mythique studio à qui il arrivait déjà de produire des séries, en particulier le proto-show judiciaire Perry Mason – et décide de fonder une chaîne pour l’ajouter à son empire News Corporation. Les Big Three, soit les trois grands networks ABC, NBC et CBS, se partagent encore à cette époque le paysage audiovisuel américain et ne souffrent aucune concurrence : toutes les tentatives d’alternative à leur monopole se sont jusqu’alors soldées par un échec, et les « quatrièmes chaînes » semblent condamnées à faire faillite. La Fox est d’ailleurs lancée en 1986 sur les stations de diffusion d’une de ces naufragées, la DuMont Television Network.
Ses débuts sont très difficiles. Elle n’est bien entendu pas du tout la bienvenue sur le marché ultra-compétitif de la télévision, et sa visibilité est d’autant plus compromise que les conditions techniques ne sont pas optimales : la Fox n’émet pas partout et souvent dans une qualité médiocre. C’est grâce aux fonds massifs de la News Corporation qu’elle peut perdurer et aussi parce qu’en limitant son taux horaire, elle n’a pas encore le statut légal de network et s’évite donc de nombreux frais. Ses dirigeants s’attendent à perdre 50 millions de dollars la première année, et le déficit s’élève finalement à presque 80 millions ; en 1988, son président Barry Diller compare leur entrée en jeu au Débarquement : « Nous sommes sur la plage. Nous connaissons toutes les difficultés que l’on peut connaître sur un front massivement fortifié. Mais nous rampons vers les haies », en sachant qu’il ne fait pas forcément preuve d’optimisme en évoquant la Bataille des Haies – un combat décisif et victorieux, certes, mais extrêmement sanglant. Les audiences sont d’abord très basses, le Late Show qui est mis en place pour tenter de concurrencer le Tonight Show de NBC s’interrompt en 1989 après un succès mitigé et de nombreux problèmes internes, et la programmation se compose avant tout de rediffusions. Les créations de la Fox peinent pour la plupart à marquer les esprits mais la soirée du dimanche attire peu à peu davantage de spectateurs, surtout sur une tranche d’âge jeune, grâce à 21 Jump Street et des programmes comiques. Un sursaut de notoriété inattendu survient quand une mère de famille du Michigan appelle au boycott de Mariés, deux enfants, outrée par quelques allusions grivoises d’un épisode de la troisième saison : tout le monde jette un coup d’œil à ce show tant décrié, et les annonceurs qui menaçaient de se retirer de la chaîne n’en font rien.
La Fox prend son élan grâce au football américain : elle signe un contrat très avantageux avec la NFL, toujours grâce aux fonds de la News Corporation, et achète dans la foulée de nouvelles stations de diffusion. Les années 90 signent l’expansion de la chaîne, qui se décline enfin en un véritable réseau grâce à des chaînes câblées qui lui sont affiliées (FX, Fox Sports, Fox News…). Progressivement, elle gagne en importance, et la fructueuse quatrième saison de X-Files lui permet d’être présente, enfin, en 1997, dans le classement des vingt séries les plus regardées aux Etats-Unis. La même année, elle a le droit de diffuser le Super Bowl, honneur que seuls les Big Three se partageaient en alternance auparavant. NBC, ABC et CBS doivent désormais vraiment prendre en considération cette nouvelle prétendante.
Grâce aux hits que sont American Idol, 24 heures chrono ou encore Dr. House, elle finit d’ailleurs par les dépasser sur le podium au début des années 2000 et entre directement en conflit avec CBS pour le titre de chaîne la plus regardée des États-Unis, qu’elle obtient en 2005 sur la très convoitée catégorie démographique des 18 – 49 ans. Ce beau parcours perdure jusqu’à la saison 2012/2013, durant laquelle les audiences des succès de la Fox en général et de Glee en particulier connaissent un fort déclin. Ce recul coïncide avec la scission de News Corporation entre News Corp et 21st Century Fox, qui hérite de la division Fox Entertainment Group, et donc de la Fox Broadcasting Company. Depuis deux ans la chaîne peine à imposer ses productions tant aux critiques qu’au public, mais elle pourrait bien retrouver sa place prépondérante grâce au succès de Gotham et aux records battus par Empire.
Ligne éditoriale
Pour que la Fox subsiste, il lui fallait impérativement jouer sur le même terrain que ses aînées et récupérer une partie de leurs spectateurs. Elle s’est donc consacrée avant tout aux émissions qui cartonnaient chez ses concurrentes, soit des programmes familiaux, dynamiques et drôles, entre talk-shows humoristiques, sketches et sitcoms. Dans les 90’s, In Living Color et MADtv sont ainsi directement inspirés du Saturday Night Live de NBC. Plus récemment, ce sont des télé-crochets, émissions de variété et de télé-réalité qui ont eu le plus de succès, qu’ils soient précurseurs ou qu’ils suivent des formules proches de programmes rivaux (American Idol, So You Think You Can Dance, The X Factor, MasterChef). Le divertissement règne sur la chaîne, qui est la seule des networks de premier ordre à ne pas diffuser de magazine d’informations.
Cependant, la reprise de la tradition de la sketch-comedy a surtout été à l’origine d’un choix décisif pour la chaîne : le grand retour des cartoons à la télévision. En effet, Les Simpson apparaissent d’abord à la fin des années 80 en tant que courts interludes dans le Tracey Ullman Show avant de devenir une série à part entière et de connaître un immense succès public et critique – qui ne se dément toujours pas aujourd’hui, vingt-cinq ans après leurs débuts. Ils ravivent la coutume des dessins animés en prime time, éteinte depuis les années 50, et contribuent à faire passer la Fox dans la cour des grands en attirant une audience considérable. Cette niche continue d’être une spécialité de la chaîne, qui programme par exemple Les Rois du Texas (King of the Hill) dans les années 90, Les Griffin depuis une quinzaine d’années ou Bob’s Burgers aujourd’hui.
Les dessins animés sont par ailleurs les enclaves les plus subversives d’un network globalement consensuel. C’est un véritable grand écart politique qui s’opère entre les différentes branches du Fox Entertainment Group, en particulier entre ses chaînes câblées – l’irrévérencieuse FX est à l’opposé de Fox News, très controversée pour son point de vue réactionnaire – mais aussi dans la chaîne mère elle-même. Les créations au vitriol de Seth McFarlane (Les Griffin, American Dad, The Cleveland Show) côtoient une majorité de séries destinées aux jeunes adultes et aux familles, et si certaines sitcoms et séries sont parfois borderline, l’exemple de Mariés, deux enfants montre qu’il y a des limites à ne pas dépasser : certes, la chaîne n’a pas supprimé cette série comme il lui était demandé, mais elle a exigé des scénaristes qu’ils évitent désormais de dénuder les personnages ou d’accumuler les clins d’œil graveleux.
De manière générale, les séries qui ont duré le plus longtemps sur ce network sont à l’origine destinées aux adolescents – Beverly Hills, , Newport Beach, Glee – ou appartiennent à des genres très codifiés et éprouvés sur d’autres chaînes – espionnage, hospital show, procedural. Fantastique et science-fiction, malgré l’exception X-Files, sont traités avec méfiance par la Fox, qui évite autant qu’elle le peut les formes trop déstabilisantes ou expérimentales d’une part, et les récits trop sombres ou dérangeants d’autre part. Pour continuer d’être prospère, elle recherche l’efficacité, que ce soit en amplifiant le suspense (24, Prison Break) ou en intégrant à tout bout de champ des histoires d’amour et d’attirance entre les personnages principaux (c’est parce que Joss Whedon refusait de répondre à ces critères que Firefly a été annulée précocement, la Fox s’attirant à cette occasion assez de rancœurs pour plusieurs générations). On attend donc avec impatience et craint en même temps un peu de voir ce que vont donner Wayward Pines, le Twin Peaks de la Fox, ou son adaptation du Rocky Horror Picture Show.
Séries cultes
Années 1980 :
21 Jump Street – Mariés, deux enfants – Les Simpson
Années 1990 :
Ally McBeal – Beverly Hills 90210 – Les Griffin – Melrose Place – Parker Lewis ne perd jamais – That 70’s Show – X-Files
Années 2000 :
24 heures chrono – American Dad – Arrested Development – Bones – Dark Angel – Dollhouse – Dr. House – Firefly – Fringe – Glee – John Doe – Lie to Me – Malcolm – Newport Beach – Prison Break – Terminator : les chroniques de Sarah Connor – Tru Calling – Wonderfalls
Années 2010 :
Backstrom – Bob’s Burgers – Brooklyn Nine-Nine – Empire – The Following – Gotham – The Last Man on Earth – The Mindy Project – New Girl – Raising Hope – Sleepy Hollow
Sources et lectures recommandées
On the Beachhead : Fox Broadcasting Co. Mounts an Assault on ABC, CBS and NBC–and on TV Viewers as Well, Los Angeles Times, 1988
6 Things You Didn’t Know About The FOX Network, Business Insider, 2012
Fox Network at 25: Blazing Trails and Burning Bridges, The New York Times, 2012
It’s Amazing How Badly Fox Screwed Up Joss Whedon’s ‘Firefly’, Business Insider, 2014
Fox News is the most trusted national news channel. And it’s not that close., The Washington Post, 2015
On conservative Fox News, a debate about whether Fox News is conservative, The Washington Post, 2015
Has « Married…With Children » been muzzled?, Entertainment Weekly, 2015
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