Pour la quatrième journée du festival Séries Mania, Marion et Maguelonne ont enchaîné les conférences pendant que François assouvissait sa passion pour les séries françaises jusqu’ici délaissées…
14h30 : C’est parti pour la première table-ronde professionnelle sur un sujet ô combien d’actualité : quelle place pour la femme dans l’industrie des séries en France ? D’après quelques chiffres d’une étude menée par le CNC, c’est un fait, les femmes sont très mal représentées dans le secteur. Les blogs séries ça compte ? Ce n’est pas pour faire genre mais chez Séries Chéries on ne rigole pas avec ça, c’est 50/50. Dans la salle, il faut bien le dire, il y a une majorité de femmes venues écouter des femmes parler du statut de la femme. Aucun mâle ne se rebelle (silence coupable ?). Nous retenons que :
– Y’en a marre des stéréotypes
– On va se barrer en Suède (parce que c’est la championne de la parité)
– Personne n’a cité Buffy comme modèle de femme moderne, au milieu d’Alicia Florrick, de Bree Van de Kamp, d’Elizabeth Jennings, de Carrie Mathison et de Birgitte Nyborg. Bouuuuh !
16h30 : Place à la conférence sur la représentation de la sexualité féminine à la télévision ! Le sujet est plus que jamais d’actualité, et a été l’objet d’une table-ronde organisée par Showtime. L’universitaire Iris Brey a un peu plus d’une heure pour nous en parler, et démontrer à travers plusieurs extraits qu’une vraie révolution s’est produite dans les séries.
17h25 : Très bonne sélection pour les extraits, depuis Sex and the City la novatrice jusqu’à Masters of Sex la pédagogique en passant par Togetherness, libératrice sans avoir l’air d’y toucher. A leurs côtés j’aurais bien vu Broad City ou Shameless, cette dernière aurait de plus permis d’inclure un personnage noir dans ce panel très ethnocentré (toujours un problème, même pour les chaînes du câble), mais on manque déjà de temps pour traiter ce sujet aussi large que passionnant. Beaucoup d’éléments cruciaux sont abordés avec fluidité et pertinence, depuis le rôle potentiellement didactique de la télévision jusqu’à la salutaire émancipation du modèle binaire opérée dans Transparent en passant par la nécessité d’assumer et de développer le langage consacré aux physiologies et pratiques féminines.
17h45 : Place aux questions. On a bien entendu droit à un beau cas de #MaleTears, avec un jeune homme qui n’a manifestement pas compris grand-chose et regrette que la visibilité de la sexualité féminine se fasse au détriment des hommes (sic). C’est le moment que choisit mon voisin pour dire qu’elle est charmante, cette universitaire, en pleine contradiction avec son langage crû. On a dit quoi sur la binarité déjà ?
17h50 : La très réussie conférence s’achève sur des applaudissements, je n’ai presque rien à redire. The Affair seulement est très durement jugée pour sa narration qui oppose point de vue féminin et masculin, mais il ne faudrait pas oublier que ces stéréotypes interviennent dans le cadre du mensonge et de la manipulation, avec des personnages qui essaient peut-être de se dédouaner et de se blâmer mutuellement. Je ne comprends pas non plus qu’on puisse voir Marnie, de Girls, comme un personnage plus en charge de sa sexualité qu’Hannah : cette dernière participe toujours volontairement, même si avec maladresse, tandis que Marnie se laisse le plus souvent faire pour satisfaire son besoin d’attention et d’affection.
18h25 : Même si je reste dans la salle 300 pour retrouver Matthew Weiner, il faut quand même sortir et faire la queue pour retourner au départ, c’est le jeu ma pauvre Lucette. Enfin cette fois j’ai gagné, je suis au premier rang.
18h30 : Matt (oui maintenant je l’appelle Matt on se voit tous les jours) est ici pour nous présenter ses inspirations cinématographiques. A chaque extrait il s’installe à trois sièges de moi. Je lui écris un petit mot.
19h50 : Les spectateurs du premier rang n’étant pas des collégiens, je n’ai pas pu transmettre mon petit mot. C’est la tristesse, je ne saurai jamais si Matt aurait bien voulu m’adopter après avoir reçu le témoignage de mon admiration et de ma gratitude. Bref. Kieslowski, Lelouch, Demy, Bertolucci, Antonioni, Chabrol et Lynch : globalement, et sans que cela soit vraiment une surprise, Matt est plus intello que le plus intello de vos amis cinéphiles. Deux outsiders : Les jeux de l’amour et de la guerre d’Arthur Hiller avec son casting exquis (Julie Andrews et James Garner qui est le modèle physique de Don Draper), et Patterns, un film de 1956 écrit par Rod Serling (le créateur de la Quatrième dimension) qui a manifestement inspiré à Mad Men ses féroces réunions de bureau.
20h : plutôt que de refaire une boucle sortir de la salle – faire la queue – rentrer dans la salle, et comme j’ai déjà vu tout The Affair et même analysé son pilote, je préfère aller me sustenter d’autre chose que de champagne puis passer le temps en compagnie de membres émérites du Daily Mars, Smallthings et Tess Magazine.
22h30 : Petit coup de pression au moment de retourner à la salle pour voir Hagai Levi : la salle est archi-pleine. Heureusement, plein de sériephiles éreintés (ou, qui sait, émoustillés) quittent la salle à la fin des épisodes pour pécho leur voisin-e.
23h : Comme la psychanalyse dans In Treatment & co, l’infidélité est un sujet souvent évoqué dans les séries, mais jamais creusé. Je regrette amèrement de ne pas avoir vu plus de l’oeuvre d’Hagai Levi, tant les pulsions, névroses et luttes intérieures semblent imprégner l’univers de cet ancien étudiant en psychologie. En tout cas, enfin, le nom de Sarah Treem est mentionné ; je trouve qu’elle a trop largement été passée sous silence depuis le début du festival, alors qu’elle a co-écrit et co-créé la série. Par contre, quelle déception, Pierre Sérisier ne parle apparemment pas anglais et la traduction est de toute évidence chaotique. Les incompréhensions se multiplient et le scénariste d’abord très ouvert se braque peu à peu. Il explique au début qu’il a eu l’idée de la série quand il a lui-même connu la tentation de l’adultère, au cours de ses nombreux voyages pour cause d’un énième remake de son hit Betipul (or, comme il l’affirme, les auteurs réalisent leurs fantasmes dans l’écriture), avoue ensuite qu’il n’aime pas écrire les dialogues, mais refuse vers la fin de répondre à certaines questions, en particulier sur sa propre appréciation de The Affair (ses doutes ne se seraient envolés que lorsqu’elle a reçu un Golden Globe).
23h30 : Devant son air revêche j’ai d’abord craint de poser une question, mais ce n’était manifestement que la faute de son oreillette : il répond avec intérêt à mon interrogation sur la potentielle condamnation morale des personnages, et reste ouvert à la discussion pendant un bon quart d’heure quand la masterclass a pris fin. C’est d’autant plus généreux qu’il a l’air extrêmement fatigué, ce qui n’est pas étonnant quand on voit tous les projets qu’il a en cours pour le cinéma et la télévision.
Pendant ce temps là, du côté de François…
18h59 : Presque en retard, j’arrive après l’équipe du film La vie devant elles. On m’empêche pendant quelques minutes d’entrer dans la salle. Ça commence bien ! Sur le côté, j’aperçois le réalisateur de la série, Gabriel Aghion, ainsi que les actrices principales (Claire Nebout,Stéphane Caillard, Alma Jodorowsky et Lilly-Fleur Pointeaux). C’est Marjolaine Boutet , auteure de Les séries télés pour les Nuls ou Cold case : la mélodie du passé qui est en charge d’animer la soirée et de nous conter la trame de cette nouvelle mini-série française. Après nous avoir dit qu’elle était fan de la série et qu’on allait tous être accro, j’ai eu la chance de trouver une petite place au premier rang de la salle 100, au grand dam de mes yeux.
19h55 : Fin du premier épisode, début de mal de tête. Heureusement pour moi, malheureusement pour France 3, une dizaine de personnes sort de la salle. Chouette, je vais pouvoir me mettre derrière pour voir la suite.
20h50 : Fin du deuxième épisode et début du débat avec Gabriel Aghion, Marjolaine Boutet, Stéphane Caillard, Lilly-Fleur Pointeaux et Claire Nebout. Mon goût pour les audiences m’a obligé à poser quelques questions à ce sujet. L’objectif de la chaîne, France 3, représentée ici par Paule Zajdermann, conseillère de programme à la fiction, est clairement d’être au dessus de 3 millions de téléspectateurs pour avoir une deuxième saison, car deuxième saison il y aura pour suivre les trois demoiselles dans les années 80 – la série est prévue pour durer plusieurs années et Dan Franck, auteur de la série Les hommes de l’ombre, a déjà écrit la suite. Gabriel Aghion me fait signe avec la main qu’ils espèrent plus de 4 millions, avec un large sourire.
21h30 : Fin de la séance, je donne mon petit vote pour la série. Je croise Marjolaine Boutet pour parler avec elle et Lilly-Fleur Pointeaux que je commence à beaucoup voir à la télévision : Falco (en ce moment sur TF1), Ainsi soient-ils et bientôt Candice Renoir sur France 2 (dans la saison 3).